mercredi 31 mars 2010

L'EPER contre la suppression des représentants des œuvres d'entraide lors des auditions

Ci-dessous vous trouverez un communiqué de presse sur la position l'EPER sur la modification du droit d'asile et la loi sur les étrangers, voulue par l'ODM-Office des Migrations. Entre autres, le délai de recours des requérants d’asile passera de 30 à 15 jours et la représentation actuelle des œuvres d’entraide sera remplacée par un conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances.

La représentation des œuvres d’entraide (ROE) s’est imposée comme un rouage essentiel d’une procédure d’asile équitable. Elle contribue au déroulement correct des auditions et ne doit donc pas être supprimée.
L’EPER milite depuis des décennies pour que les procédures concernant les requérants d’asile se déroulent équitablement et c’est pourquoi elle demande qu’une représentation juridique soit aussi ancrée dans la loi.
En restant volontiers à votre disposition pour tout complément d'information et en vous remerciant de votre soutien, nous vous adressons nos cordiales salutations.


Communiqué de presse

L’EPER est contre la suppression de la représentation des œuvres d’entraide et contre une réduction du délai de recours
L’Office fédéral des migrations veut accélérer la procédure de demande d’asile. Pour ce faire, une modification de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers est nécessaire. Entre autres, le délai de recours des requérants d’asile passera de 30 à 15 jours et la représentation actuelle des œuvres d’entraide sera remplacée par un conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances. L’EPER milite depuis des décennies pour que les procédures concernant les requérants d’asile se déroulent équitablement et c’est pourquoi elle demande qu’une représentation juridique soit aussi ancrée dans la loi. L’EPER demande également que les requérants d’asile continuent d’être accompagnés par un représentant d’une œuvre d’entraide lors de la première audition. Cette représentation est le seul moyen qui permettra aux requérants d’asile d’être efficacement protégés du point de vue juridique.
La représentation des œuvres d’entraide (ROE) s’est imposée comme un rouage essentiel d’une procédure d’asile équitable. Elle contribue au déroulement correct des auditions et ne doit donc pas être supprimée. Les requérants d’asile peuvent évoquer en détail les raisons les plus importantes qui motivent leur demande d’asile ou un séjour humanitaire. En procédure de première instance, la ROE a également la possibilité de poser des questions complémentaires et de demander au besoin des clarifications supplémentaires. C’est pourquoi, le conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances prévu dans la révision ne peut remplacer la ROE.
Il faudrait également que la représentation juridique, largement financée jusqu’à présent par les œuvres d’entraide et les Eglises, bénéficie d’un ancrage légal puisqu’il s’agit là du point de vue de l’EPER d’une tâche de l’Etat.
La révision de la loi sur l’asile vise à rendre la procédure plus rapide. Une preuve en est la proposition de réduire massivement les délais de procédure ainsi que de limiter les investigations au strict nécessaire. Si la révision est mise en œuvre comme prévu, de plus en plus de recours seront déposés en raison de vices de procédure et de la violation du droit à être entendu. Tout cela entraînera au bout du compte une augmentation des coûts de tous les côtés et sera préjudiciable à toutes les parties.
Le délai de recours ne doit en aucun cas passer de 30 à 15 jours. Précisément parce que les requérants d’asile, qui ne maîtrisent souvent pas la langue du pays et ne connaissent pas le système juridique suisse, dépendent d’une protection juridique complète. De plus, un délai de recours suffisamment long s’avère nécessaire quand il faut aller chercher du matériel de preuve à l’étranger. La garantie de procédure, définie dans la Constitution fédérale à l’article 29, stipule que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Cette obligation d’un délai raisonnable ne peut pas être satisfaite aux dépens d’autres garanties juridiques des droits de l’homme, par exemple du droit à un recours effectif. Une procédure n’est équitable que s’il existe un droit à un recours efficace contre un jugement. Un recours n’est efficace et effectif que si les recourants disposent d’un délai raisonnable et de ressources suffisantes pour préparer le recours avec l’aide d’une représentation juridique.
EPER (Entraide Protestante Suisse)
Chantal Varrin – Responsable Projets Suisses
Bd de Grancy 17 bis
CP 536
1001 Lausanne 021 613 40 70
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www.eper.ch

Tous dehors … de Frambois

Les autorités vaudoises s'apprêtent à expulser un requérant d'asile béninois et à l'arracher à sa fille de 7 ans. Le scénario va bientôt devenir d'une terrifiante banalité. Il y a moins d'un mois, un jeune papa devait être renvoyé de force en République démocratique du Congo. Un article signé Michaël Rodriguez dans le Courrier.

La veille du vol spécial à destination de Kinshasa, il a été libéré in extremis sur ordre des autorités fédérales. Le canton, lui, n'avait pas levé le petit doigt pour défendre l'intérêt de l'enfant à avoir près de lui ses deux parents. L'irruption de la violence d'Etat dans la sphère familiale montre que, pour les autorités, certains habitants de ce pays ne sont pas dignes d'avoir accès au degré le plus élémentaire de la vie en société.
Au-delà de la trajectoire personnelle du jeune Béninois et de sa fille, l'affaire est emblématique de la dérive de la politique migratoire helvétique. La stratégie consistant à morceler la situation des migrants, à la découper en catégories et en procédures toujours plus nombreuses et plus étroites, ne doit pas faire illusion. «NEM» rabaissés à une condition indigne, au seuil de la misère; «cas Dublin» expulsés sans avoir pu faire usage de leur droit de recours; sans-papiers bientôt privés de mariage; requérants déboutés arrachés à leur famille; renvois manu militari qui aboutissent même parfois à la mort: aujourd'hui, le stade des incidents isolés est largement dépassé.
Parler de dérapages serait également bien trop faible face à un phénomène qui prend l'aspect d'un véritable système. Sur le papier, les droits fondamentaux subsistent, mais ils sont rendus de plus en plus inapplicables par la consécration d'un droit d'exception dans le domaine migratoire. Sous l'influence du discours politique hostile aux étrangers, les administrations publiques deviennent trop souvent des laboratoires pour ces réformes liberticides. On l'a vu notamment avec l'interdiction du mariage pour les sans-papiers, que le Valais a anticipée en dehors de tout cadre légal.
Cette évolution néfaste pourrait s'étendre rapidement à d'autres catégories de la population. N'oublions pas que, dans la loi fédérale sur les étrangers, le fait de toucher l'aide sociale est quasiment assimilé à un délit. C'est en effet un des motifs, aux côtés de la condamnation à une peine de prison de longue durée et de l'atteinte grave et répétée à l'ordre public, qui justifie le retrait de son permis de séjour à un étranger. La rhétorique des «abus» de l'aide sociale montre que certains préparent déjà le terrain à de nouvelles attaques contre les classes les plus démunies.
Il ne faut pas attendre d'en arriver là pour travailler à enrayer cette dangereuse machine. Et commencer par exiger une levée sine die des mesures de détention administrative. Outre qu'elles sont indignes en soi, puisqu'elles permettent d'enfermer jusqu'à deux ans des personnes qui n'ont commis aucun crime, elles sont entachées par les récents abus de la violence d'Etat. La justice dans ce pays gagnerait à coup sûr à une libération de tous les innocents détenus à la prison genevoise de Frambois.

Migrants et “affaire Kadhafi”

Sheena McLoughlin de l’European Policy Centre, influent think tank bruxellois, se penche sur l’attitude européenne dans l’affaire Kadhafi. Les propos sont recueillis par Benjamin Adler, Bruxelles, pour la Tribune de Genève.

L’Europe a-t-elle lâché la Suisse, comme le prétendent anonymement certains diplomates européens?
Il faut surtout comprendre qu’elle marche sur des œufs avec la Libye. L’Espagne a confirmé le week-end dernier que les partenaires Schengen de la Suisse n’ont pas apprécié l’établissement d’une liste noire par Berne sans aucune consultation au préalable. Donc, quand la Libye décide en représailles de priver de visas tous les ressortissants de la zone Schengen, des Etats membres comme l’Italie, Malte et l’Allemagne sont encore plus embêtés par une affaire qu’ils auraient aimé voir résolue bien avant.

Comment justifiez-vous l’attitude conciliante de l’UE envers Tripoli?
Elle est pragmatique. Pour la première fois, Bruxelles instaure un programme national en faveur de la Libye dans le cadre de son Instrument européen de voisinage et de partenariat. Tripoli va recevoir 60 millions d’euros de la Commission européenne entre 2011 et 2013. Cette première s’inscrit dans une phase de rapprochement. Depuis plus d’un an, la Commission est en discussion avec Tripoli pour la signature d’un «Framework agreement», lequel contient un élément crucial pour Bruxelles et les Etats membres: l’accord de réadmission des immigrés illégaux qui arrivent en Europe via la Libye. Bruxelles a besoin du feu vert de Tripoli pour que ces clandestins soient renvoyés en Libye et n’entrent pas sur le territoire d’un pays de l’UE, d’où ils peuvent demander l’asile.

Cela explique-t-il entièrement la position très critique de l’Italie vis-à-vis de la Suisse?
L’Italie a déjà un accord bilatéral de ce type et les chiffres prouvent, selon Rome, qu’il est efficace. En 2008, entre le 1er mai et le 31 août, quelque 14 000 clandestins sont entrés sur le territoire par mer, contre 1300 pour la même période en 2009. Pour Rome, cette réduction drastique est une conséquence de l’accord avec Tripoli, qui accepte de recevoir les bateaux d’immigrés illégaux qui ont transité par ses ports et sont interpellés par les autorités italiennes en mer. L’Italie n’a plus à les accueillir sur ses côtes. Il ne faut pas non plus oublier les liens commerciaux, très importants. L’Allemagne et la France ont de gros intérêts en jeu. Ce sont trois pays fondateurs de l’Union, donc ça pèse lourd dans la balance.