mardi 18 mars 2008

Quand la burqa fusionne avec le bikini

Les bains publics zurichois autorisent le port du burqini, un maillot de bain intégral pour musulmanes. Or, le parti d’extrême droite des Démocrates suisses veut l’interdire. Un article de Monique Keller pour 24 Heures.


Une baigneuse musulmane et son maillot deux-pièces.
«Les burqinis ne sont pas hygiéniques et constituent
une provocation de la part de migrants qui ne veulent
pas s’adapter aux moeurs et usages locaux»,
estiment les Démocrates suisses.
ZWOLLE, PAYS-BAS, FÉVRIER 2008
EPA

Dans les eaux zurichoi­ses, certaines femmes se baignent habillées de pied en cap. Elles ne sont ni plongeuses ni adeptes du triathlon, mais simplement mu­sulmanes. Leur maillot d’un genre nouveau s’appelle le bur­qini, un croisement entre le bikini sexy et la stricte burqa. Il s’agit d’un ensemble deux piè­ces en Lycra, constitué d’un leggings couvrant les jambes jusqu’aux chevilles et d’un sweat-shirt à longues manches orné d’un capuchon envelop­pant les cheveux ainsi que d’une jupette pour protéger les courbes féminines du regard masculin.
Le burqini n’est pas nouveau. Il a débarqué dans les bains publics zurichois, il y a trois ans. Mais depuis peu, des pan­neaux à l’entrée des piscines rendent les baigneuses attenti­ves au fait que le port du vête­ment est officiellement accepté, selon le nouveau règlement. «Pour des raisons d’hygiène nous ne tolérons pas que les femmes se baignent toutes ha­billées, le burqini représente
donc pour elles une alternative intéressante», souligne Peter Hediger du service des bains et piscines zurichoises.
Pudeur
«provocante»
Tous ne sont pas de cet avis. Pour le parti des Démocrates suisses (DS), «les burqinis ne sont pas hygiéniques et consti­tuent une provocation de la part de migrants qui ne veulent pas s’adapter aux moeurs et usages locaux», écrivent-ils dans une motion. Pour ces rai­sons, les parlementaires d’ex­trême droite demandent à la ville de Zurich d’interdire leur port dans les bains des bords de la Limmat.
A la tête du Département des sports, on se montre plutôt étonnés par cette réaction. «L’argument de l’hygiène ne tient pas, réfute Peter Hediger. Le burqini est aussi hygiénique que n’importe quel autre maillot de bain puisqu’il est constitué du même tissu.» Pour lui, interdire le burqini reviendrait à proscrire dans la foulée les néoprènes utilisés par les plongeurs et les triath­lètes. «La polémique autour du burqini est un faux problème, poursuit Peter Hediger. Depuis qu’il est apparu à Zurich, il y a trois ans, nous n’avons jamais eu de plainte de la part des clients.» Sur les bords de la Limmat, les adeptes du fameux maillot intégral ne seraient qu’une de­mi- douzaine. Une goutte d’eau face aux 1,7 million de bai­gneurs qui fréquentent chaque
année la vingtaine d’installa­tions de la ville.
Lausanne et Genève intéressés

En Suisse romande, le burqini n’a pas (encore) fait son appari­tion. «Jusqu’ici, personne ne s’est présenté avec ce type de maillot», atteste Christian Ba­rascud, gérant des piscines et patinoires lausannoises. S’il ad­met ne pas avoir été confronté à l’objet, il se montre plutôt inté­ressé. «Le règlement exige que les baigneurs adoptent un maillot approprié à leur sexe. Ensuite, nous nous adaptons à la demande, car les choses évo­luent. » Les maillots de compéti­tion, notamment, sont de plus en plus longs pour permettre une meilleure glisse. «Tant qu’il est en Lycra, ce type de maillot est accepté», précise Christian Barascud. Selon lui, le burqini pourrait donc avoir ses chances dans les piscines lausannoises.
Car à Lausanne, comme à Genève, les personnes qui de­mandent à pouvoir se baigner toutes habillées ne sont pas rares. «Nous avons énormé­ment de problème à la caisse avec les femmes musulmanes, confie une réceptionniste cais­sière de la piscine des Vernets. Elles ne veulent souvent pas comprendre que pour des rai­sons d’hygiène, elles doivent se mettre en maillot.» Et pour cause! «Au contact des vêtements de ville, l’eau des bassins se transforme rapide­ment en bouillon de culture», confirme Christian Barascud.

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