mercredi 5 mars 2008

Ceci est fait en notre nom…

Lisez cette réflexion de Jacques Poget sur les nouvelles lois sur l'asile et les étrangers dans 24heures...


A
cceptée par 68% des Suisses (55% des Vau­dois), la nouvelle loi sur l’asile déploie tous ses effets de­puis le 1er janvier de cette an­née. Dans la discrétion, mais ici et là des gens se posent des questions*. Et des réponses viennent. Lénifiantes de la part de l’Etat, plus inquiétantes de la part des organisations d’aide aux migrants.
Ainsi, la situation est tendue à Vallorbe. La présence à la gare de nombreux requérants, oisifs évidemment (il leur est interdit de travailler), exaspère une par­tie de la population. C’est com­préhensible, mais malheureuse­ment explicable.
Le centre de tri, rebaptisé «d’enregistrement et de procé­dure » (CEP), héberge deux fois plus de personnes qu’aupara­vant. Les clichés sur la «villégia­ture » sont à revoir: 270 mi­grants de tous âges et ethnies, en dortoirs logeant jusqu’à 16 personnes, les enfants - non scolarisés - dans les dortoirs des femmes, couples et familles sé­parés. Horaires de sortie stricts, fouille au retour, et pour tout achat, présentation du ticket de caisse. Denrées alimentaires in­terdites dans les chambres, agendas, téléphones et ordina­teurs portables saisis à l’arrivée. Or ces conditions proches de la détention, administrées avec l’appoint de Securitas par ORS Service AG, entreprise spé­cialisée dans l’encadrement des requérants d’asile, sont impo­sées beaucoup plus longtemps. Alors que les requérants étaient répartis dans les cantons pour la durée de la procédure d’admis­sion ou de rejet, ils sont au­jourd’hui assignés à Vallorbe jusqu’au bout. Il est plus facile de les renvoyer sans faire de bruit. Mais les familles finale­ment admises arrivent dans les cantons en mauvais état.
Les premières heures sont cruciales, puisque les requérants sans passeport ou carte d’iden­tité (acte de naissance ou permis de conduire ne comptent plus) ont 48 heures pour présenter ces papiers, sous peine de non-en­trée en matière (donc de renvoi automatique). Les conditions pour une entrée en matière sont durcies; les «indices de persécu­tion » ne suffisent plus, il faut que la qualité de réfugié soit «rendue vraisemblable ou dé­montrée ». Mais il n’y a au cen­tre ni fax ni accès à internet, et deux téléphones (pour 270 per­sonnes). L’accès à l’assistance juridique et sociale proposée par les organisations de solidarité est ainsi restreint.
L’aide sociale étant supprimée pour les requérants déboutés, ils n’ont plus droit qu’à l’aide d’ur­gence et à un logement collectif. Rigueur adoucie toutefois en cas de «vulnérabilité»: on se sou­vient qu’à la veille de Noël les médecins de la Policlinique de Lausanne disaient dans ces co­lonnes leur vive préoccupation de devoir évaluer la résistance ou la fragilité de requérants, dont le sort dépendait de cette décision médicale.
Tout cela est fait au nom de tous les citoyens suisses, quoi qu’ils aient voté en septembre 2006. Cela exige une vigilance particulière. Par respect des droits humains; et parce qu’il ne sera pas possible de dire, plus tard: «Je ne savais pas!»

* Le Conseil de service communautaire de l’Eglise protestante (Haute-Broye), organise une table ronde sur l’application des nouvelles lois, ce soir à 20 h 30 à la Fondation L’Estrée, à Ropraz. A 17 h, «Témoignages de terre et d’exil».

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