mardi 30 août 2005

Tourner la page, seule issue à la crise de l'asile


Lire l'article de Pierre Kolb dans Le Courrier
Voici plus d'une année que dure l'affaire des «523». Cette crise vaudoise de l'asile reste sans issue et a pris une tournure institutionnelle périlleuse. Beaucoup de choses dépendent de la position que le gouvernement va maintenant prendre sur la motion adoptée par le Grand Conseil en juillet. On a vu les manœuvres estivales de Jean-Claude Mermoud, assimilables à des provocations, puisqu'il a actionné les mesures de contraintes alors que le Grand Conseil avait décidé de bloquer le renvoi des requérants en cause. Sur quoi l'on peut s'attendre à une contestation, par le gouvernement, de la légalité de décision parlementaire.
Que ce soit le cas ne dit pas" encore lequel des deux a raison. ; Dans cette logique, le conflit devrait passer du domaine politique au domaine judiciaire. Après tout, pourquoi pas? Dès le début de cette crise des questions de compétence se sont posées: obligée d'appliquer le droit fédéral, l'autorité cantonale est-elle pour autant subordonnée aux décisions administratives de l'instance fédérale? A cette question fondamentale s'en est ajoutée une autre, que l'expertise Moor a mise en lumière: ne doit-il pas rester possible de recourir contre les dernières décisions de renvoi?
Et la voie judiciaire?
Mais une procédure judiciaire clarifierait-elle ces questions? Ce n'est même pas sûr au sens où le caractère exécutable des renvois pourrait à la limite être tranché sans réponse nette aux questions de compétence. Et dans le cas où la justice approuverait les refoulements, le litige redeviendrait un conflit entre les autorités (ou une partie des autorités) et des citoyens qui, avec une autre partie des autorités, s'estimeront fondés à désobéir.
Antagonismes
Si en plus l'ordre judiciaire désavoue le législatif au niveau des principes, on peut prévoir des dégâts collatéraux singuliers: l'affaire n'aura-t-elle pas été exemplaire de ce qu'est devenu un parlement cantonal, une simple chambre d'enregistrement, Un parlement qui n'est plus qu'une arène parasite et coûteuse, voilà qui préjugerait d'un beau thème aux prochaines élections cantonales. Tandis que tant que l'affaire n'est pas tranchée à ce niveau, le flou qui persiste ne sera pas dommageable, si une solution politique est trouvée.
Il faut en revenir à l'articulation des antagonismes. D'un côté le Parlement vaudois, dont la majorité n'a pas varié. Il a relevé qu'on a affaire à une catégorie de requérants qui courent de sérieux risques en cas de renvois dans leur pays, des gens qui sont là depuis longtemps, dont les enfants sont nés ici. Il ne s'agit pas des dealers dont la police n'arrive pas à faire façon! Pourquoi donc s'acharner? Ces cas restent particuliers, l'affaire en souffrance empoisonne la vie politique. Le
bon sens et l'humanité commandent de tourner la page, et il n'est pas abusif d'avancer que cette option peut parfaitement être comprise par la population.
Face à quoi le gouvernement n'a pas à faire preuve d'une grande cohérence. Dans la mesure où il n'a pas forcé les expulsions ainsi qu'il l'annonçait il y a un an, dans la mesure où il a permis, avec le temps, le règlement d'un nombre important des cas, puisque les «523» ne sont plus que quelque 170, il n'a pas été très éloigné de facto de la ligne du Grand Conseil. Tout en prenant des positions officielles contraires, assorties de quelques opérations, aux limites de la bavure, dans la ligne de l'intransigeance.
Incohérence expliquée
On expliquera cette incohérence par ses divisions internes et une pression fédérale incessante, alimentée par les engagements pris au printemps 2004, le funeste accord signé avec Christoph Blocher. Il est probable que cet accord pèse encore lourd. Mais n'a-t-il pas été rendu caduque lorsque, l' automne dernier, un groupe de travail a procédé à un réexamen des cas? Cet épisode avait montré que l'accord était devenu inapplicable. Il l'est encore plus aujourd'hui, où persister dans cette ligne renforce la vague de désobéissance, et la légitime.
En rester là, c'est l'impasse pour le gouvernement. Conclure sur la ligne dure lui garantit une épreuve de force populaire moralement et politiquement intenable. Aussi ne reste-t-il qu'à faire classer l'accord, en reprenant l'affaire avec Blocher sur ces réalités. Si ce dernier admet la particularité de ces cas devenus peu nombreux, et donc la nécessité de tourner la page, il aura avec le canton de Vaud un partenaire convaincu de la nécessité, à l'avenir, de ne plus laisser traîner les procédures.

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