Les Tisserands du monde offrent
des sacs de victuailles aux requérants
d'asile dans le besoin. Créée il y a un an,
l'association ne compte que cinq membres actifs.
YVERDON, LE 16 JANVIER 2008
Olivier Allenspach
Un groupe de requérants d'asile patientent devant le numéro 10 de la rue Haldimand, à Yverdon. Il est un peu plus de 15 h et, comme chaque mercredi, ils attendent une camionnette blanche. Celle des Tisserands du monde, qui ne tarde d'ailleurs pas à débouler.
Les Tisserands du monde? Une association caritative créée il y a un an et qui offre des sacs d'aliments aux requérants d'asile peinant à joindre les deux bouts. Aujourd'hui, c'est Marie-Guillemette et Ali* qui font la tournée. Laquelle passe fatalement par la rue Haldimand, où sont logés bon nombre de requérants.
La nourriture est emballée dans des sacs-poubelle «peu élégants mais ô combien pratiques et résistants», glisse Marie-Guillemette. La distribution peut commencer, dans le calme. L'ambiance est détendue et la verve d'Ali n'y est pas étrangère. Ce trentenaire, originaire du Moyen-Orient, parvient à communiquer sa bonne humeur malgré son français hésitant. Lui aussi est requérant. Le bénévolat, c'est une manière «d'aider les autres» et «d'être actif». «Car j'aime travailler!» lance-t-il.
Arrive Momo*, hilare, qui lui aussi souhaite avoir un sac de nourriture. Refusé. «Il n'y a pas droit: il habite à la rue de la Faïencerie et c'est le vendredi qu'on livre là-bas», dit en souriant Marie-Guillemette. Or, chaque foyer a droit à une livraison par semaine, pas plus. «On s'est fait avoir au début, mais maintenant on reconnaît les visages.» Qui plus est, les bénévoles ont une feuille de route et les noms de chaque bénéficiaire. Tous les requérants n'en sont pas, cela dépend d'une entrevue avec un assistant social de l'EVAM (Etablissement vaudois d'accueil des migrants, ex-Fareas).
Le duo de choc ne s'occupe pas que des requérants. Petit détour à la rue Saint-Roch, où habite un étudiant africain. «Il ne mangeait pas tous les jours», souffle Marie-Guillemette. «Alors, vous avez trouvé un emploi?» s'enquiert-elle. «Non pas encore, mais je continue de chercher!» Les échanges sont généralement brefs et courtois. «Quand on livre la nourriture, on n'a pas beaucoup de temps pour discuter, observe la bénévole. On le fait lors des cafés-contacts que l'on organise, c'est une autre de nos activités.» C'est même à cette occasion que de nombreux requérants sollicitent l'aide alimentaire.
La tournée se poursuit dans le quartier des Moulins. Ali connaît par coeur chaque palier où il doit déposer son chargement. Chaque sac pèse entre 10 et 15 kilos: c'est lui qui les porte. Une mère de famille kurde invite ses «anges gardiens» à boire un café. Elle vit seule avec son jeune fils dans un studio loué par l'EVAM et touche 750 francs par mois. Soit environ 14 francs par jour et par personne pour les détenteurs de permis provisoires. Les déboutés n'ont, eux, que l'aide d'urgence: 9 fr. 50 par jour. Dans ce quartier, les visites s'enchaînent à un rythme soutenu.
Un peu plus loin, une famille de Roms reçoit sa première livraison. La mère ne parle pas français et c'est son fils qui fait office de traducteur. «Vous devez voir l'assistant social demain, n'est-ce pas? Eh bien, on vous livre déjà, mais n'oubliez pas d'aller le voir quand même, hein?»
Trente et un sacs plus tard, le soleil se couche et la tournée s'achève. Marie-Guillemette est heureuse. «On pourrait avoir de la compassion pour les pauvres, pour moi c'est un honneur de les rencontrer. Ils ont une richesse que les autres n'ont pas. Notre action pourrait être risible si, derrière, il n'y avait pas des pleurs...»
*Prénoms fictifs
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