Lire l'opinion de François de Vargas dans le Temps
Le Temps a publié vendredi un article affirmant que la révision de la loi sur l'asile est conforme au droit international, selon l'étude d'un professeur de droit allemand (Le Temps du 19 mai). Une fois de plus, on voit qu'on trouve toujours des experts pour se contredire entre eux, surtout quand cela peut être à l'avantage d'un gouvernement. Ainsi George Bush a trouvé des juristes pour affirmer que Guantanamo était conforme aux Conventions de Genève, et l'Eglise a pu, dans les temps passés, affirmer doctement que les guerres coloniales étaient des guerres justes.
Vous dites bien que l'étude du professeur Kay Hailbronner contredit l'avis du professeur Walter Kälin, le meilleur spécialiste en Suisse du droit des réfugiés, par ailleurs membre du Comité des droits de l'homme des Nations unies. Je n'ai peut-être pas qualité pour être arbitre entre ces deux experts, mais j'ai assez étudié le droit des réfugiés ainsi que le projet de révision de la loi sur l'asile soumis au peuple le 24 septembre prochain, et j'ai assez lu de décisions de refus d'asile des autorités suisses pour pouvoir affirmer fermement que cette dernière n'est pas conforme au droit international.
Le droit des réfugiés admet que le requérant puisse ne pas présenter des documents valables (en général ceux qui fuient une persécution ne sont pas en mesure d'obtenir ces documents des autorités de leur pays), alors que le projet de loi dit qu'on n'entrera pas en matière sur la demande de celui qui ne pourra pas produire dans les 48 heures lesdits documents. Certes, l'article 32 ajoute que la disposition n'est pas applicable s'il existe des indices de persécution qui ne sont pas manifestement infondés. Mais pour invoquer ces circonstances, il faut des documents!
Malheureusement, j'ai vu plusieurs décisions de la Commission de recours qui rejettent des demandes d'asile pour absence de documents valables. Comment s'attendre à ce qu'on soit plus tolérant quand il sera possible de refuser l'entrée en matière d'emblée?
La loi révisée prévoit des mesures de contrainte (autrement dit la privation de liberté) jusqu'à deux ans pour des personnes qui n'ont commis aucun délit et qui, le plus souvent, ne peuvent pas se rendre dans un autre pays. Comment prétendre que cela est conforme au droit international?
Quant à l'obligation de coopérer, le projet de loi punit le requérant qui ne s'y soumettrait pas. En même temps, on admet que nul ne peut être obligé de se rendre dans un territoire où sa vie, sa liberté, son intégrité corporelle seraient menacées. Or, à l'heure actuelle déjà, on exige du requérant débouté qu'il coopère à son renvoi. Que sera-ce quand elle entrera en vigueur?
Mais ce qui est le plus grave, c'est que tant nos législateurs suisses que l'administration fédérale ou des cantons, ou que de nombreux experts et même la majorité de la population suisse, refusent simplement de se représenter les situations inextricables dans lesquelles se trouvent des êtres humains qui ont risqué la mort, la torture ou qui fuient la terreur dans un nombre considérable de pays. Alors qu'elles n'ont pu y échapper que par des prouesses inouïes, on attend de ces personnes qu'elles produisent des documents comme de bons citoyens helvétiques, qu'elles coopèrent à leur propre renvoi et on les empêche de travailler quand elles cherchent à être enfin utiles!
Assez de raisons pour voter non aux deux lois (sur l'asile et sur les étrangers) qui seront soumises au peuple par référendum en septembre prochain.
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