mercredi 13 juillet 2005

Le devoir d'humanité.

La communauté internationale a fait son mea culpa.
Une fois de plus.


L'article de Michaël Rodriguqez dans le Courrier :

Dix ans après, le massacre de Srebrenica, commémoré lundi, reste le symbole macabre de l’aveuglement et de l’impuissance de l’Europe et de l’ONU. Parmi les civils ayant échappé à une tuerie qui a fait 8'000 morts en quelques jours, un certain nombre d’entre eux ont trouvé refuge en Suisse.

Or la Confédération exige depuis de nombreux mois que l’on accélère les refoulements de requérants déboutés provenant de cette région. Certains ont déjà eu lieu.


De retour de Srebrenica, des parlementaires suisses ont rappelé hier à quel point renvoyer les Bosniaques est au mieux prématuré. Taux de chômage très élevé, camps de réfugiés surpeuplés, économie en lambeaux constituent le lot quotidien de ceux qui, restés sur place, tentent, bien que privés de réelles perspectives d’avenir, de redonner sens à leur existence. Sans parler des blessures psychiques, qui mettront encore des années à se cicatriser. La Suisse n’était pas membre de l’ONU à l’époque. Et elle ne fait toujours pas partie de l’Union européenne. Elle n’a donc pas de responsabilité directe face à la guerre qui a sévi en Bosnie de 1992 à 1995. Toutefois, comme tout pays qui se veut démocratique et civilisé, le génocide de 1995 – mais également celui du Rwanda un an plus tôt– doit l’interpeller. Comment venir en aide aux victimes de la barbarie?

Comment accueillir ceux qui fuient les massacres? Il ne suffit pas de se montrer compatissant à l’égard de ceux qui ont connu l’horreur, qui ont perdu un proche. Le devoir d’humanité impose qu’on leur tende la main, en évitant de la retirer à la première occasion. La Suisse est d’autant plus redevable aux Bosniaques que, durant les années 1980, alors qu’ils avaient encore un passeport yougoslave, nombre d’entre eux ont activement contribué à sa prospérité en tant que travailleurs saisonniers.

Offrir aujourd’hui à des requérants ayant fui la guerre la possibilité d’accéder à une infime portion de cette prospérité n’a rien d’extravagant. D’ailleurs, ces réfugiés ne demandent que de pouvoir vivre en paix au sein de la société suisse qui les a souvent bien mieux accueillis que les autorités. Mais pour ces dernières, arc-boutées sur d’obscurs règlements et directives, la requête paraît déjà disproportionnée. La farce tragique pour l’obtention de garanties de retour en Suisse qu’ont connue plusieurs dizaines de Bosniaques souhaitant se rendre à Srebrenica en est la parfaite illustration.

L’histoire du siècle passé rappelle que la Confédération, lorsque le désespoir et la misère frappait à sa porte, a généralement préféré donner un tour de clé supplémentaire. L’historien Jean-François Bergier, président de la commission Suisse-Seconde Guerre mondiale, l’a rappelé à diverses reprises: l’attitude actuelle du pouvoir politique helvétique à l’égard des migrants les plus défavorisés ressemble à celle figurant dans les livres d’histoire. La cérémonie des dix ans du massacre de Srebrenica aurait pu être l’occasion d’une prise de conscience et d’un sursaut moral.

Mais le silence dont a fait preuve le Conseil fédéral confirme, si besoin était, ses intentions de mener une politique d’asile répressive.

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