samedi 10 novembre 2007

Sarko expulse les roms avant l'hiver

Lire le dossier très complet du Courrier
En particulier l'article suivant de Stéphane Herzog:
Depuis septembre, les évacuations de bidonvilles roms s'intensifient dans la capitale française. Seule une petite partie des Tsiganes sont relogés.
La police parisienne a été chargée cet automne d'une mission particulière: prendre possession des bidonvilles tsiganes, pour procéder à des expulsions collectives. Vaste travail, car les Roms seraient entre deux et trois mille en Ile de France, estime le collectif RomEurope, qui a recensé l'ouverture de trente-trois campements en 2006 rien que pour le département de Seine-Saint-Denis. Les interventions ont lieu au petit matin. Premièrement, les forces de l'ordre «sécurisent» les lieux, afin d'éviter des fuites. Ensuite, les «candidats» au départ sont priés de monter dans des bus. Ils voyageront d'une traite aux frontières de la Roumanie ou de la Bulgarie. Enfin, les campements sont réduits en morceaux, afin que d'autres Roms ne viennent pas les occuper. Le gouvernement de Sarkozy a fixé des objectifs chiffrés en matière d'expulsions d'étrangers. Et les Roms constituent un réservoir dans lequel il est facile de puiser, puisqu'ils vivent en communauté, dans des camps situés loin des regards; derrière des panneaux de chantier, sous des autoroutes, dans des friches industrielles. En 2006, «quelque six mille des vingt-quatre mille personnes expulsées du territoire étaient des Roms», a rappelé au gouvernement la députée verte Alima Bumediene-Thiery, qui s'inquiète de cette «chasse aux Roms».

«Départs volontaires»

Depuis janvier 2007, les Roumains et les Bulgares sont devenus des citoyens européens. La France a donc dû trouver un dispositif adapté à cette situation originale, où l'on doit pousser dehors des ayant droit à la libre circulation. «La police arrive avec des Ordres de quitter le territoire français (OQTF) déjà signés, explique Coralie Guillot, coordinatrice du projet rom de l'association France Parada (lire ci-dessous). Les Roms ont le choix entre l'interpellation ou le départ dit humanitaire.»
Ces opérations «minutes» sont autorisées en vertu d'une circulaire ministérielle de décembre 2006, relative à l'aide au retour pour les étrangers en situation irrégulière ou en situation de dénuement. Elles sont chapeautées par l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui offre aux exclus une «aide au retour», soit 154 euros par personne et 45 euros par enfant. Notons qu'il ne s'agit pas de «départs volontaires», une mesure destinée aux non-Européens et qui permet l'allocation d'une somme de 3600 euros pour la réalisation d'un projet au pays, et dont certains Roms on pu bénéficier par le passé. Ce mélange d'humanitaire et de police fait évidemment bondir les ONG locales.
«Ce procédé est complètement illégal. L'aide au retour ne peut se réaliser qu'après une enquête sociale et l'élaboration d'un dossier», relevait il y a peu dans Le Parisien un membre du Groupe d'information et de soutien des immigrés. Michèle Mezard, du collectif RomEurope, déplore que «la police [fasse] pression pour que les gens signent.» Parfois, les OQTF sont tout de même notifiées à l'avance, ce qui permet aux intéressés d'y réfléchir ou de recourir. Au fond, quelle est l'efficacité de ces opérations?

Ils reviennent en France


«Une bonne partie des Roms expulsés reviennent en France», explique Nicolae*, un médiateur social rom qui a trouvé un logement pour lui et sa famille grâce à la ville de Saint-Denis. Il juge que cette politique vise avant tout à «faire du chiffre». Coralie Guillot pense que les opérations d'expulsion vont s'intensifier jusqu'à l'arrivée du grand froid et de la «trêve d'hiver», qui interdit d'évacuer les gens de chez eux. Les Tsiganes vivent donc sous la menace permanente d'un départ précipité. Quant aux enfants, personne ne peut dire s'ils finiront leur année scolaire.
La vie des Roms a pour horizon le jour qui passe. Quand un avis d'évacuation tombe, et si cela est envisageable, les communautés se déplacent d'un campement à l'autre, en espérant qu'il ne faudra pas cette fois payer de location au chef du terrain, ces personnages qui remplissent à la fois le rôle de représentant des Roms et d'épicier. Quand on demande aux Roms ce qu'ils feront en cas de retour forcé au pays, la majorité n'a qu'un mot à la bouche: la France, ce pays où les «directeurs d'école viennent accueillir nos enfants à leur premier jour de classe, ce qui n'est jamais arrivé chez moi», dit Nicolae, qui aimerait que sa fille devienne avocate.

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