lundi 14 avril 2008

Pas de tombes tournées vers la Mecque à Lausanne

La ville est favorable au «carré confessionnel», qui n’a rien d’illégal. Mais il n’y aurait que le principal jardin du repos pour l’accueillir. Or, pas question de modifier d’un pouce le tracé des allées et la position des marbres d’un cimetière, classé monument historique. Un article de Nicolas Verdan dans 24 Heures.

Les musulmans lausannois en rêvent et la loi vau­doise les y autorise: un petit coin bien à eux, au cime­tière du Bois-de-Vaux, avec des tombes orientées tout comme il faut vers la Mecque. Pas possi­ble! Monument historique, ce grand jardin du repos éternel ne souffre aucune modification à l’agencement de ses allées et à l’orientation de ses tombes.
Alphonse Laverrière, archi­tecte du siècle dernier, n’imagi­nait alors pas devoir intégrer le paramètre «islamique» dans le dessin de Bois-de-Vaux.
Pieu, le voeu des associations musulmanes n’est pas nouveau. Il date de plus de cinq ans. Mais la réponse de la ville se fait toujours attendre. Non pas que la Municipalité se désinté­resse de la question. Au con­traire, Marc Vuilleumier, muni­cipal de la Sécurité publique et des Sports (responsable politi­que des cimetières), conduit un groupe de travail informel, chargé d’étudier la question. En toute discrétion. Le syndic lui­même ignore qu’un comité d’experts, fluctuants, réfléchit à la «meilleure des solutions pos­sible ».

Pas de solution rapide
«On invite du monde dans nos discussions, on travaille avec les associations musulma­nes, on bénéficie des conseils de l’Arziller (ndlr: dialogue in­terreligieux) », explique Marc Vuilleumier. Son souci: donner une fois pour toutes «une ré­ponse ». A l’entendre, le jour n’est toutefois pas encore venu où les musulmans pourront en­terrer leurs morts dans le «bon sens»: «Dans cinq ans, dix? Nous ne sommes pas encore prêts.» Or, comme le reconnaît un autre municipal, Jean-Christo­phe Bourquin, responsable des Parcs et Promenades (cimetiè­res inclus), la demande est forte pour obtenir une parcelle. Mais Lausanne n’a que le Bois­de- Vaux à offrir. Conscient du caractère intangible de la posi­tion des tombes, Jean-Chris­tope Bourquin préconise une solution «au niveau du dis­trict ». A moins, dit-il, de «changer le règlement du cime­tière ».

CASSE-TÊTE La ville de Lausanne est favorable à la création d’un carré confessionnel pour les musulmans. Seul hic, l‘unique cimetière municipal, le Bois-de-Vaux, est classé monument historique. Et son créateur, le célèbre architecte Alphonse Laverrière, n’avait pas pensé à un tel cas de figure. LAUSANNE, LE 11 AVRIL 2008


«Nous nous arrangeons avec les corps»
En attendant, les fidèles musulmans se débrouillent comme ils peuvent. A défaut de déplacer les tombes plus à l’orient, ils s’arrangent avec les corps: «On joue sur les angles, nous tournons les pieds, nous déplaçons la position des têtes, mais cela demande beaucoup d’efforts et c’est parfois pénible », témoigne Mouhammad Kaba, le directeur du Centre islamique de Lausanne. Et de réaffirmer la volonté de sa communauté: «Pour nous, enterrer nos morts selon nos coutumes est une manière de dire que nous sommes bien à Lausanne et que nous souhaitons y rester. Nous sommes des citoyens comme les autres, nous payons nos impôts ici.» Mouhammad Kabba va jusqu’à conseiller aux musulmans fréquentant la mosquée de la gare de renoncer à envoyer les corps des défunts dans leur pays natal.
La communauté israélite de Lausanne, elle, n’a plus de souci avec ses défunts. «Nous avons acheté des terrains, deux à Prilly et un à La Tour-de­-Peilz, et nous y avons organisé nos cimetières, explique Jean­-Pierre Bloch, son président. Nos demandes ont ainsi pu être exaucées.» Pourquoi les musulmans ne feraient-ils pas de même? Rien ne les en empêche. Sur le plan du droit, du moins. Dans les faits, le Centre islamique de Lausanne dit ne pas avoir les moyens de s’ache­ter un terrain pour y implanter un cimetière: «Nous fonctionnons sur les seules contributions de nos membres», expli­que Mouhammad Kaba. Et comme les associations musul­manes lausannoises et vaudoi­ses peinent à se fédérer, elles n’iront pas mélanger leurs corps dans un même «carré confessionnel».

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