samedi 3 septembre 2011

Un camp de gens du voyage en sursis près de Londres

Dale Farm est le plus grand camp illégal de gens du voyage d’Europe, situé dans une vallée verte à une heure à l’est de Londres, à Basildon. La mairie leur a toujours refusé le permis de construire.

Photo: Crays Hill Encampment  By PETER LAWSON/EASTNEWSLe campement de Dale Farm. Photo Peter Lawson / Eastnews 

Du haut de ses 14 ans, John est visiblement sonné. La colère froide et renfermée du jeune homme, couvert de taches de rousseur, s’exprime en peu de mots. «C’est injuste. On a acheté ce terrain, payé pour toutes les améliorations et maintenant on nous met dehors. Mais ici, c’est chez moi.» Pourtant, d’un jour à l’autre, lui et ses quatre frères vont être expulsés de leur terrain, forcés de reprendre la route dans leur caravane après sept années passées au même endroit. «Je devais commencer le collège la semaine prochaine. Mais à quoi cela sert-il d’aller à l’école pour deux jours à peine?»

Avec John, plus de 400 personnes attendent l’arrivée des bulldozers, des huissiers et des forces de l’ordre. Ils vivent à Dale Farm, le plus grand camp illégal de gens du voyage d’Europe, situé dans une vallée verte à une heure à l’est de Londres. La mairie de Basildon, dont dépend le terrain, leur a toujours refusé le permis de construire. Après plus de dix années sur place, ils ont perdu leur dernier recours judiciaire le 31 août.

Du point de vue de la loi, la mairie est dans son bon droit. Mais, sur place, l’affaire est plus compliquée. Les 80 familles qui y vivent sont propriétaires du terrain. Juste à côté, dans un autre camp parfaitement légal, habitent d’autres familles généralement liées à celles de Dale Farm.

Quand ces «voyageurs irlandais» (environ 20 000 des 300 000 gens du voyage en Grande-Bretagne sont des «Irish Travellers») se sont installés à Dale Farm il y a une décennie, ils ont investi une vieille décharge sauvage. Depuis, l’endroit a été amélioré et les routes renforcées. Le terme de «camp» correspond mal à la réalité: quelques maisons en dur ont été construites, et la majorité des habitants vit dans d’énormes mobile-homes. Malgré cela, la mairie a rejeté le permis de construire parce que le terrain se situe officiellement sur la «ceinture verte» et doit être protégé.

«On m’arrache les tripes»

«En me mettant dehors, on m’arrache les tripes», s’emporte Danny, 35 ans. Pour lui, ce terrain était le début d’une vie meilleure pour ses sept enfants. «Je ne sais pas lire, parce que je n’ai jamais pu aller à l’école, raconte ce rouquin au visage rond. Mais mes enfants vont tous à l’école», explique-t-il avec un accent de fierté.

Le problème de Dale Farm est symptomatique de la situation des gens du voyage au Royaume-Uni. En 1994, l’obligation des mairies de leur fournir des emplacements a été supprimée. A la place, le gouvernement de l’époque a incité les gens du voyage à acheter des terrains et à poser des demandes de permis de construire. Mais une étude – qui remonte à 2004- montre que 90% de leurs demandes sont rejetées, contre 20% pour la moyenne nationale. «On leur demande de respecter les règles mais, si on leur refuse l’autorisation de construire, ils n’ont pas d’autre choix que de s’installer sur des terrains illégaux», s’énerve Calum De Burgh, un activiste venu soutenir Dale Farm.

Pourtant, la mairie de Basildon refuse de transiger, malgré le coût exorbitant de l’expulsion (estimé à 23 millions de francs). Elle a proposé des logements alternatifs, et les municipalités voisines pourraient aussi aider, dit-elle. Surtout, elle a le soutien presque général des habitants locaux, qui parlent de vols et de comportements antisociaux.

Rumeurs ou réalité? «C’est simplement du racisme», réplique Myriam, 16 ans, qui vit à Dale Farm depuis l’âge de 6 ans. «C’est vrai, on est des grandes gueules. Mais on ne fait rien de mal.» Si elle se dit prête à se battre quand viendront les huissiers, elle reconnaît un certain défaitisme. «Nous n’avons nulle part où aller. Nous sommes condamnés à continuer à nous faire mettre dehors de terrain en terrain.»

Eric Albert dans le Temps

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Sur le même sujet, lire également

 

Aucun commentaire: