Un Villeneuvois se bat contre le renvoi en Ukraine de sa future femme. Le fait que la fillette du couple doive subir de délicates opérations chirurgicales n’a pas infléchi la décision des autorités. Lesquelles n’excluent cependant pas d’en changer. Un article de Laurent Grabet dans 24 Heures.
ANGOISSÉS Nicolas Jaunin et sa compagne Viktoriya Chalaya sont inquiets. La jeune Ukrainienne est censée quitter le pays juste après Noël alors que leur petite Melissa doit être
opérée d’une tumeur à la lèvre. Villeneuve, 15 décembre 2008, photo Chantal Dervey
«C’est pas humain! Je veux que ma compagne reste en Suisse. Qu’elle soit là pour entourer notre fille pendant les opérations qu’elle doit subir!» Nicolas Jaunin et Viktoriya Chalaya ont connu des fêtes de Noël plus réjouissantes. Fin novembre, le peintre en bâtiment de 30 ans apprenait que la demande de permis de séjour provisoire de sa future femme Viktoriya était refusée. Dans son courrier, le Service de la population du canton de Vaud (SPOP) priait la jeune Ukrainienne de 26 ans de rentrer au pays pour le 26 décembre ( lire ci-dessous).
«Que Melissa, notre fille de 20 mois, doive subir des opérations chirurgicales lourdes au CHUV pour soigner une tumeur à la lèvre mal diagnostiquée n’a rien changé. Elle est pourtant Suisse! Au SPOP, une dame m’a répondu que la décision était prise. Que je devais me débrouiller tout seul. Que c’était comme ça. Merci et bonne journée! » s’indigne le jeune papa, qui a fait recours de la décision. Le Tribunal cantonal pourrait se prononcer dans les deux à trois mois qui viennent.
Le divorce qui résoudrait tout
Viktoriya et Nicolas se sont connus fin 2004. Ils habitent ensemble depuis mi-2005 et rêvent de se marier. Le hic? Le Villeneuvois l’est déjà et son divorce d’avec sa première femme, avec qui il a eu en 2003 une petite Alicia, tarde à se concrétiser. La garde de la fillette pose en effet problème tant aux futurs divorcés qu’indirectement au SPOP, qui ne voit pas de raison pour que Viktoriya reste en Suisse si son compagnon est toujours marié à une autre. «Nous ne sommes pas dépendants du service social, clame Nicolas Jaunin. Je travaille et je ne pourrai jamais m’occuper de ma fille seul. Melissa a besoin de sa mère et moi aussi! Mais je ne veux pas brader la garde de mon autre fille pour autant.».
«Humainement discutable, juridiquement valable»
«Humainement, la décision du SPOP est discutable, mais juridiquement elle se tient. Le recours a donc peu de chance d’aboutir. Mieux vaudrait que Mlle Chalaya retourne en Ukraine et qu’ils s’y marient une fois le divorce de son compagnon prononcé, explique Me Gillard, qui fut l’avocat du couple dans cette affaire. Depuis le durcissement des lois sur les étrangers, les considérations humanitaires sont de moins en moins prises en compte dans ce genre d’affaire. Le SPOP travaille dans une ambiance électrique. De plus en plus de personnes sont dans une zone grise: théoriquement, ils devraient quitter le pays mais, en pratique, ils y vivent parfois même depuis des années!»
«Le SPOP est lié à un cadre légal strict accepté par le peuple»
Le Service de la population n’a pas fait de faute dans ce dossier», indique son chef Henri Rothen. La décision touchant Viktoriya Chalaya, explique-t-il, se base sur le fait qu’elle et son compagnon n’ont fourni ni avis de clôture de la procédure préparatoire de mariage ni copie de jugement du divorce (ou date de divorce). «Nous les avons relancés, sans succès. Compte tenu de la masse de dossiers à traiter, on ne peut pas courir éternellement après les gens!
Le fait que leur fille soit malade n’a pas tellement compté, et si l’on regarde ce dossier sous l’angle émotionnel, je comprends que cela choque.
Mais il faut savoir que nous sommes liés à un cadre légal strict, qui a été accepté par le peuple.» Henri Rothen précise toutefois que dans les faits, même si son recours était refusé, Viktoriya Chalaya ne serait probablement pas forcée de quitter la Suisse avant mai prochain. «Et d’ici là, dit-il, si elle amène de nouveaux éléments, nous n’excluons pas de revenir sur notre décision.» «Mais le SPOP devrait préalablement vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage de complaisance», ajoute de son côté Denis Pittet, délégué à la communication du Département vaudois de l’intérieur.
L. GR.
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