mercredi 18 juin 2008

Directive retour par rue89

Directive retour: l'Europarlement approuve le tout-expulsion

Le Parlement européen a adopté la "directive retour", mercredi. Un vote sans appel par 367 voix favorables, pour 206 voix hostiles et 109 abstentions. Le projet de directive a été adopté tel qu'il avait été validé par les gouvernements des Vingt-sept, puisque tous les amendements déposés ont été rejetés, avec plus de 100 voix d'écart à chaque fois.

Ce vote en séance plénière, à Strasbourg, clôture pourtant une négociation de plusieurs années, marquée par une grande hostilité, dans les Etats-membres comme au niveau des ONG actives à Bruxelles.

Depuis quelques jours, déjà, un brûlot signé du président bolivien Evo Morales circulait sur la Toile et dans plusieurs journaux européens. Morales y exhorte explicitement "les chefs d'Etat européens à abandonner cette directive".

D'où sort cette "directive retour"?

De l'agenda de la Commission européenne. Evaluant, sur la base des chiffres Eurostat, que le nombre de migrants ayant pénétré sur le territoire communautaire était passé de 590 000 personnes en 1994 à 1,85 million dix ans plus tard, Bruxelles a décidé de consolider sa politique de contrôle migratoire. Une vaste dynamique d'harmonisation s'est alors mise en branle, notamment en matière de reconduite à la frontière.

En septembre 2005 émerge la première proposition d'une "directive retour" pour harmoniser les conditions de rétention et d'expulsion des étrangers en situation illégale dans l'un des Etats-membres. Ce texte ne concerne que les migrants issus de pays tiers. Il faudra deux ans et demi pour que les Etats s'entendent sur un compromis.

Processus de codécision oblige, la négociation a été âpre entre le Conseil, où siègent les gouvernements des Vingt-sept, et le Parlement européen. Jusqu'au 5 juin dernier, date du vote en première lecture du projet de "directive retour" par les ministres de l'Intérieur des vingt-sept Etats-membres. Le vote de cette semaine au Parlement européen est la dernière étape du processus de fabrication d'une norme européenne d'explusion des clandestins.

Pourquoi ce texte est-il si décrié?

Initialement, toutes les ONG n'étaient pas hostiles à un projet d'harmonisation. Précisément du fait de la disparité qui règne en matière migratoire. Il ne faut pas oublier que le demandeur d'asile est tenu de faire sa demande de régularisation dans le premier pays européen où il pose pied. Or on sait que le taux de reconnaissance du statut de réfugié aux Irakiens varie, par exemple, de 85% en Allemagne à 13% au Royaume-Uni et… 0% en Grèce. Alors que la Grèce a enregistré trois fois plus de demandes entre 2006 et 2007.

Patricia Coëlho, lobbyiste européenne au Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (CERE), réseau qui rassemble soixante neuf ONG d'aide aux réfugiés, était plutôt favorable à une harmonisation:

"Il était nécessaire d'avoir une directive parce que chaque pays pouvait renvoyer n'importe comment les demandeurs d'asile déboutés. Les pays offraient un soutien, des garanties différentes. Surtout dans un contexte politique où les expulsions devenaient de plus en plus importantes. Il fallait établir des normes et des garanties communes."

Pourtant, cela fait un moment que les espoirs des ONG sont déçus, au gré des compromis… et du durcissement des législations nationales. Pour Patricia Coëlho, le résultat final est globalement "pauvre en garanties". Par exemple, le texte n'interdit pas l'explusion des mineurs et impose un banissement de cinq ans pour un clandestin expulsé d'Europe.

Contre le tour répressif que prend la politique d'asile

Pour d'autres observateurs, on est même en train de durcir indûment les normes en matière d'immigration et d'asile. Si le but affiché de cette directive était de fixer des normes minimales communes, un Etat-membre avec une législation nationale plus favorable pouvait la conserver. Et de nombreuses dérogations existent: le Royaume-Uni, par exemple, a décidé de faire jouer ici sa fameuse clause d'opt-out.

La mesure la plus décriée de la "directive retour" est l'extension du délai de rétention, qui pourra aller jusqu'à dix-huit mois si les députés votent le texte tel quel. En France, où l'on a pourtant récemment allongé le délai de rétention administrative, on ne peut retenir un étranger expulsable que trente deux jours. Mais les pratiques sont variables, certains Etats-membres n'avaient même pas de durée maximale.

Quoique très critique envers le tour "répressif" que prend pour lui la politique d'asile et d'immigration en Europe, Frédéric Tiberghien nuance l'impact de cette mesure pourtant médiatique. Conseiller d'Etat, président du Service social d'aide aux émigrants (SSAE) et membre du bureau de France Terre d'asile, il rappelle que la France s'est engagée à ne pas élargir sa législation au plafond des dix-huit mois:



C'est d'ailleurs ce qu'a promis au Palais Bourbon Brice Hortefeux ce mardi, déclarant en séance de questions au gouvernement:

"Cela ne changera en rien la politique protectrice équilibrée, ferme et juste que le gouvernement mène en matière d'immigration."

Qui a plombé l'harmonisation?

Le dumping dont de nombreuses ONG accusent Bruxelles est lié à la disparité des situations aujourd'hui. Entre des pays qui n'offraient que très peu de garanties, à l'instar de la Grèce qui ne garantit pas de vraie procédure d'appel en cas de refus, et les grands Etats-membres qui ont durci la donne, l'harmonisation n'a pas pris un tour très libéral.

Longtemps, France, Allemagne et Royaume-Uni ont absorbé l'essentiel des flux migratoires vers l'Europe. La France reste ainsi le pays qui a accordé le plus de statuts de réfugiés quand l'Allemagne, de son côté, accueillait plus d'un million de Yougoslave au moment de l'éclatement de leur pays. Mais la situation a changé: la France reçoit aujourd'hui trois fois mois de demandes d'asile.

Harmonisation par le bas

Pour Frédéric Tiberghien, au lieu de pérenniser leur tradition et d'essaimer à l'échelle communautaire, les grands pays font "cavalier seul pour remonter les murs de la forteresse Europe":

"Les grands Etats se sont sentis submergés et ont voulu rediriger le flux migratoire vers leurs voisins qui offrent parfois moins de garanties pour les migrants. Paris, Berlin et Londres, pendant ce temps, ont baissé le degré de protection qu'ils accordaient jusque-là. On en arrive à cette harmonisation par le bas."

Que va changer la présidence française pour l'immigration en Europe?

Le 1er juillet, la France écopera de la présidence tournante de l'Union et Nicolas Sarkozy entend faire de l'immigration un dossier majeur. L'inquiétude des ONG enfle dans toute l'Europe. Certes, la France n'a pas officiellement désavoué sa tradition d'accueil. Mais,la semaine dernière, à un colloque de l'ONG France terre d'asile, l'ancien eurodéputé PSE François Zimmeray, aujourd'hui ambassadeur aux droits de l'homme, soutenait que "la France devait cesser de se considérer éternellement comme le pays de l'asile et des droits de l'homme".

A Bruxelles, le dernier tournant amorcé avec la création du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale fait figure d'épouvantail chez ceux qui attendaient de Paris un discours plus ouvert. Au réseau CERE, Patricia Coëlho relève ainsi que, pour arracher la solidarité des autres pays, Nicolas Sarkozy aurait pris une direction particulièrement répressive aux frontières de l'Union:



Et les ONG dans tout ça?

Frédéric Tiberghien relativise cependant l'impact de cette présidence française, dont il dit ne "rien attendre vraiment". Même si le président du SSAE note que Paris pourrait bien déposséder pour de bon la société civile de son rôle dans le processus d'harmonisation:



Une confiscation du débat qui n'annonce rien de bon alors que le pacte européen sur l'immigration et l'asile doit se négocier d'ici fin 2010.

Directive retour: "nous nous inquiétons des conséquences"


Par La rédaction du Post , le 18/06/2008

SOS racisme, Les Verts, la Cimade... Les réactions contre la nouvelle directive européenne "sur le retour des sans-papiers" s'accumulent.

Sans-papiers à Lille. Photo d'illustration.
Sans-papiers à Lille. Photo d'illustration.
REUTERS/© Pascal Rossignol / Reuters

Les eurodéputés ont adopté la "directive retour", un projet de loi controversé destiné à faciliter le renvoi des sans-papiers de l'UE.

"Nous nous inquiétons des conséquences que va produire l'adoption de ce texte quant à la dignité et à la sécurité juridique des ressortissants étrangers vivant en Europe" fait savoir SOS racisme aujourd'hui dans un communiqué de presse.
"Cette directive est une atteinte aux idéaux de liberté et « au vivre ensemble » portés par les pères de l'Europe", poursuit l'organisme de luute contre le racisme.
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UNION EUROPÉENNE • Les camps de rétention toujours plus nombreux

UNION EUROPÉENNELes camps de rétention toujours plus nombreux
Les eurodéputés ont adopté le 18 juin à une confortable majorité la "directive retour". Ce projet de loi controversé vise à faciliter le renvoi des sans-papiers de l'UE. Plus de 30 000 étrangers non européens vivent dans des centres fermés sur tout le continent.
L'arrestation d'un clandestin à Tarifa (Espagne)
AFP
Demandeurs d'asile ou en instance d'expulsion, ces clandestins sont retenus à l'abri des regards dans des conditions souvent insalubres. On en trouve dans des hangars de chemins de fer, des vieux silos à céréales, des usines désaffectées, des annexes de prison et même sur un bateau ancré dans le port de Rotterdam. De l'Irlande à la Bulgarie, de la Finlande à l'Espagne, les camps de rétention pour étrangers se sont multipliés dans l'Union européenne. La plupart sont apparus au cours de la dernière décennie, l'Europe devenant de moins en moins favorable à l'accueil de migrants. On dénombre aujourd'hui 224 camps de rétention disséminés dans l'UE. Ils peuvent accueillir plus de 30 000 personnes au total – des demandeurs d'asile et des clandestins en attente d'expulsion. "La rétention est une mesure très grave dans une société démocratique : l'Etat prive les gens de leur liberté quand ils sont condamnés pour crime grave", observe Katrine Camilleri, juriste à Malte auprès du Service jésuite pour les réfugiés. Les plus petits de ces centres accueillent quelques dizaines de personnes, les plus grands plus d'un millier. Un réseau s'est ainsi discrètement formé, sans grande surveillance ni beaucoup de règles, remettant parfois en service d'anciens sites, comme celui de Rivesaltes, dans le sud de la France, qui fut l'un des plus grands camps d'internement de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Lire la suite dans le Courrier International

Une «directive retour» aussi pour la Suisse

Une nouvelle directive européenne contraint la Suisse à adapter sa législation sur la détention et le renvoi des sans-papiers et requérants d'asile déboutés.

Le Parlement européen a adopté mercredi une directive sur le renvoi hors de l'Union européenne des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Le texte voté par 367 voix contre 206 vaut pour tous les Etats membres de l'espace Schengen.

En tant que membre de Schengen dès décembre prochain, la Suisse devra adapter sa législation en conséquence. La nouvelle loi européenne prévoit notamment la possibilité d'expulser les étrangers illégaux après une durée de rétention maximale de 18 mois.

Or la loi suisse sur l'asile et les étrangers, acceptée par le peuple en 2006, permet une détention maximale de 24 mois pour les requérants déboutés.

La Suisse a pu participer à l'élaboration de la directive au sein du comité mixte de Schengen. Elle devra modifier sa législation dans un délai de deux ans après la publication de la directive.


Commentaire

La directive de la honte adoptée !

Une large majorité des eurodéputés ont adopté la "directive retour". Pour le renvoi des sans-papiers

18.06.2008 13:16
Les eurodéputés ont adopté mercredi à une confortable majorité la "directive retour". Ce projet de loi controversé vise à faciliter le renvoi des sans-papiers de l'UE. Le texte européen, résultat d'un compromis conclu avec les 27 Etats membres, a été approuvé par 367 voix contre 206 et 109 abstentions. Cette loi vise d'abord à faciliter les départs volontaires des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Elle fixe aussi à 18 mois la durée de détention maximale avant l'expulsion. En tant que membre de Schengen dès décembre, la Suisse bénéficie d'un délai de 2 ans pour adapter sa législation.

Directive européenne sur l'immigration : excessive et démesurée ?

Directive européenne sur l'immigration: «Ce projet est complètement aberrant»

Le projet de directive européenne instaurant des règles communes à l'expulsion des clandestins inquiète les associations. Sophie Daylac, de la Cimade, juge ce texte «excessif et démesuré». Propos recueillis par Marie Rostang

LIBERATION.FR : vendredi 6 juin 2008

Sophie Daylac est chargée du suivi des étrangers éloignés à l'association française de défense des étrangers évacués (la Cimade).

Pourquoi avoir qualifié cette nouvelle directive sur l'expulsion des sans papiers de «directive de la honte»?

Parce que ce projet est complètement aberrant. Selon le texte, la rétention d'une personne expulsable pourra être prolongée jusqu'à 18 mois. Le clandestin risque d'être banni de l'UE pendant 5 ans. C'est excessif et complètement démesuré. En France, 85% des personnes enfermées en vue de leur éloignement sont renvoyées dans leur pays d'origine au bout de 17 jours seulement. Ce délai de 18 mois est beaucoup trop long. De plus, les sans papiers pourront être renvoyés dans des pays de transit dans lesquels ils n'ont aucune attache. Il n'est plus obligatoire de les renvoyer dans leur pays d'origine. Cette disposition nous paraît dangereuse et va contraindre les gens à vivre dans la clandestinité.

Le texte est aussi plus restrictif pour les mineurs...
Les enfants sont soumis aux mêmes procédures que les adultes selon ce texte. C'est-à-dire qu'ils pourront être enfermés jusqu'à 18 mois eux aussi, même seuls, et qu'ils pourront être expulsés dans un pays de transit, là où ils n'auront pas forcément de responsable légal. Les étrangers gravement malades n'auront plus droit à un titre de séjour automatique, comme c'était le cas jusqu'à présent. Ce texte durcit très sensiblement la politique d'expulsion des sans papiers. On en arrive à des mesures sans fondements.

Cette directive permet aussi de limiter les abus concernant la rétention des migrants dans certains pays de l'UE. En ce sens c'est plutôt positif...
Effectivement dans certains pays de l'Union, la durée de l'enfermement d'un clandestin est illimitée. cette directive européenne permettra d'interdire ce genre de pratiques. De plus, elle instaure un droit à l'aide judiciaire qui n'existe pas partout. Mais les dispositions du texte sont disproportionnées. 18 mois de rétention, c'est mieux que l'enfermement illimité mais ça reste trop long. Ça ne sert à rien de garder les clandestins si longtemps en prison alors qu'ils ne sont même pas criminels.

Selon vous, pourquoi avoir pris de telles dispositions?
Cette directive doit soi-disant harmoniser les mesures d'éloignement des pays membres. Mais à la lecture du texte, on s'aperçoit que c'est un moyen détourné pour transformer l'Europe en forteresse. Le problème des décideurs politiques, c'est que les clandestins qu'ils expulsent reviennent quasi systématiquement. En les enfermant pendant 18 mois, en les bannissant du territoire européen pendant cinq années, ils sont sûrs que ces sans papiers ne reviendront pas aussi vite. Ça n'est évidemment pas une solution. On est en train de criminaliser des gens qui au fond n'ont rien fait de répréhensible, si ce n'est fuir la misère de leur pays.

Que comptez-vous faire pour vous opposer à l'adoption du texte?
Nous organisons une manifestation à Paris le 14 juin pour protester contre ce projet de directive. Partout en Europe, des mouvements vont se mettre en place. En Espagne, en Italie, des manifestations sont prévues aussi. Nous ne laisserons pas passer un tel texte.



Sans-papiers: pour Hortefeux, la directive de l'UE ne changera pas la politique française

Les eurodéputés votent aujourd'hui la «directive retour», qualifiée de «directive de la honte» par les associations, un projet de loi controversé qui durcit les règles d'expulsion des sans-papiers.

AFP - LIBERATION.FR : mercredi 18 juin 2008

Le projet européen de directive "retour", sur l'expulsion des sans-papiers, a déjà été approuvé par les chefs de gouvernements. Il doit être voté aujourd'hui par le Parlement à Strasbourg. Mais Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration l'a promis, quelle que soit l'issue du vote, cette directive "ne changera en rien la politique protectrice, équilibrée, ferme et juste que le gouvernement mène en matière d'immigration".

Concernant l'un des points les plus controversés du projet de la directive "retour" qui vise à fixer à dix-huit mois la durée maximale de la rétention des étrangers, le ministre a déclaré, en réponse à Serge Letchimy (PPM, Martinique): "Pour la France, je vous l'indique très clairement, il n'est pas question de modifier la durée maximum qui est de 32 jours."

Sur le deuxième élément de la directive qui vise à interdire pendant 5 ans le retour dans le pays d'accueil à tout étranger en situation irrégulière qui en a été expulsé, Brice Hortefeux a indiqué "avoir négocié" avec ses collègues Jean-Pierre Jouyet (Affaires européennes) et Bernard Kouchner (Affaires étrangères). "Nous avons obtenu que cette durée puisse être diminuée voire supprimée. La France n'est pas favorable à des politiques de bannissement", a ajouté Brice Hortefeux.

Enfin, à propos d'une troisième disposition relative aux mineurs sans-papiers isolés, le ministre de l'Immigration a rappelé qu'en France "il n'est pas possible, et cela me parait juste, de les renvoyer dans le pays d'origine".

"En revanche, a-t-il aussi expliqué, un certain nombre de pays le pratiquent. Le projet de directive vise à atténuer cette possibilité en demandant des garanties. Mais là aussi, très concrètement, cela ne change rien pour la France."

Plus de réfugiés dans le monde, selon les statistiques annuelles de l'UNHCR

Le déplacement forcé augmente, selon les statistiques annuelles de l'UNHCR


LONDRES, 17 juin (UNHCR) – Le Haut Commissaire António Guterres est préoccupé par le nombre croissant de réfugiés après la publication d'une nouvelle étude globale faisant état de 11,4 millions de réfugiés et 26 millions de personnes déplacées internes à travers le monde fin 2007.

« Après une baisse du nombre de réfugiés pendant cinq ans, de 2001 à 2005, nous assistons à une augmentation pour la deuxième année consécutive ; c'est un sujet de préoccupation », a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres depuis Londres, où il a lancé une semaine d'activités pour célébrer la Journée mondiale du réfugié, le 20 juin.

« Nous sommes désormais confrontés à un mélange complexe de défis mondiaux qui pourraient engendrer un risque accru de déplacements forcés à l'avenir. Ces défis vont des urgences nouvelles et multiples liées à des conflits dans des points chauds de la planète, à la mauvaise gouvernance, en passant par la dégradation de l'environnement liée au climat qui renforce la compétition pour des ressources rares et par la très forte hausse des prix qui frappe avec une dureté particulière les pauvres et qui est source d'instabilité dans de nombreux endroits. »

Le rapport global 2007 indique que le nombre de réfugiés tombant sous la responsabilité de l'UNHCR est passé de 9,9 à 11,4 millions à la fin 2007. Selon l'Internal Displacement Monitoring Center, le nombre total de personnes déplacées internes en raison d'un conflit a augmenté de 24,4 à 26 millions. L'UNHCR fournit protection et assistance à 13,7 millions d'entre elles de manière directe ou indirecte – un chiffre en hausse par rapport aux 12,8 millions de 2006.

Le nombre de réfugiés et de déplacés internes dont s'occupe l'UNHCR a augmenté de 2,5 millions en 2007, pour atteindre le chiffre sans précédent de 25,1 millions à la fin de l'année. Les statistiques sont issues de plus de 150 pays.

Par ailleurs, le rapport énumère d'autres catégories de personnes relevant de la compétence de l'UNHCR, y compris les apatrides, les demandeurs d'asile, les réfugiés rapatriés, les déplacés rapatriés et d' « autres » personnes. Au total, il compte 31,7 millions de personnes relevant du mandat de l'UNHCR, à l'exclusion des 4,6 millions de réfugiés palestiniens aidés par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Le rapport annuel de l'UNHCR, intitulé « Tendances mondiales », distingue les réfugiés – les personnes qui traversent une frontière internationale pour échapper à la persécution et au conflit – et les personnes déplacées internes qui sont contraintes de quitter leur foyer mais restent déracinées à l'intérieur de leur propre pays. Quand l'UNHCR a commencé à travailler en 1951, son mandat était limité à la recherche de solutions pour les réfugiés de la planète. Toutefois, au cours des dernières décennies, l'agence s'est vu attribuer la tâche d'œuvrer, de concert avec d'autres agences onusiennes, en faveur du nombre croissant de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays en raison de conflits.

Parmi les réfugiés, le rapport note que les Afghans (environ trois millions, principalement au Pakistan et en Iran) et les Iraquiens (près de deux millions, principalement en Syrie et en Jordanie) représentent près de la moitié de tous les réfugiés placés sous le mandat de l'UNHCR dans le monde en 2007. Ils sont suivis par les Colombiens en situation apparentée à celle des réfugiés (552 000), les Soudanais (523 000) et les Somaliens (457 000). Le rapport indique aussi que l'essentiel de la hausse du nombre de réfugiés en 2007 a résulté de la situation instable en Iraq. Les principaux pays d'accueil des réfugiés en 2007 ont été le Pakistan, la Syrie, l'Iran, l'Allemagne et la Jordanie.

Concernant les déplacés internes, le rapport fait état de chiffres allant jusqu'à trois millions de personnes en Colombie (chiffre utilisé par la Cour constitutionnelle), 2,4 millions en Iraq, 1,3 million en République démocratique du Congo, 1,2 million en Ouganda et un million en Somalie. Au total, les statistiques couvrent 13,7 millions de déplacés internes dans 23 pays.

« En Iraq, avec les divisions sectaires et le manque de solution politique globale, le nombre de personnes déplacées internes a augmenté, passant de 1,8 million au début de l'année à près de 2,4 millions à la fin 2007 », peut-on lire dans le rapport. Il a fait aussi état d'autres augmentations ou de nouvelles situations de déplacement en Afghanistan, en République centrafricaine, au Tchad, au Sri Lanka et au Yémen.

Quelque 647 200 demandes individuelles d'asile ou du statut de réfugié ont été soumises aux gouvernements et aux bureaux de l'UNHCR dans 154 pays l'année dernière, soit une croissance de cinq pour cent et la première augmentation en quatre ans. Le rapport indique que l'augmentation peut d'abord être attribuée au plus grand nombre d'Iraquiens recherchant l'asile en Europe.

Par nationalité, les requérants d'asile sont iraquiens (52 000), somaliens (46 100), érythréens (36 000), colombiens (23 200), originaires de la Fédération de Russie (21 800), éthiopiens (21 600) et zimbabwéens (20 700). Les principaux pays de destination pour les demandes d'asile individuelles ont été les États-Unis, l'Afrique du Sud, la Suède, la France, le Royaume-Uni, le Canada et la Grèce.

Malgré l'augmentation du nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes, il n'y a pas eu que des mauvaises nouvelles. « L'objectif de l'UNHCR est de trouver des solutions durables pour les réfugiés », a dit António Guterres. « Ces solutions incluent le rapatriement volontaire une fois que les conditions dans le pays d'origine le permettent ; l'intégration dans les pays de premier asile ou la réinstallation dans un pays tiers. Nous pouvons rendre compte d'un certain progrès dans tous ces domaines en 2007, mais le chemin est encore long. »

Quelque 731 000 réfugiés ont pu rentrer chez eux dans le cadre de programmes de rapatriement volontaire en 2007, notamment en Afghanistan (374 000), au Sud-Soudan (130 700), en République démocratique du Congo (60 000), en Iraq (45 400) et au Libéria (44 400). De plus, environ 2,1 millions de personnes déplacées internes sont rentrées chez elles cette année.

Les demandes de réinstallation de réfugiés dans des pays tiers ont fortement augmenté en 2007, l'UNHCR ayant soumis pour examen les dossiers de 99 000 personnes aux gouvernements – soit le plus grand nombre en 15 ans et une augmentation de 83 pour cent par rapport à l'année précédente. Malgré cela, moins d'un pour cent des réfugiés dans le monde sont réinstallés par des pays tiers.

À la fin de l'année, 75 300 réfugiés avaient été admis par 14 pays de réinstallation, dont les États-Unis (48 300), le Canada (11 200), l'Australie (9 600), la Suède (1 800), la Norvège (1 100) et la Nouvelle-Zélande (740). Par nationalité, les principaux bénéficiaires de la réinstallation ont été des réfugiés originaires du Myanmar, du Burundi, de la Somalie, de l'Iraq, de la République démocratique du Congo et de l'Afghanistan.

L'année écoulée a aussi vu une baisse de quelque trois millions de personnes qui avaient été considérées comme apatrides, d'abord à cause d'une nouvelle législation au Népal qui a octroyé la citoyenneté à environ 2,6 millions de personnes, et suite à des changements survenus au Bangladesh. Environ 12 millions de personnes sont apatrides à travers le monde, mais davantage de données sont nécessaires.

Immigration européenne: la mort ou la prison


Paru le Mercredi 18 Juin 2008 dans Le Courrier
OLIVIER CHAVAZ

International Sur certains dossiers, les Vingt-Sept savent se serrer les coudes. Notamment en matière sécuritaire. Réuni à Strasbourg, le Parlement européen devrait ainsi adopter aujourd'hui un projet de directive concernant la rétention et l'expulsion des étrangers en situation irrégulière. Ce texte, déjà approuvé par les ministres de l'Intérieur de l'Union, vise à harmoniser les législations en vigueur dans les pays membres.
Dans les faits, il concrétise l'enfermement et le bannissement comme mode de gestion des flux migratoires «non choisis» à l'échelle du continent. Mobilisées depuis des mois, la plupart des organisations de défense des étrangers et des droits humains ont lancé un appel aux parlementaires pour qu'ils rejettent cette «directive de la honte».
Sur le plan technique, ce texte fixe la durée maximale de la rétention à dix-huit mois, y compris pour les mineurs. Détail navrant, l'un des motifs pouvant conduire un étranger à passer ce temps derrière les barreaux est le manque de coopération de... son pays d'origine pour accepter le retour. Certes, seuls les pays autorisant une période plus longue de détention devront obligatoirement adapter leur législation. Mais rien n'empêchera les Etats actuellement plus cléments d'en profiter pour durcir leur politique. Au contraire. On peut par exemple penser à la France qui, contrairement à ce qu'on pourrait croire, limite à un peu plus d'un mois (trente-deux jours) ces mesures. Jusqu'à quand?
Si la directive prescrit hypocritement que «l'éloignement» d'un sans-papiers s'effectue sur une base volontaire, elle montre son vrai visage en assortissant tout renvoi forcé d'une interdiction de territoire pour cinq ans. Inutile de préciser que cette véritable double peine s'appliquera elle aussi aux enfants et adolescents accompagnés. Quant aux rares garde-fous contenus dans ce texte, ils ont été obtenus au forceps. Plusieurs Etats, dont l'Allemagne, souhaitaient par exemple rendre facultatif l'octroi d'une assistance juridique aux personnes en voie d'expulsion. Raison invoquée: les coûts trop importants engendrés par cette protection minimale...
La future présidence française de l'Union européenne entend faire de l'unification des politiques d'immigration son thème prioritaire, en proposant l'élaboration d'un «pacte». Le processus butera peut-être sur des broutilles. Mais sur l'essentiel, les Vingt-Sept sont déjà d'accord: l'immigré n'est le bienvenu que si sa présence est utile à la bonne santé économique du continent. Celui qui cherche simplement un moyen de subsistance, une protection contre des persécutions ou qui fuit les guerres n'est qu'un indésirable. Inexorablement, la forteresse Europe se consolide.
Cette vision est d'autant plus inhumaine qu'elle ne dissuadera aucun être humain en détresse de tout tenter pour gagner le continent. En début de semaine encore, 150 Egyptiens en route pour l'Italie sont morts noyés au large de la Libye. En dix ans, quelque 10000 immigrants ont péri dans le seul canal de Sicile. La mort en chemin ou la prison à l'arrivée: telles sont les perspectives d'avenir des «clandestins».