samedi 10 mai 2008

Zürich, Conseil communal: historique

«Pour la première fois dans la longue histoire de Zurich, la plus haute citoyenne de la ville sera… – oui, les amis – une étrangère. Ou, disons, une double nationale»

Anne Cuneo, "promeneuse d'outre-Sarine", est l'invitée de la rubrique Réflexions de 24 Heures, dans laquelle elle revient sur l'élection de Fiametta Jahreiss à la présidence du Conseil communal de Zürich.

Devant le bâtiment, la foule était bigarrée. Costumes africains, asiatiques ou arabes, se mêlaient aux robes, jeans et complets. On attendait devant la «Rathaus» («Maison du Conseil»), où se déroulent depuis le XIIIe siècle les séances du Conseil communal.

L’harmonieux palais baroque en granit a remplacé au XVIIIe siècle un bâtiment vétuste. La salle du Conseil est rectangulaire; la moitié des fenêtres donne sur le quai, l’autre sur l’eau de la Limmat. Une vaste tapisserie résume l’histoire de la ville à travers les armoiries des communes qui, au fil du temps, ont été ou sont encore dominées par la ville de Zurich, dont la souveraineté est marquée par une couronne placée au-dessus de l’écusson bleu et blanc qui la représente.

Ici ont siégé, au cours des siècles, de nombreux personnages qui ont fait ou influencé l’histoire de la cité et du pays et même la littérature – rappelons que le grand écrivain Gottfried Keller a longtemps été secrétaire communal.

Mardi dernier, ce cadre en apparence immuable a pourtant été secoué par un événement sans précédent. On s’apercevait déjà qu’il y avait de l’émotion dans l’air lorsque, après avoir traversé la petite foule devant l’entrée, on montait à la tribune du public. Comme toujours, il s’agissait de passer le contrôle de sécurité – en temps normal, ça va vite; mardi, la queue devant le portillon allait jusqu’à la rue. La tribune était bondée un quart d’heure avant le début de la séance et, lorsqu’elle a commencé, on était serrés comme des sardines.
Etait-ce parce que l’UDC demandait une fois de plus la suppression des festivités du 1er mai qui, comme souvent, avaient donné lieu à des manifs violentes avec dégradation de biens? Non.

C’était parce que le Conseil élisait ce jour-là un nouveau président, qui serait cette année, on en était presque certain bien que l’élection se fasse à bulletin secret, Fiammetta Jahreiss-Montagnani (PS). Elle a été élue. Et, pour la première fois dans la longue histoire de Zurich, la plus haute citoyenne de la ville sera… – oui, les amis – une étrangère. Ou, disons, une double nationale. Inouï tout de même.
Fiammetta Jahreiss est née à Florence, où elle a grandi et où elle a étudié les Lettres. En 1978, elle a rencontré son futur mari, un Zurichois, et l’a suivi en Suisse. Une de ses grandes préoccupations a toujours été l’intégration des étrangers. Elle a rappelé mardi une des vérités qu’oublient régulièrement ceux qui considèrent les immigrés comme des «intrus»: la plupart d’entre eux ne quittent pas leurs pénates par choix – et dans l’état d’arrachement où ils sont, leur intégration est d’autant plus complexe.

Fiammetta (comme tout le monde l’appelle) a été élue avec un résultat record: 107?voix sur 119 présents (la vice-présidente Garzotto, UDC, a obtenu 67 voix). Aussitôt, ç’a été l’explosion, dans la salle autant qu’à la tribune et dans la rue. Un véritable triomphe. Et, sur toutes les lèvres, une seule phrase: pour le Conseil communal de Zurich, la journée – symbole d’une ville qui se veut ouverte à la diversité – est historique.

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