lundi 23 août 2010

Un pasteur accuse l’état d’avoir poussé un père au suicide

Séparé de sa femme résidant sur La Côte, un Indien était au désespoir de ne plus jamais revoir son enfant de 5 ans, le Service de la population lui ayant interdit le séjour en Suisse. Norbert Valley s’en prend à l’Etat.

Norbert Valley

Un jour de fin juillet, on a retrouvé son corps au bord du lac Léman, non loin de Gland. Il reposait sous un arbre. Lui, le déraciné originaire du sud de l’Inde, a choisi la pendaison pour mettre fin à ses jours. Il était rongé par mille tourments, mais une seule chose explique cet acte de désespoir: sa conviction de ne plus pouvoir revoir son fils, à tout jamais, s’il était chassé de notre pays après la séparation d’avec sa femme établie dans la région. Ganapati* avait 26 ans.

Dans une lettre en anglais qu’il a adressée au pasteur Norbert Valley, il écrit ces mots: «Je suis si désolé, je ne peux vivre sans mon fils. C’est tellement, tellement douloureux. J’ai déjà eu assez de misères. C’est vraiment trop lourd à porter pour le restant de mon existence. Cette voie que j’ai choisie ne signifie pas que j’ai fui ma vie. Je ne peux pas concevoir de vivre sans mon fils. Je n’ai qu’un fils.»

L’émotion est vive dans la voix du pasteur qui a connu Ganapati dès son arrivée et suivi tout son parcours en Suisse. Il évoque la cérémonie d’adieu en présence de son enfant, âgé de 5 ans, en train de confectionner une croix en bois pour son papa. L’assistante sociale qui a accompagné Ganapati dans ses nombreuses démarches ne peut retenir ses larmes en relatant ce même événement.

Mariage en Inde

Le pasteur de l’église évangélique de Gland, établi maintenant dans le canton de Fribourg, ne peut supporter l’idée qu’une décision du Service vaudois de la population (SPOP) ait pu conduire un homme à se donner la mort: «Malgré tous ses efforts pour prouver sa bonne foi à l’administration vaudoise, il n’a pas été entendu. Un enfant de 5 ans est privé de son papa.»

Choc culturel

Ganapati L’histoire de Ganapati ne se résume pas en quelques lignes. Il a connu son épouse, qui vit dans le canton, en mars 2004, lors d’un voyage de cette dernière en Inde. Le mariage est célébré dans ce pays, un enfant naît une année après leur rencontre. Mais ce n’est qu’après de multiples démarches de sa femme, le 31 décembre 2006, qu’il peut venir s’établir sur les rives du Léman. L’homme, écrit le pasteur Valley, «a très rapidement souffert d’un rejet en raison de sa couleur et la situation du couple s’est détériorée».

Entre les époux, les relations s’enveniment. Occasionnellement, Ganapati noie sa détresse dans l’alcool. Sa conjointe se sent menacée par ses réactions surdimensionnées. Après vingt mois de vie commune, ils se séparent.

C’est lors du changement d’adresse que le SPOP entre en scène. Les faits qu’on reproche à Ganapati, condamné deux fois à des jours-amendes, conduisent le SPOP à estimer que son intégration est un échec. N’ayant pas rempli la condition d’une vie en couple de trois ans au moins, le 30 novembre 2009, l’homme reçoit un avis d’expulsion.

Après recours, le Tribunal cantonal confirme la décision du SPOP. Le 13 juillet, Ganapati apprend qu’il dispose de trois mois pour quitter la Suisse.

Seconde chance refusée

Le pasteur Norbert Valley est scandalisé de la précipitation du SPOP, qui n’a pas attendu la fin de la procédure de divorce pour prendre sa décision.

De son côté, l’assistante sociale admet que le comportement de son protégé n’a pas toujours été celui attendu. Elle remarque cependant qu’on lui a refusé une seconde chance alors qu’il était sur la bonne voie. Elle précise qu’il n’était ni dealer ni délinquant. Et s’il avait été reconnu coupable d’actes de violence sur sa femme, elle aurait cessé de le soutenir.

Et la relation avec son enfant, primordiale aux yeux de Ganapati? La famille qui les accueillait lors des droits de visite témoigne aujourd’hui que le comportement du père avec son fils était «tout à fait adapté. Il était paisible.»

Dans sa dernière lettre, l’homme demandait au pasteur de dire à son fils qu’il n’était pas une mauvaise personne. «Je l’aime si fort.»

* Prénom d’emprunt

Article signé Jean-Marc Corset dans 24 Heures

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