Lire l'article de Joëlle Fabre dans 24 Heures
PORTRAIT Prof de latin et de grec au bénéfice de titres reconnus, le Sénégalais Samba Sarr, 39 ans, est un des rares enseignants noirs de l’école vaudoise.ARenens plus qu’ailleurs, la diversité culturelle donne des couleurs au paysage scolaire. Depuis plusieurs années, le nombre d’élèves étrangers surpasse celui des indigènes. Mais de l’autre côté des pupitres, la réalité est moins bigarrée. Le blanc domine parmi les profs. A de rarissimes exceptions près. Premiers pas Au collège du Léman, depuis deux mois, Nidia, Juliet, Valon, Slava et quelques autres camarades migrants fraîchement arrivés du Kosovo, du Portugal ou de Russie, font leurs premiers pas dans la langue de Ramuz sous la houlette d’un prof sénégalais. Samba Sarr, 39 ans, vit en Suisse depuis 2004: «C’est surprenant, non? Je suis le maître ici et aux yeux de mes élèves étrangers, j’incarne le pays d’accueil, ses coutumes, ses valeurs, ses institutions, alors que je suis plus ou moins dans la même situation qu’eux: jusqu’à 37 ans, je n’étais jamais sorti du Sénégal.» Erreur de casting? «Au contraire! proteste Alberto Angeretti, le directeur de l’établissement. Je suis fier d’avoir engagé un des seuls enseignants de couleur du canton. C’est un avantage, dans ce contexte où on est habitués à côtoyer des élèves d’origines très différentes, de voir cette multiculturalité représentée parmi le corps enseignant.» «Ma couleur est un atout, renchérit Samba Sarr. Elle suscite une sympathie naturelle et favorise l’écoute. Quand vous êtes à ce point différent, les élèves vous portent plus d’attention.» Sa haute stature (1,97 m), son allure décontractée, son caractère ouvert y sont aussi pour quelque chose. A la fin des cours, même les élèves des autres classes se pressent autour de lui. «Ils cherchent le contact, ils sentent que je suis prêt à leur accorder du temps et de l’attention. Au Sénégal, les élèves qui habitaient loin de l’école venaient manger chez moi.» Redoutable salle des maîtres N’est-ce pas tuant, à la longue, d’être l’attraction? «Je préfère ça à l’indifférence. La salle des maîtres, c’est là que je vis le moins bien ma singularité. Je me sens seul parfois. Je m’y ennuie. Ce sont des moments terribles pour moi et pourtant, j’ai des amis, il y a toujours des sujets à aborder avec les collègues…» Il faut dire que dans les lycées de Dakar où il a enseigné le français, le grec et le latin pendant huit ans — après avoir obtenu sa licence en lettres classiques assortie d’une maîtrise et d’un DEA (diplôme d’études approfondies) —, l’ambiance des salles des maîtres était plus festive: «Il n’y a pas de barrières. Ici, tu dois toujours faire attention, avoir de la rigueur dans tes paroles.» Ni pédant, ni collet monté, Samba Sarr n’en reste pas moins un éminent latiniste doublé d’un helléniste passionné. Après deux remplacements «inoubliables» en classe d’accueil, ce pédagogue se réjouit de retrouver «ses branches» à la rentrée prochaine: «J’aurai le privilège de former les premiers hellénistes de l’établissement scolaire de Genolier.» Samba Barr a su utiliser sa différence pour susciter la sympathie et l’attention des élèves.
Un météore de l’intégration
Samba Sarr est né en 1967, à Thies (70 km de Dakar), dans une famille cultivée où le père, «humaniste», inscrivait d’office ses enfants au collège classique. De là à imaginer qu’un jour, il enseignerait le grec et le latin aux petits Suisses… C’est sa femme, une enseignante vaudoise rencontrée lors d’une mission de l’organisation Enseignants sans frontières, qui l’a attiré dans nos contrées en juillet 2004. «J’avais peur d’abandonner mon poste de fonctionnaire à Dakar, je n’avais jamais quitté mon pays.» Coaché par son épouse, Samba Sarr le déraciné parcourt au triple galop le rude chemin l’intégration. Entre autres brimades, il s’habitue à être regardé comme un vendeur de drogue: «Ça ne me choque plus. Même dans les salles des maîtres, on m’a traité de dealer.» Trois mois après son arrivée, il obtient la reconnaissance de ses titres: «Cela m’a valu les foudres de collègues qui ont dû attendre cinq ans et faire des compléments de formation pour obtenir une équivalence de diplôme.» En février 2005, il décroche son premier remplacement à Chavannes-près-Renens. A Béthusy, puis à Renens, il découvrira une autre face de la Suisse dans les classes d’accueil pour étrangers: «Si j’étais resté cantonné dans mes branches classiques, je n’aurais eu accès qu’à l’élite. Dans ces classes d’accueil, on perd un peu son latin, mais quelle richesse! Les élèves sont plus respectueux et le rapport avec les parents est un peu le même qu’en Afrique: ils font confiance au maître et lui laissent le soin de diriger leurs enfants.» JO. F.
Samba Sarr est né en 1967, à Thies (70 km de Dakar), dans une famille cultivée où le père, «humaniste», inscrivait d’office ses enfants au collège classique. De là à imaginer qu’un jour, il enseignerait le grec et le latin aux petits Suisses… C’est sa femme, une enseignante vaudoise rencontrée lors d’une mission de l’organisation Enseignants sans frontières, qui l’a attiré dans nos contrées en juillet 2004. «J’avais peur d’abandonner mon poste de fonctionnaire à Dakar, je n’avais jamais quitté mon pays.» Coaché par son épouse, Samba Sarr le déraciné parcourt au triple galop le rude chemin l’intégration. Entre autres brimades, il s’habitue à être regardé comme un vendeur de drogue: «Ça ne me choque plus. Même dans les salles des maîtres, on m’a traité de dealer.» Trois mois après son arrivée, il obtient la reconnaissance de ses titres: «Cela m’a valu les foudres de collègues qui ont dû attendre cinq ans et faire des compléments de formation pour obtenir une équivalence de diplôme.» En février 2005, il décroche son premier remplacement à Chavannes-près-Renens. A Béthusy, puis à Renens, il découvrira une autre face de la Suisse dans les classes d’accueil pour étrangers: «Si j’étais resté cantonné dans mes branches classiques, je n’aurais eu accès qu’à l’élite. Dans ces classes d’accueil, on perd un peu son latin, mais quelle richesse! Les élèves sont plus respectueux et le rapport avec les parents est un peu le même qu’en Afrique: ils font confiance au maître et lui laissent le soin de diriger leurs enfants.» JO. F.
JOËLLE FABRE
FLORIAN CELLA
DÉCONTRACTÉ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire