Le parti de Christoph Blocher fait campagne pour rester numéro un en Suisse. Mais partout en Europe, les populismes reculent. Le politologue français Yves Mény explique ce Sonderfall helvétique. Une interview réalisée par Serge Gumy pour 24 Heures.
AFFICHES Selon Yves Mény, les mouvements comme l’UDC «se disent les représentants de l’immense majorité travailleuse de la communauté, par opposition aux élites qui tiennent à l’écart le «vrai peuple» pour s’accrocher à leur pouvoir.» (Keystone,Genève, 31 août 2007)
AFFICHES Selon Yves Mény, les mouvements comme l’UDC «se disent les représentants de l’immense majorité travailleuse de la communauté, par opposition aux élites qui tiennent à l’écart le «vrai peuple» pour s’accrocher à leur pouvoir.» (Keystone,Genève, 31 août 2007)
– Yves Mény, l’UDC est pour vous un parti populiste. A quoi cela se voit-il?
– Le populisme, qui peut être de gauche comme de droite, est par définition «contre»: contre les institutions, contre les élites en place, taxées de corrompues, d’inefficaces et d’insensibles aux intérêts du peuple, ce «vrai peuple » dont les mouvements populistes se veulent les porte-parole. Ces partis mettent aussi l’accent sur la communauté, incarnée par un leader. Communauté forte, homogène, à l’exception de quelques résidus à exclure (étrangers, ennemis de classe, etc.).
– Les partis populistes reculent en Europe. Pourquoi pas en Suisse?
– C’est vrai que les populistes refluent en Europe, sauf peutêtre en Pologne. Le déclin peut survenir quand ces mouvements ne parviennent pas au pouvoir et sont dépouillés de leur programme par d’autres formations voisines sur l’échiquier politique. C’est ce qui est arrivé au Front national en France, dont Nicolas Sarkozy a pillé l’électorat. Par ailleurs, les populismes meurent ou perdent de la vitesse quand ils arrivent au pouvoir à l’intérieur d’une coalition. L’exercice des responsabilités gouvernementales les oblige en effet à ravaler une partie de leurs revendications et leur fait perdre leur virginité politique.
– Mais l’UDC siège au Conseil fédéral et pourrait rester malgré tout le premier parti de Suisse le 21 octobre!
– Le cas suisse est intéressant, car vous avez une forme de gouvernement très diluée qui rend plus difficile d’attribuer la responsabilité du pouvoir à une personnalité ou à un parti. Cela a pour effet de ralentir l’ascension des mouvements populistes et de freiner leur descente. J’ajoute que les systèmes politiques qui comprennent une part de démocratie directe, comme en Suisse ou aux Etats-Unis, offrent aux populismes des canaux d’expression plus forts que dans les systèmes parlementaires. J’en conclus que le mouvement peut durer plus longtemps en Suisse qu’ailleurs en Europe.
– L’UDC, dans sa campagne, dénonce le complot dont elle serait victime. Marque de fabrique du populisme?
– Tout à fait. Ces mouvements se disent les représentants de l’immense majorité saine et travailleuse de la communauté, par opposition aux élites qui tiennent à l’écart le «vrai peuple» pour s’accrocher à leur pouvoir. Ce «seul contre tous» est un discours récurrent dans les populismes.
– Vous mettez l’UDC sur pied d’égalité avec le Front national et le FPÖ autrichien. Est-elle pour vous un parti d’extrême droite?
– J’hésiterais à aller aussi loin. Il y a certes dans le discours populiste une part de provocation. La rhétorique populiste s’appuie sur la communauté à l’exclusion de «moutons noirs», mais cette rhétorique a été utilisée aussi à gauche contre les ennemis de classe. Et puis, si le populisme a énormément de défauts, il a une seule qualité: il permet de faire émerger des problèmes que la classe politique a enfouis sous le tapis.
– L’UDC survivra-t-elle au départ de Christoph Blocher?
– Ce défi n’est pas propre aux populismes, souvenez-vous de ce qui est arrivé aux gaullistes après le départ du Général! Cela dit, dans ces mouvements, la personnalisation est effectivement beaucoup plus forte que dans d’autres partis. La preuve: beaucoup d’Européens ont entendu parler de Christoph Blocher, alors que personne ne connaît les autres conseillers fédéraux. Le départ du leader constitue donc pour les populismes un défi plus grand, dans la mesure où le chef sert de ciment à une formation dont les électeurs sont naturellement mobiles. Mais les autres partis suisses auraient tort d’attendre la retraite de Christoph Blocher pour voir l’UDC refluer…
– Le populisme, qui peut être de gauche comme de droite, est par définition «contre»: contre les institutions, contre les élites en place, taxées de corrompues, d’inefficaces et d’insensibles aux intérêts du peuple, ce «vrai peuple » dont les mouvements populistes se veulent les porte-parole. Ces partis mettent aussi l’accent sur la communauté, incarnée par un leader. Communauté forte, homogène, à l’exception de quelques résidus à exclure (étrangers, ennemis de classe, etc.).
– Les partis populistes reculent en Europe. Pourquoi pas en Suisse?
– C’est vrai que les populistes refluent en Europe, sauf peutêtre en Pologne. Le déclin peut survenir quand ces mouvements ne parviennent pas au pouvoir et sont dépouillés de leur programme par d’autres formations voisines sur l’échiquier politique. C’est ce qui est arrivé au Front national en France, dont Nicolas Sarkozy a pillé l’électorat. Par ailleurs, les populismes meurent ou perdent de la vitesse quand ils arrivent au pouvoir à l’intérieur d’une coalition. L’exercice des responsabilités gouvernementales les oblige en effet à ravaler une partie de leurs revendications et leur fait perdre leur virginité politique.
– Mais l’UDC siège au Conseil fédéral et pourrait rester malgré tout le premier parti de Suisse le 21 octobre!
– Le cas suisse est intéressant, car vous avez une forme de gouvernement très diluée qui rend plus difficile d’attribuer la responsabilité du pouvoir à une personnalité ou à un parti. Cela a pour effet de ralentir l’ascension des mouvements populistes et de freiner leur descente. J’ajoute que les systèmes politiques qui comprennent une part de démocratie directe, comme en Suisse ou aux Etats-Unis, offrent aux populismes des canaux d’expression plus forts que dans les systèmes parlementaires. J’en conclus que le mouvement peut durer plus longtemps en Suisse qu’ailleurs en Europe.
– L’UDC, dans sa campagne, dénonce le complot dont elle serait victime. Marque de fabrique du populisme?
– Tout à fait. Ces mouvements se disent les représentants de l’immense majorité saine et travailleuse de la communauté, par opposition aux élites qui tiennent à l’écart le «vrai peuple» pour s’accrocher à leur pouvoir. Ce «seul contre tous» est un discours récurrent dans les populismes.
– Vous mettez l’UDC sur pied d’égalité avec le Front national et le FPÖ autrichien. Est-elle pour vous un parti d’extrême droite?
– J’hésiterais à aller aussi loin. Il y a certes dans le discours populiste une part de provocation. La rhétorique populiste s’appuie sur la communauté à l’exclusion de «moutons noirs», mais cette rhétorique a été utilisée aussi à gauche contre les ennemis de classe. Et puis, si le populisme a énormément de défauts, il a une seule qualité: il permet de faire émerger des problèmes que la classe politique a enfouis sous le tapis.
– L’UDC survivra-t-elle au départ de Christoph Blocher?
– Ce défi n’est pas propre aux populismes, souvenez-vous de ce qui est arrivé aux gaullistes après le départ du Général! Cela dit, dans ces mouvements, la personnalisation est effectivement beaucoup plus forte que dans d’autres partis. La preuve: beaucoup d’Européens ont entendu parler de Christoph Blocher, alors que personne ne connaît les autres conseillers fédéraux. Le départ du leader constitue donc pour les populismes un défi plus grand, dans la mesure où le chef sert de ciment à une formation dont les électeurs sont naturellement mobiles. Mais les autres partis suisses auraient tort d’attendre la retraite de Christoph Blocher pour voir l’UDC refluer…
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