Créer un organe ad hoc pour contrôler les prédicateurs musulmans. La proposition de l’UDC a été enterrée hier par le Conseil des Etats. Motion inutile et discriminatoire, qui jetterait de l’huile sur le feu, ont tranché les élus. Un article de Martine Clerc, Berne, dans 24 Heures.
L’islam des caves gangrène-il la Suisse? Le spectre des musulmans radicaux hante un certain nombre de parlementaires de droite. Mais pas au point d’accepter la création d’un organe spécifique de contrôle des imams, afin d’«expulser les prêcheurs de haine». Adoptée par le National en mars sans avoir été débattue, la motion de Lukas Reimann, conseiller national UDC (SG), a été enterrée hier par le Conseil des Etats. Pour éviter l’arrivée de prédicateurs extrémistes, le texte demandait la mise en place d’un système dans lequel seuls les imams titulaires d’une autorisation pourraient exercer dans notre pays. Sésame qu’ils n’obtiendraient qu’en cas de respect de l’ordre juridique et des droits constitutionnels suisses.
Demander à la Confédération de contrôler les imams? Cela ne fait aucun sens pour Robert Cramer, conseiller aux Etats Vert genevois: «Cela revient à créer une sorte de «police des religions», comme on peut en voir à l’œuvre en Iran! Sans compter que cet organe de contrôle aurait été totalement inutile. Il existe déjà en Suisse des lois permettant de sanctionner les appels à la haine ou à la violence.» Ada Marra, conseillère nationale (PS/VD), se réjouit du vote des sénateurs: «Après le vote antiminaret, l’UDC n’arrête pas de faire des lois d’exception. Tout le monde veut lutter contre les imams extrémistes, mais il s’agit d’une petite minorité.»
Soulagement à la mosquée
Les imams ne seront ainsi pas davantage surveillés que les pasteurs ou les rabbins. Stéphane Lathion, spécialiste de l’islam, respire: «Si cet organe s’était contenté de ne surveiller que les imams, il se serait clairement agi de discrimination. De quoi alimenter le climat actuel de méfiance et de suspicion envers tous les musulmans.» A la mosquée de Lausanne, également, on applaudit. «Notre imam est suisse, d’origine libanaise. Il connaît la culture helvétique et prêche en arabe et en français, explique Tawfiq El Maliki, porte-parole du lieu. A Lausanne, le dérapage de notre imam lors de ses prêches n’est simplement pas envisageable car, comme tous les fidèles, il adhère sans réserve aux principes défendus par la mosquée, qui sont: le dialogue et la recherche de l’harmonie.»
Le parlement, hier, a donc suivi le Conseil fédéral, lequel assurait que l’arsenal législatif et policier est suffisant et qu’il est inutile de stigmatiser davantage les musulmans. Et ce, malgré les prêches inquiétants tenus ces derniers mois dans certaines mosquées de Suisse – à Fribourg et à Bâle, notamment – dont la presse s’est fait l’écho. En décembre dernier, l’hebdomadaire Die Weltwoche allait plus loin, révélant le contenu d’un rapport classé confidentiel par le Conseil fédéral: sur les 200 mosquées que compte la Suisse, douze auraient une interprétation radicale de l’islam, notent les experts.
Le PLR pour des «écoutes» préventives
Pour surveiller efficacement les imams, il faut que la police puisse agir à titre préventif, clame le Parti libéral radical (PLR). Sa solution: modifier la loi sur les mesures de sécurité intérieure pour permettre aux services de renseignement, par exemple, d’installer des écoutes dans les lieux privés, même lorsqu’une enquête judiciaire n’est pas en cours. Car actuellement, les services secrets suisses ne sont pas autorisés à écouter les prêches des imams. Une proposition, en son temps, refusée par l’UDC.
«Le projet était excellent, mais l’opinion publique n’était pas prête. On était trop proches de l’affaire des fiches, estime le vice-président de l’UDC – et policier – Yvan Perrin. Aujourd’hui, je soutiendrais le projet du PLR, car une prise de conscience est en cours.» Le conseiller national regrette le rejet de la motion de son collègue: «A terme, le risque est de voir arriver en Suisse davantage d’imams à l’islam rigoriste.»
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