Lisez ce compte rendu d'une table ronde organisée par nos soins jeudi dernier à Ropraz, cet article a été publié dans le Courrier des terres de Lavaux et pays d'Oron:
Table ronde à l’Estrée à propos des affiches de l’UDC,
L’animation est assurée par Mousse Boulanger, écrivain et Didier Estoppey, journaliste.
La salle de la fondation était pleine à craquer jeudi dernier pour entendre une dizaine d’experts et de politiciens UDC débattre de ces affiches.
Les experts vont parfaitement jouer leur rôle. Même s’ils sont très critiques face au message « sournois et raciste » de cette campagne, chacun néanmoins défend sa propre vision des choses. La salle ponctue fréquemment les interventions par des applaudissements nourris.
- Stéphanie Pahud, linguiste estime ainsi que cette image est une insulte à l’égard des citoyens suisses. Le mouton même blanc symbolise en effet la stupidité (cf Panurge) d’un troupeau qui suit sans réfléchir et se jette dans le précipice. L’oratrice est aussi très fâchée par la lâcheté des commanditaires qui avancent masqués derrière l’expression populaire du « mouton noir ».
- Giovanni Haver, sociologue de l’image à l’UNIL, admire sans réserve le travail des graphistes anglais concepteurs de l’affiche. C’est du grand professionnalisme, copié d’ailleurs à l’identique par un parti néo-nazi allemand. Cette image apparait comme clairement raciste, le message caché (étrangers – noirs – dehors) pouvant être décodé par tout le monde. Au niveau communication, l’impact est énorme (plus de 200.000 affiches) et encore renforcé par la controverse. Les effets négatifs sur l’image de la Suisse pourraient être durables.
- Raymond Bürki, fidèle à sa légende, ne se lance pas dans de grands discours mais nous projette un diaporama qui regroupe une dizaine d’affiches anciennes de l’UDC ainsi qu’un « best of » de ses caricatures sur Christoph Blocher et les moutons.
Un grand moment de commentaire politiquement incorrect. Le célèbre caricaturiste à la casquette termine en disant qu’il en a un peu marre de toujours dessiner le même personnage…
- Diane Lokia, pasteure à Mézières fut l’une des premières personnalités du pays à réagir à cette affiche et c’était début août dans Le Courrier de la Broye. Elle revient par oral sur sa très forte émotion de voir l’une des images importantes de l’Evangile (la brebis perdue) mise au service d’une campagne de haine et d’exclusion. La compatibilité de ce type de message avec les valeurs essentielles de toutes les religions lui semble sujette à caution.
- Didier Estoppey, journaliste et originaire du Jorat, a suivi depuis longtemps les campagnes «limites » de l’UDC et quand il a pris connaissance en juin de cette affiche, il était loin de penser que cette fois ci une ligne rouge avait été franchie. Dans les campagnes précédentes, les réactions avaient été très modérées, les destructions d’affiches très sporadiques. Il s’est donc vraiment passé quelque chose cette fois ci.
Du côté de l’UDC on adopte un profil bas. Personne ne se risque à défendre cette affiche. Preuve d’un malaise certain au sein d’un courant « agrarien vaudois » ou tactique pour éviter d’affronter directement les questions posées par la table ronde ?
- Jean-Luc Chollet, le député lausannois connu pour son ouverture tire son épingle du jeu en admettant que cette campagne et son financement viennent de Zurich, sans concertation préalable avec la base locale. Cependant son attachement au programme du parti n’est pas remis en cause.
- Les positions du député UDC régional, Philippe Modoux et de l’ancien Conseiller d’Etat Marcel Blanc sont semblables. Mais, ils relèvent tous que l’affiche soulève des questions bien réelles.
- Marcel Blanc fait part de son attachement indéfectible à son parti quand il déclare qu’il est « né UDC et qu’il mourra UDC » et il prend à partie une spectatrice d’origine française, fille de déporté, qui évoquait quelques sinistres souvenirs des années trente. Pour l’ancien Conseiller d’Etat, tout rapport avec ces années brunes est de la pure et simple paranoïa. Il s’appuie sur les statistiques de la criminalité pour stigmatiser les étrangers et il justifie les positions de l’UDC par la sanction populaire, en mettant les citoyens au défi de ne pas voter pour son parti.
- Le professeur Haver rappelle que les statistiques peuvent donner lieu à toutes les manipulations et que dans les années trente, les criminels étrangers qui pouvaient être expulsés c’étaient les citoyens suisses des autres cantons !
Les questions du public donnent lieu à un bref ping-pong entre les orateurs de l’UDC et quelques représentants des partis roses verts. Mais l’ensemble de la salle a vraiment été convaincue par les positions claires des experts, à tel point que le député Jean-Luc Chollet lance la boutade suivante : « je serai surpris, si l’UDC fait une seule voix dans le Jorat ! ».
Une dernière question intéressante est également abordée lorsque qu’un spectateur se demande si la bonne réponse à la campagne de l’UDC n’eût pas été plutôt de n’en point parler. Cette position n’était en tout cas pas partagée par Diane Lokia et Alain Gilliéron qui ont décidé d’organiser cette soirée. La dernière intervention du public sera pour les remercier de cette occasion de réfléchir ensemble.
Mousse Boulanger nous lit encore le terrible texte du pasteur Niemöller, écrit en 1942 à Dachau.
En voici le début :
Quand ils sont venus chercher les communistes
Je n'ai rien dit
Je n'étais pas communiste…
Et la fin
Quand ils sont venus me chercher
Le pasteur Zumstein terminera la soirée sous les applaudissements vers 22h30 en remerciant les participants et en leur remettant une boîte de chocolats noirs et blancs de Mézières.
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