mercredi 12 septembre 2007

Désintégration radicale

Lire l'édito de Didier Estoppey dans le Courrier
L'affiche dite du mouton noir provoque chaque jour son nouveau lot d'indignations. Hier, c'est des bancs du Grand Conseil vaudois qu'est montée une large vague de protestations contre les dérives racistes de l'UDC. Au sein de cette droite pourtant alliée, en terres vaudoise ou neuchâteloise, aux blochériens, il est désormais de bon ton de se pincer le nez. Bien sûr, ces réactions au poison distillé par l'UDC sont salutaires, même si elles ne sont pas toujours exemptes de petits calculs électoraux. Mais tout comme les rebondissements à répétition de l'affaire Roschacher et le suspense entretenu autour de l'avenir politique de Christoph Blocher, elles masquent l'essentiel. Car si l'affiche choque sur la forme, la classe politique suisse a déjà largement intégré son contenu. Une nouvelle preuve en a été donnée hier par le Parti radical suisse. Tétanisé à la perspective de la nouvelle débâcle électorale programmée le 21 octobre, son président, Fulvio Pelli, a identifié les trois défis qui menacent la Suisse, et contre lesquels son parti prétend s'ériger en rempart: un taux d'étrangers de 22%, la croissance de la violence des jeunes et la part importante des étrangers parmi les criminels. Ce discours est une copie conforme de celui de l'UDC, l'iconographie fascisante en moins. Mais les radicaux, eux, proposent des solutions: une loi sur l'intégration inspirée du bon vieux principe de la carotte et du bâton. Selon le projet de loi radical, les efforts d'intégration couronnés de succès seraient récompensés, tandis que les échecs seraient sanctionnés. Il est vrai que même les socialistes, qui ont adopté fin 2006 une position sur les conventions d'intégration, ne disent guère autre chose. L'idée fait d'ailleurs son bonhomme de chemin: le Grand Conseil bernois a décidé hier de contraindre les candidats à la naturalisation ne vivant pas depuis longtemps en Suisse à suivre, évidemment à leurs frais, des cours d'intégration. On reste pantois. La commission fédérale des étrangers a rappelé hier à point nommé à quel point la xénophobie ambiante empoisonne le discours actuel sur les migrants. Tout en soulignant son scepticisme à l'égard des conventions d'intégration et des cours de langue obligatoires. Car l'intégration ne se décrète pas, elle s'accompagne. Mais les autorités n'ont cure des experts qu'elles nomment. Elles continuent de confondre intégration et assimilation. De faire passer pour un phénomène culturel ou ethnique une marginalisation sociale que l'enfer néolibéral accroît depuis des lustres, et qui est loin de ne toucher que des immigrés. Pères de la Suisse moderne, les radicaux cherchent aujourd'hui à échapper à leur propre désintégration par des recettes qu'on dirait inspirées de l'apartheid. Dans le nouveau monde qu'ils nous préparent, il y aura deux catégories d'étrangers: ceux qui rasent les murs, et ceux qui oseront traverser la rue. Avec, en poche, un permis à points.

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