mercredi 17 mars 2010

“Mes collègues croyaient que j’allais prier en service”

D’origine afghane, Zaid est arrivé clandestinement en Suisse à l’âge de 13 ans. Aujourd’hui inspecteur à la brigade criminelle de Lausanne, il évoque son parcours à l’occasion de la Semaine d’actions contre le racisme. Un article de Marie Nicolier pour 24 Heures.

ZaidDans la police lausannoise, Zaid est un cas à part. Un cas né de parents afghans, nourri des souvenirs d’une enfance partagée entre Kaboul et la Tchécoslovaquie. Il arrive clandestinement en Suisse avec sa mère et sa sœur un jour de 1984, tournant le dos à un Afghanistan mis à feu et à sang par le coup d’Etat communiste. Zaid a alors 13 ans, un père militaire qui dormira deux printemps en prison pour motifs politiques avant de le rejoindre, et pas un mot de français en poche. A 38 ans, il est aujourd’hui inspecteur à la brigade criminelle de la police judiciaire de Lausanne et détenteur du passeport à croix blanche. «C’est obligatoire pour entrer dans la police.»

Mis à part quelques attaques racistes qui le visent au cœur – quelqu’un lui hurlant: «Sale étranger, sors de la piscine!» – son adolescence en terre helvétique se déroule sans animosité. «A l’époque, il y avait beaucoup moins d’étrangers. Moi, j’ai été très bien accueilli. Un professeur m’a pris sous son aile. Peut-être qu’aujourd’hui c’est plus difficile. Je vois bien par le biais de mon travail que la violence a augmenté dans le collège où j’ai étudié.»

C’est lorsqu’il commence sa vie active, master de biologie de l’UNIL en poche, que les préjugés sortent de l’ombre, même si c’est souvent «dit en rigolant». «C’est clair qu’en entrant à police secours j’ai senti qu’en tant qu’étranger et universitaire je devais faire mes preuves plus que les autres.» Zaid est non pratiquant, un trait pas toujours bien compris par ses collègues. «J’ai dû expliquer longtemps que, non, je n’allais pas faire la prière pendant le service. C’est comme l’alcool: beaucoup de gens croient que les musulmans ont l’interdiction de boire. Et on me demande toujours aussi si ma femme est Afghane. Je dis que, non, elle est 100% Suisse! C’est comme si c’était difficile à croire», sourit-il. Des réflexions qui glissent sur Zaid la force tranquille, même si, parfois, certaines remarquent agacent. «Il y a une méconnaissance totale de l’Afghanistan», note-t-il.

En pleine Semaine d’actions contre le racisme, le message de l’enfant de Kaboul est aussi simple et naturel que son identité suisse: «L’étranger ne se limite pas à quelques clichés.»

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