Halte aux abus: deux fois non
La réalité. Des secteurs de l’économie (agriculture, restauration, soins aux personnes âgées ou malades, garde d’enfants…) manquent de main-d’oeuvre. La population suisse et la migration légale ne parviennent pas à combler la demande – malgré le fait du chômage. Et le marché donne du travail, souvent précaire, à des personnes sans permission de séjour.
La réalité. La loi ne prévoit pas de permis de séjour pour des personnes non-européennes venant chercher un travail, rejoindre leur fiancée, leur famille. Pour ne pas être illégales, certaines s’inscrivent pour une demande d’asile, en expliquant leurs raisons. Elles ont l’impression de jouer le jeu et ne comprennent pas qu’on les accuse d’«abuser de notre hospitalité»: c’est la seule entrée légale que la Suisse leur accorde.
La réalité. Des personnes fuyant des persécutions, mais ne pouvant pour cette raison même se procurer des papiers d’identité, ou prendre le risque de porter sur elles, au départ de leur voyage, de quoi les identifier.
Cela leur est reproché par notre loi.
La réalité. Des personnes emprisonnées en «mesures de contrainte ». Leur seul «délit» est de n’être pas ou plus autorisées à séjourner en Suisse. Leur emprisonnement, qui coûte très cher, peut durer jusqu’à un an. Et plus l’emprisonnement est long, plus il est inefficace pour organiser le renvoi. C’est un rapport fédéral qui l’a montré.
Les lois actuelles sont très restrictives pour l’asile et la migration, d’où le grand nombre de refus d’asile ou de séjour, dû non pas à des motivations mauvaises des personnes, mais au système compte-gouttes de notre législation. Et avec toutes ses restrictions, elle ne parvient pas à combattre la clandestinité; elle l’augmente.
Nous, témoins de cette réalité, nous ne pouvons que tomber à la renverse lorsqu’on nous raconte que le système est «laxiste» et qu’il faut le durcir! C’est précisément les durcissements des dernières années, les barrières mises au dépôt des demandes d’asile ou de séjour, l’interdiction d’accès au travail, la baisse drastique de moyens de vivre déjà restreints, qui ont augmenté la marginalité, l’inactivité, ou la clandestinité.
Ce système actuel insatisfaisant est néfaste aussi pour la société suisse: sous-enchère des salaires, tensions dues à la marginalité (absence de travail, d’activité, de perspectives, pouvant dans certains cas faire miroiter l’attrait d’occupations illégales).
Les durcissements ont déjà fait le contraire de leurs promesses: non pas halte aux abus et protection des vrais réfugiés, mais mise en danger de réfugiés et encouragement à la clandestinité. Et les Lois sur l’asile et les étrangers nous feraient appliquer les mêmes recettes de durcissement mais renforcées, en prétendant que cette fois par miracle ça va résoudre les problèmes au lieu de les empirer comme déjà vu? Non et non!
Doubler le temps d’emprisonnement en mesures de contrainte, déjà avéré comme coûteux et inefficace? Barrer l’accès à la procédure d’asile aux personnes n’ayant pas de documents d’identité? Rendre presque impossible de chercher légalement du travail en Suisse, alors que l’offre et la demande sont là? J’espère que le peuple suisse votera dans son propre intérêt le double non à ces deux lois: non aux mensonges et non à l’irréalisme.
Et dès le 25 septembre, le travail sera à reprendre, pour doter enfin la Suisse de lois cohérentes et rigoureuses en matière d’asile et de migration.
Lire aussi l'avis opposé de Léonard Bender
Adapter nos lois pour répondre aux défis migratoires
Les opposants aux lois sur l’asile et sur les étrangers auront peine à convaincre le peuple. Pourtant, sur le papier, l’addition des forces qu’ils sont censés représenter (les Gauches, les Eglises, le Comité bourgeois, les grandes villes, les Centrales syndicales, une large part du milieu associatif et culturel) devrait générer, sans problème, une majorité, pour ne pas dire un plébiscite. Or, on le pressent, la réalité sera différente.
L’immigration est un sujet complexe et délicat. Les pressions migratoires ne faibliront pas à l’avenir, tant est grand l’écart de richesses entre pays nantis et pays pauvres, situés dans l’hémisphère Sud notamment. De la même manière, la question des réfugiés sera toujours liée aux instabilités politiques, aux conflits armés et aux violations, trop nombreuses, des droits de l’Homme dans le monde. Nous devons, à l’échelon national aussi, apporter des réponses à ces questions, même si, fondamentalement, elles ressortissent à la politique internationale.
La Suisse a adhéré à l’espace Schengen. Cela veut dire qu’en matière d’immigration, d’une certaine manière, ses frontières ne sont plus à Chiasso, Gondo ou à Genève, mais à Lampedusa, Ceuta ou dans l’archipel des Canaries! C’est pourquoi, il y a nécessité d’adapter – à l’instar d’autres Etats - notre réglementation interne à cette nouvelle réalité.
VC6
La lutte contre l’immigration clandestine nous incombe également. Elle doit être menée avec fermeté et humanité, en collaboration avec tous les pays intéressés. Aucun répit ne saurait être accordé aux filières mafieuses qui exploitent sans vergogne la misère humaine. La surveillance des frontières, la coopération policière et judiciaire doivent être améliorées. Et les accords de réadmission favorisés.
Dans le même temps, l’aide au développement et à la résolution des conflits ne doit pas faiblir, car une bonne politique migratoire n’a de sens que si elle s’inscrit dans une vision globale et durable. A cet égard, voter deux fois Oui le 24 septembre est utile, mais ne suffit pas. Il faudra encore améliorer la concertation européenne et internationale en ces domaines et, surtout, donner un coup d’accélérateur à la politique d’intégration des étrangers dans notre pays. Le Parti radical suisse l’a bien compris, en réclamant l’élaboration d’une loi-cadre fédérale sur l’intégration.
Dans son dernier livre, Témoignage, le ministre français Nicolas Sarkozy résume cette exigence d’équilibre: «La vérité est qu’il n’y a pas, d’un côté, les laxistes généreux au grand coeur, et de l’autre, les partisans d’une fermeté inhumaine. Les deux sentiments cohabitent en chacun de nous.». Et d’ajouter «en matière d’immigration… je suis convaincu qu’on ne peut être ferme sur la durée que si l’on est juste.» Les deux lois sur lesquelles le peuple suisse se prononcera le 24 septembre essaient de faire la part des choses. La nouvelle loi sur les étrangers fournira à notre pays les instruments adéquats pour mener une politique d’immigration maîtrisée, régulée et davantage orientée vers l’intégration. Quant à la loi révisée sur l’asile, elle permettra de préserver, dans les faits, notre tradition d’accueil et de générosité à l’égard des réfugiés cherchant protection et réconfort. Mais elle contient aussi des dispositions renforcées visant à combattre et prévenir les abus patents et nombreux dans ce domaine.
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