jeudi 30 octobre 2008

Centres de rétention : le décret Hortefeux sème la zizanie entre les associations

Centres de rétention : le décret Hortefeux sème la zizanie entre les associations




En lançant fin août, un décret et un appel d'offres réformant l'assistance aux étrangers en centres de rétention administrative (CRA), le ministère a semé la zizanie entre les associations d'aide aux étrangers en situation illégale.

Le nouveau décret prévoit de répartir en huit lots la trentaine de centres de rétention en activité dans toute la France. Une disposition destinée à casser le "monopole" de la Cimade, jusqu'à présent seule association habilitée à travailler dans les CRA. Dénonçant "une logique de 'concurrence libérale' déplacée en matière de défense des droits de l'homme ", la Cimade a d'abord refusé de prendre part à l'appel d'offre pour finalement annoncer, le 22 octobre, sa candidature sur l'ensemble des lots.

Cinq autres associations se sont mises sur les rangs : l'association lyonnaise Forum réfugiés, France terre d'asile, l'Association service social familial migrants, l'Ordre de Malte et le Collectif respect (fondé par un militant UMP chargé de mission au ministère de l'immigration).

"ÊTRE LE MOINS POSSIBLE EN POSITION DE CONCURRENCE"

Bien décidée à contre-attaquer sur le front juridique, la Cimade a déposé un recours devant le Conseil d'Etat, dont l'objet est d'obtenir la modification du dispositif "pour permettre une véritable mission d'aide à l'exercice des droits des étrangers assumée par plusieurs associations dans un cadre national et cohérent", expliquait Damien Nantes, responsable du service défense des étrangers reconduits, lors d'un chat sur Le Monde.fr fin octobre. Une pétition – qui a déjà recueilli plus de soixante-cinq mille signatures  – et une vidéo circulent également sur Internet pour que "les droits des étrangers ne se réduisent pas à un marché".

Pierre Henry, président de France terre d'asile, reconnaît que l'"appel d'offre a été conçu par le ministère pour faire une mauvaise manière à la Cimade", mais il regrette que l'association n'ait pas donné suite à sa proposition de présenter une candidature ensemble sur un même lot. "Il aurait été plus efficace d'avoir une réponse commune autour de la Cimade" explique-t-il.

L'association se défend de vouloir damer le pion à la Cimade. "Nous avons déposé notre candidature en nous efforçant d'être le moins possible en position de concurrence avec eux, mais on ne pouvait pas prendre le risque de laisser des centres de rétention sans interlocuteur", justifie Pierre Henry, appelant à une réunion de travail commune une fois les lots attribués.

Pour la juriste Nathalie Ferré, spécialiste en droit des étrangers, "le ministère a créé un gros bazar, dit-elle. Même si le Conseil d'Etat annule l'appel d'offre, sous prétexte qu'il ne respecte pas le code des marchés publics, Hortefeux a déjà gagné." Comme d'autres, elle s'inquiète des conséquences négatives de ces divisions sur l'image des associations.

CONFIDENTIALITÉ

Un autre débat inquiète les intervenants en centres de rétention : la clause de confidentialité et de neutralité évoquée dans l'appel d'offre. Pour la Cimade, cette disposition vise à empêcher les associations de rendre compte de la situation dans les CRA. France terre d'asile, à l'inverse, invoque une lettre du cabinet du ministre transmise à tous les organismes qui atténue la portée des prescriptions. "La personne morale peut si elle le souhaite exprimer une opinion, des critiques ou des propositions dans ses publications et ses communications", cite le président de l'association, pour qui "cette lettre engage la parole de l'Etat". 

Pour Nathalie Ferré, également ancienne présidente du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), le décret soulève surtout un problème en matière d'égalité des traitements et d'accompagnement : "Les personnes retenues, suivies par des associations différentes, ne seront pas traitées de la même manière selon les centres. Même s'il y a une coordination minimum, il manquera toujours un pilote."

Elise Barthet

CHIFFRES

Nombre de centres. Il existe aujourd'hui en France métropolitaine une trentaine de centres de rétention administrative (CRA), contre 16 en 2003.

Capacité d'accueil. A la faveur d'un vaste plan de "rénovation" des CRA, le nombre de places disponibles en rétention est passé de 739, en 2003, à 1 724 en 2007.

Nombre de retenus.
Selon les données recueillies par la Cimade, 34 379 personnes ont été en 2007 retenues de 24 heures à 32 jours, la durée moyenne de rétention s'élevant à plus de 10 jours.

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