samedi 4 juillet 2009

Aide d'urgence: le Château juge qu'il est urgent de ne rien faire

MICHAËL RODRIGUEZ

VaudASILE - Cinquante centimes par jour pour les articles d'hygiène: c'est le forfait que touchent les requérants. Suffisant, estime le Conseil d'Etat.
Face au régime draconien de l'aide d'urgence, le Conseil d'Etat vaudois juge urgent de ne rien faire. Invoquant la jurisprudence, il estime que la politique de rationnement imposée aux requérants d'asile et aux personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) ne bafoue pas la dignité humaine. Le gouvernement refuse donc d'améliorer l'ordinaire des recalés de l'asile.

Conditions «inhumaines»

En mai 2008, 18 députés visitaient des centres d'aide d'urgence. Ils en ressortaient en qualifiant les conditions de vie de «spartiates» et même d'«inhumaines sur la durée». Deux postulats étaient alors adoptés par le Grand Conseil. Dans le premier, la députée Alessandra Silauri (Verts) s'alarmait du manque de moyens à disposition des familles pour les frais d'hygiène. Avec 9 fr. 50 par jour et par personne, elles doivent «payer non seulement leur nourriture, mais aussi les produits nécessaires à leur hygiène de base, tels que papier de toilette, savon, dentifrice, moyens de contraception et couches-culottes des bébés et petits enfants à charge», décrivait la députée.
Dans sa réponse, le Conseil d'Etat rappelle que le montant de 9 fr. 50 comprend un forfait de 50 centimes pour les articles d'hygiène. Et un demi-franc par jour, aux yeux du Château, c'est suffisant. Les requérants d'asile en procédure sont d'ailleurs logés à la même enseigne. Le gouvernement a fait son calcul d'apothicaire: en doublant le montant dévolu aux frais d'hygiène, il en résulterait un surcoût de 650 000 francs pour le canton.


Une facture salée

Cependant, tout n'est pas compris dans le forfait. En cas de nécessité, les requérants peuvent, au cas par cas, accéder à des prestations supplémentaires. «Les moyens de contraception sont pris en charge dans ce cadre, sur la base d'une ordonnance médicale», précise le gouvernement. Autre petit «plus»: lors d'une naissance, les parents touchent une allocation de 1500 francs «en principe».
En 2008, l'aide d'urgence a coûté 81,1 millions de francs au canton, prestations et fonctionnement administratif compris. Si la facture est aussi salée, c'est parce que les requérants déboutés et les NEM n'ont pas le droit de travailler. Et là, le canton n'est manifestement pas pressé de faire des économies: le Conseil d'Etat refuse d'intervenir auprès des autorités fédérales pour demander des exceptions à l'interdiction de travailler (notre édition du 16 juin).
Selon les chiffres d'avril 2009, le canton de Vaud compte 675 personnes à l'aide d'urgence. Près de la moitié vivent à ce régime depuis un an au moins, et sont établies en Suisse depuis bien plus longtemps: entre trois et sept ans pour la plupart.


Discours juridique

Les pays d'origine les plus représentés sont la République démocratique du Congo, la Serbie-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine. Après cinq ans de séjour, les requérants peuvent déposer une demande de permis humanitaire. L'aide d'urgence fait donc figure de long «purgatoire» avant l'espoir d'une régularisation. En revanche, elle n'a pas eu l'effet d'incitation au départ escompté par les autorités.
Un deuxième postulat, signé par le Vert Raphaël Mahaim, demandait d'améliorer les conditions de vie des personnes «durablement» installées à l'aide d'urgence. En réponse, le Conseil d'Etat brandit des arrêts de la justice cantonale et fédérale, qui affirment que l'aide d'urgence ne viole pas la Constitution ni la Convention européenne des droits de l'homme.
Le gouvernement rappelle aussi qu'il a apporté récemment quelques retouches au système en vigueur. Des programmes d'occupation ont été mis sur pied pour les personnes établies en Suisse depuis plus de trois ans. Dans les foyers, un «espace d'intimité» a en outre été créé pour permettre aux requérants de recevoir des visites

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