Paru le Jeudi 11 Décembre 2008 dans le Courrier
CAMPAGNE - L'association «Pour les droits des enfants sans statut légal» vient de lancer une opération visant à défendre les droits des enfants «illégaux». Son président Pierre-Alain Niklaus évoque les enjeux de cette action.
La Journée des droits humains a donné lieu hier soir à Genève à la projection du film Los invisibles d'Ingrid Wildi et à la table ronde «Comment grandir sans permis et sans droits?» Présent à ce débat, Pierre-Alain Niklaus, président de l'association «Pour les droits des enfants sans statut légal», qui initie une campagne nationale de deux ans «Aucun enfant n'est illégal»1,.
Selon vous, quels articles des lois sur les étrangers et l'asile portent atteinte aux droits de l'enfant?
Pierre-Alain Niklaus: Il y a bien sûr l'article sur les mesures de contrainte. Il stipule que des mineurs peuvent être emprisonnés jusqu'à douze mois. Le regroupement familial est également rendu plus difficile. Des parents régularisés n'ont qu'un an pour faire venir leurs enfants en Suisse, et avant que ceux-ci aient douze ans. Les parents n'y arrivent pas forcément, si leur salaire est trop faible par exemple. Le résultat, c'est que beaucoup d'enfants viennent trop tard et se retrouvent dans l'illégalité.
Comment le fait d'être sans statut légal affecte-t-il les enfants sans papiers?
En bas âge, entre 3 et 6 ans, ces enfants souffrent d'un grave isolement. Ils vivent à la maison. Dans le meilleur des cas, ils vont au jardin d'enfants et à l'école. Ils restent peu socialisés et les contacts avec les autres enfants se limitent au cadre scolaire. Souvent les très petits ont déjà peur de la police. Même s'ils ne comprennent pas la situation, ils la ressentent.
Quel est l'effet de ces lois sur le droit à la formation?
Une loi-cadre fédérale stipule que chaque enfant a droit à la scolarité obligatoire et postobligatoire. Son application est régie par la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique. La scolarisation des enfants sans-papiers dépend beaucoup des cantons.
L'application de cette loi-cadre est-elle respectée dans tous les cantons?
Elle est plus ou moins respectée dans tous les cantons pour l'école obligatoire. D'après le Syndicat des services publics, des enfants sans papiers ne sont pas scolarisés dans certaines petites communes des cantons de Soleure et Berne. Un autre problème se pose quand les familles sont forcées de changer continuellement de lieux d'hébergement. C'est le cas à Zurich, où les familles ne reçoivent pas l'aide sociale, mais seulement l'aide d'urgence. Ils se retrouvent à déménager chaque semaine, ce qui rend la scolarisation des enfants impossible. Dans le cas du postobligatoire, on sait que la loi est respectée dans les cantons romands et à Bâle. Mais pour le reste de la Suisse alémanique, où très peu d'associations s'occupent des sans-papiers, nous n'avons simplement pas d'informations.
Au Grand Conseil de Genève, le Parti démocrate-chrétien a présenté une motion pour permettre aux adolescents sans papiers de faire un apprentissage.
La proposition du chèque apprentissage est une solution plus que légitime mais malheureusement en dehors du cadre des lois suisses. Les apprentissages en entreprise constituent une prise d'emploi nécessitant un permis. La plate-forme pour les sans-papiers et l'Union syndicale suisse ont essuyé un refus du Département fédéral de l'économie de Doris Leuthard, lorsqu'elles lui ont demandé de rendre possible ces apprentissages, en avril 2007.
Votre association va lancer une campagne de deux ans pour garantir la défense des enfants sans statut légal. Quels sont vos objectifs?
Nous voulons réunir les citoyens autour de trois revendications: droit à la formation, pas de mesures de contrainte à l'encontre des mineurs et régularisations facilitées pour les familles. Il s'agira de garantir le droit à la formation du préscolaire au post-obligatoire. Nous cherchons à thématiser ce scandale des enfants qui n'ont pas droit à la formation par la médiatisation et le lobbying politique. Il faudra convaincre les cantons urbains davantage concernés, comme Zurich, Berne ou Genève de s'engager face à la Confédération. I
Note : 1 Plus de d'informations sur le site www.keinkindistillegal.ch
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