lundi 12 octobre 2009

«On peut construire des minarets et respecter les normes helvétiques»


Mehdi Atmani dans le Temps

Matteo Gianni, chercheur à l’UNIGE. (Daniel Winteregg)

Matteo Gianni, chercheur à l’UNIGE. (Daniel Winteregg)

Intégration, confiance dans les institutions, initiative anti-minarets. En marge de la votation, Matteo Gianni et Marco Giugni, chercheurs de l’Université de Genève mènent la première recherche quantitative sur les musulmans de Suisse

Ils seraient plus de 310 000 établis en Suisse, dont 75% sans passeport à croix blanche. Stigmatisés par l’UDC et la campagne de 2004 sur les naturalisations facilitées, méconnus par d’autres, les musulmans de Suisse constituent la majorité silencieuse d’un débat politique qui semble les dépasser. Originaires de Turquie, du Maghreb, des Balkans ou d’Asie du Sud-Est, ils ont leurs propres langues, cultures et parcours migratoire.

Mais qui sont-ils? Chercheurs dans le cadre du Programme national de recherche 58, Matteo Gianni et Marco Giugni, docteurs en sciences politiques de l’Université de Genève, mènent la première recherche quantitative sur les musulmans de Suisse, pour laquelle ils ont sondé quelque 900 représentants. Intégration, confiance dans les institutions suisses, votation sur les minarets: en exclusivité pour Le Temps et dans l’attente des résultats définitifs, Matteo Gianni commente les enjeux sensibles du scrutin du 29 novembre.

Le Temps: Il y aurait entre 310 000 et 350 000 musulmans en Suisse. Peut-on parler de «communauté»?

Matteo Gianni: Il y a des groupes, des interprétations, des langues différentes, mais il est faux d’y voir une communauté sociologiquement homogène. Une multitude d’aspects, telles les caractéristiques ethno-culturelles et les pratiques religieuses, entrent en ligne de compte. Certains se disent non pratiquants mais font le ramadan, alors que d’autres s’identifient à la culture musulmane sans être pratiquants.

– Ces trajectoires plurielles ont-elles un impact sur le sentiment d’intégration des musulmans?

– Trois quarts des personnes interrogées se sentent bien intégrées. Même sans passeport. C’est énorme, si l’on sait que seuls environ 15% des musulmans établis en Suisse sont des citoyens helvétiques, comparativement à la France, où 90% d’entre eux sont français. Mais au-delà du sentiment d’intégration, ce sont les considérations identitaires qui ressortent de manière flagrante chez les musulmans. Une recherche préalable a ainsi permis de souligner que les musulmans ressentent l’obligation de justifier leurs identités. Certains seront perçus par leurs pairs comme trop ou pas assez religieux. Alors que vis-à-vis de non musulmans, ils auront tendance à se sentir obligés de justifier leur foi. On peut donc être bien intégré, tout en ayant l’impression que son identité de musulman n’est pas pleinement comprise et acceptée en Suisse.

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