mercredi 17 juin 2009

Soumis à l’aide d’urgence, ils ne veulent pas être oubliés

© ÉDOUARD CURCHOD | ​Comme beaucoup d’autres, Djamel – il se sert ici à boire pour accompagner son sandwich – aimerait se préparer lui-même à manger pour être autonome. Une pétition exige la suspension de l’aide d’urgence. En marge de la Journée mondiale des réfugiés de samedi, reportage à l’EVAM de Vevey, l’un des deux foyers d’aide d’urgence du canton.

Toc, toc, toc! «Daddy, tu as de la visite!» Jusqu’au 1er janvier, le trentenaire originaire de la République démocratique du Congo n’aurait jamais pu être surpris par l’arrivée impromptue de visiteurs puisqu’il devait demander l’autorisation préalable d’accueillir des amis. Vendredi soir, c’est le collectif Droit de rester qui s’est invité dans sa chambre, à l’Etablissement vaudois d’accueil aux migrants (EVAM).

But de la manœuvre: une occupation pour dénoncer notamment la «détention semi-carcérale» à laquelle seraient soumis les bénéficiaires de l’aide d’urgence. Comprendre les requérants d’asile déboutés ou frappés de non-entrée en matière. Ils sont près de 650 dans le canton – une cinquantaine à Vevey, une centaine à Vennes et environ 500 en appartements.

Certains avaient une activité et un logement avant d’être transférés là. Désormais, la loi leur interdisant de travailler, ils partagent leur temps entre le baby-foot, le ping-pong et une seule télévision, source de bagarres autour des quatre chaînes disponibles.

Jarold, un Russe costaud de 34 ans, essaie de marcher une heure par jour. «Mais je suis déjà resté une semaine sans sortir de ma chambre. A cause du désespoir», dit-il. «C’est pire qu’en prison: là, ils ont la TV dans leur cellule avec le téléréseau et peuvent travailler», s’insurge Djamel. Cet Algérien de 29 ans regrette qu’on ne leur ait pas accordé un ballon de foot. «Ça coûte des millions», ironise Guillaume, du Burundi.

Ils veulent tous travailler
Hormis des petits regroupements autour de la table de ping-pong et de la TV, les longs couloirs du foyer sont vides. En début d’après-midi, quelques fumeurs sortent sur la terrasse donnant derrière les façades de l’avenue Général-Guisan. Le seul repas chaud est servi le soir. «C’est bon», estiment deux pensionnaires. La majorité amène son assiette dans sa chambre. Beaucoup voudraient se préparer eux-mêmes leur repas. Mais la loi le proscrit: l’aide d’urgence doit être donnée en nature.

Reste l’envie de rester en Suisse et d’être actifs: «Quand je passe devant le centre Midi-Coindet, je suis fier car j’y ai travaillé, déclare Daddy. Nous ne sommes pas des profiteurs.»


Un foyer sous surveillance

L’EVAM de Vevey n’est pas, il faut bien l’avouer, des plus accueillants: monte-charge en guise d’ascenseur, caméras devant l’entrée et à l’intérieur du foyer, porte métallique gardée par des agents de sécurité. Les visiteurs doivent laisser leur carte d’identité aux gardiens. Un panneau stipule que des contrôles peuvent être effectués à tout moment dans les chambres. Quant aux pensionnaires, ils laissent la clé de leur chambre à la réception à chacune de leur sortie. Contrairement à un hôtel, le nom et la photo des résidents figurent à côté des clés et des numéros de chambres.

Une sorte de prison, comme le dénoncent des militants? «Ils sont libres d’aller et venir, s’exclame Emmanuelle Marendaz-Colle, porte-parole de l’EVAM. Nous gardons les clés pour ne pas avoir à changer les serrures à chaque fois que quelqu’un quitte le foyer sans les avoir rendues.»

Selon elle, accuser l’EVAM est injuste: «Ces situations sont d’une telle précarité que tout leur devient insupportable. Mais ce ne sont pas les conditions d’hébergement qui sont dures. C’est le système et la loi votée par le peuple suisse.»

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