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Ils ont fui l’Iran après s’être convertis au catholicisme. Malgré l’attestation, entre autres, de l’Evêché de Lausanne, Berne veut les renvoyer sans les réentendre.
Il sourit. C’est une habitude à laquelle il tient, même si à l’intérieur, dans ce coeur qu’il désigne volontiers de sa main, les morceaux se recollent moins bien.
Elle, n’a plus cette force et serre désormais son mouchoir en papier comme un chapelet.
Esmat, 34 ans, et Mostafa, 45 ans, sont mariés depuis vingt ans. Ils ont une fille de 14 ans et un garçon de 18 ans et préfèrent, au vu de la situation, taire leurs prénoms. Il faut dire que depuis la lettre de l’Office des migrations (ODM), reçue le 29 juin, ils tremblent à l’idée d’être renvoyés. Et plus ils tremblent, moins ils vivent. Contraints d’arrêter leur travail d’aide-soignante et de mécanicien tout comme l’apprentissage que leur fils avait joliment décroché, ils attendent le résultat du recours déposé fin août, date initiale du renvoi pour Téhéran, leur ville natale. Celle qu’ils ont fuie, la boule au ventre et le coeur en miettes, voici quatre ans
Et l’impensable arriva
Mostafa et Esmat ont toujours vécu en République islamique d’Iran. Chez leurs familles – assez intégriste du côté de Mostafa, «plus ouverte» chez Esmat – puis dans leur appartement. Lui possède un garage, elle est prof de… natation. Quant aux enfants, ils suivent leur scolarité. Le gamin adore le foot et la petite nage déjà comme une reine. Et si l’on excepte les remarques assez agaçantes de la belle-famille sur la façon de prier ou les cheveux qui dépassent du foulard, le petit monde se porte bien.
Parmi leurs amis téhéranais: Ahmed. Le musulman s’est converti au christianisme et s’en est ouvert à Mostafa. Intrigué, il le suivra à l’église avant de se faire prêter une Bible en farsi: «Alors j’ai lu, j’ai lu, j’ai lu.» Mostafa tombe des nues: «A chaque ligne, il y avait le mot paix. Et pas guerre.» Une découverte qui ne plaît ni à sa femme ni aux autres. – Mostafa, tu étais à l’église?
– Non. Ce n’était pas moi.
– Je t’ai vu sortir de l’église. Et le témoin de la scène de téléphoner au père de Mostafa pour l’informer de l’impensable.
Esmat finit par accompagner son mari un jour de 1999. Elle s’y sent si bien qu’elle s’engage à son tour. Deux ans plus tard, à ses risques et périls («Le prophète dit qu’ils ont le droit de nous tuer»), le couple se fait baptiser
La police, puis la fuite
Un jour qu’il va chercher Ahmed pour la messe, Mostafa trouve un appartement sens dessus dessous: l’apostat et sa famille ont été arrêtés. Paniqués, Esmat, Mostafa et les enfants se réfugient chez des amis. Ils font bien. La police est passée durant la nuit. Ils partent chez un oncle à Hamedan: lui connaît un passeur qui aidera Mostafa et son fils à fuir le pays. Puis, si tout se passe bien, Esmat et sa fille.
Après un périple en camion, à cheval et en voiture: Mostafa et son fils arrivent à Genève le 18 juillet 2002. Trois mois plus tard, Esmat et sa fille de 9 ans les suivent. Un parcours pénible. Depuis, l’adolescente «a peur quand elle est dans sa chambre» et sa mère, prof de natation, ne peut plus mettre un pied dans l’eau
«Ecrasés entre les deux»
La famille s’installe à Lausanne, trouve du travail, fait du bénévolat, décroche un CFC (pour Mostafa), rencontre des Suisses et s’inscrit à l’église du quartier qui baptise les enfants en 2005. Et puis la lettre. Renvoi. Stupéfaction. Elle: «On travaille, on n’a pas de problème avec la police, on vit comme il faut.» Lui: «La politique suisse ne croit pas qu’on est réfugiés et la religion iranienne nous condamne pour apostasie. On est écrasés entre les deux.» Berne, qui ne les a jamais réentendus, doute de la véracité des certificats de baptême, et même de l’existence de l’église et du curé. Etonnant. Un évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg les a trouvés sans peine lors d’un voyage à Téhéran. Et le curé lui a parlé du couple qu’il avait baptisé.
Mostafa hoche la tête. Puis, dans une évidence: «Vous croyez qu’un musulman baptiserait ses enfants dans la religion catholique pour un papier?»
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