Eveline Widmer-Schlumpf a lancé la campagne du Conseil fédéral en faveur du contre-projet; l’UDC a rétorqué avec des affiches chocs.
Les premiers échanges de tirs ont fusé. Lundi, l’UDC a lancé sa campagne en faveur de son initiative «pour le renvoi des étrangers criminels» en accusant le contre-projet concocté par le Parlement d’être «mauvais et perfide». Quant à Eveline Widmer-Schlumpf, elle a lancé quelques heures plus tôt celle du gouvernement défendant ce texte, flanquée de trois ministres cantonaux dont la Saint-Galloise Karin Keller-Sutter, candidate malheureuse au Conseil fédéral. En précisant qu’il est «plus clair et plus complet» que celui de l’UDC. Et surtout qu’il ne pose «pas de problèmes de conformité avec les dispositions de la Constitution et du droit international». Voilà qui annonce une campagne animée.
Le contre-projet prévoit aussi la révocation du permis de séjour, mais insiste sur la gravité des délits commis et non sur une liste restreinte d’infractions pénales, a insisté la ministre qui passera dans un mois le flambeau à Simonetta Sommaruga. «Selon l’initiative, un petit cambriolage entraînerait automatiquement l’expulsion de Suisse, mais pas une escroquerie de grande envergure», a-t-elle dénoncé. En résumé, le contre-projet, qui contient aussi un chapitre sur l’intégration, va «plus loin» que l’initiative «car il englobe toutes les infractions graves sans exception, tout en évitant le retrait du droit de séjour dans les cas de peu de gravité».
«Violeur et bientôt Suisse?»
L’Office fédéral des migrations s’est livré à des estimations: selon le droit actuel, environ 400 étrangers sont expulsés chaque année, un chiffre qui serait d’environ 800 avec le contre-projet et de près de 1480 avec l’initiative. «Mais», avertit la conseillère fédérale, «avec le projet de l’UDC, une partie de ces renvois ne pourront tout simplement pas être appliqués parce qu’ils violent le principe du non-refoulement».
La réponse de l’UDC? Elle s’est présentée dans l’après-midi par la voix d’un «comité interpartis contre le contre-projet», qui ne doit son nom qu’au fait qu’il regroupe également un membre de la Lega et un représentant de l’Union démocratique fédérale. L’UDC a dévoilé ses affiches. Avec le slogan «Ivan S. Violeur et bientôt Suisse?». Qui se décline aussi en «Ismir», «Faruk» et «Maurice» («Detlef» dans la version allemande…), tantôt «abuseur social», «assassin» ou «violeur d’enfant». Mais toujours avec la question «Bientôt Suisse?», histoire de faire un lien avec un autre thème de prédilection du parti, les naturalisations «abusives». Le mouton noir, sur lequel l’UDC s’est appuyé pour les élections fédérales de 2007, refera également son apparition. Des partis européens d’extrême droite s’en étaient inspirés pour leurs affiches.
Très en verve, le président de l’UDC, Toni Brunner, a affirmé que le contre-projet «perfide et douteux» défendu par le Conseil fédéral n’avait que pour unique but de «saboter» l’initiative de son parti. Il donne aux étrangers criminels la possibilité d’invoquer les conventions internationales et le droit international pour empêcher leur expulsion, a-t-il critiqué. «Le contre-projet vise bien plus à empêcher le renvoi des étrangers criminels; il gonfle une onéreuse bureaucratie en multipliant les recours et les procédures», a ajouté la conseillère nationale bernoise Andrea Geissbühler, policière de son état.
La problématique des chauffards qui brisent des vies dont la presse alémanique se fait souvent l’écho? Selon Eveline Widmer-Schlumpf, le texte de l’UDC, qui parle d’homicides intentionnels, ne permet pas leur expulsion. Interrogés à ce sujet, les députés UDC présents devant la presse, se sont montrés un brin mal à l’aise. Ils se sont empressés de préciser qu’ils étaient eux-mêmes personnellement en faveur du renvoi de ces personnes.
En fin de journée, PLR, PDC, PBD et Verts libéraux, qui donneront une conférence de presse commune jeudi pour défendre le contre-projet, sont eux aussi entrés dans la danse. Ils se sont fendus d’un communiqué intitulé «Une initiative avec de vulgaires faiblesses». «L’UDC démarre son théâtre de propagandes. Son approche maladroite témoigne du manque de connaissance des règles de la démocratie des initiants qui, au travers de cette initiative, entendent avant tout mener une opération de vengeance contre Eveline Widmer-Schlumpf», peut-on y lire.
Les premiers coups sont partis. D’autres attendent en embuscade.
Valérie de Graffenried dans le Temps
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