Les criminels étrangers seront systématiquement renvoyés pour certains délits. L'initiative de l'UDC a été acceptée dimanche par 52,9% des votants. Le contre-projet du Parlement a quant à lui été repoussé par 54,2%.
Le Valais et Bâle-Ville mis à part, les résultats ont été marqués par une barrière de röstis. La campagne des moutons noirs et les millions dépensés par l'UDC ont porté leurs fruits. L'initiative, uniquement soutenue par la droite dure, a fait un carton en Suisse alémanique, alors que son rejet a dominé en Suisse romande. Plus de 1,398 millions de citoyens ont glissé un "oui" dans l'urne.
Contre-projet en échec
Pour contrer l'UDC, le centre-droit et une minorité du PS misaient sur un texte faisant dépendre le renvoi de la sévérité de la peine. Contrairement à l'initiative, le contre-projet insistait sur le respect des droits fondamentaux et contenait un volet sur l'intégration. Mais cette solution n'a pas convaincu. Elle a été rejetée par plus de 1,407 millions de votants et par tous les cantons. Soutien alémanique à l'initiative La Suisse s'est retrouvée coupée en deux.
La quasi-totalité des cantons alémaniques ont accepté l'initiative tout en rejetant le contre-projet. C'est le cas aussi du Valais, qui a dit oui de justesse au texte de l'UDC (51,8%) et non d'un cheveu (51,7%) au texte concocté par le Parlement.
Même résultats mais un peu plus marqués à Berne avec respectivement 53,7% de oui et 53,7% de non. L'initiative a engrangé ses meilleurs résultats à Schwyz (66,3%), Appenzell Rhodes-Intérieures (65,7%) ainsi qu'à Uri et au Tessin (61,3%) alors que Zurich ne l'accepte que du bout des lèvres (50,8%). Les plus forts "non" au contre-projet viennent aussi de petits cantons alémaniques: Schwyz (60,9%), Uri (60,2%) et Glaris (58,6%). Outre du Valais, les rejets les moins marqués au texte du Parlement proviennent de Zoug (50,6%) et Bâle-Campagne (51,8%).
Double "non" en Suisse romande
En Suisse romande, le double rejet, prôné par la gauche, est dominant. Le canton de Vaud a refusé l'initiative par 58,2% et le contre-projet par 57,4%. Idem pour Genève (55,7%/56,4%), le Jura (57,3%/54,3%), Fribourg (51,4%/52,4%) et Neuchâtel (56%/53,1%). Bâle-Ville (56,6%/52,1%) est le seul canton alémanique se rangeant dans le camp du double non.
L'initiative dresse une liste des motifs de renvoi: condamnation pour meurtre, pour viol ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, pour la traite d'êtres humains, pour le trafic de drogue ou pour une effraction, ainsi que pour la perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale.
Elle laisse le Parlement compléter ce catalogue. Mais ne prévoit aucune dérogation. Le texte de l'UDC précise que les étrangers expulsés sont frappés d'une interdiction d'entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans, voire 20 ans en cas de récidive.
ats/nr relayée par la TSR
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Criminels étrangers: Berne prend acte
Le Conseil fédéral va chercher à mettre en oeuvre l'initiative de l'UDC "pour le renvoi des étrangers criminels" sans enfreindre le droit international et la constitution, dans la mesure du possible, a déclaré dimanche Simonetta Sommaruga. De son côté, l'UDC n'est pas prête à faire des concessions. Les délits lourds doivent automatiquement conduire à une expulsion.
Un groupe de travail comprenant les initiants sera nommé avant Noël, a annoncé Simonetta Sommaruga. Pour sa première votation en tant que conseillère fédérale, Simonetta Sommaruga a encaissé une défaite. Minoritaire dans son parti, la socialiste avait prôné le soutien au contre-projet.
"Je respecte la volonté du peuple et vais exécuter le mandat qui m'a été confié", a déclaré la ministre de justice et police. Pour ce faire, la conseillère fédérale veut associer étroitement le comité d'initiative à la rédaction du message qui sera soumis au Parlement.
Mais les initiants devront tenir leur parole de mise en oeuvre mesurée et d'exclure de l'expulsion systématique les cas bénins, a averti Simonetta Sommaruga. Difficile à ce stade de dire si le résultat sera proche du contre-projet rejeté par le peuple et tous les cantons, a-t-elle précisé.
Le Conseil fédéral s'engagera en tout cas pour le respect de la constitution, des droits humains et de la tradition législative de la Suisse. Il reviendra au final au Parlement d'adopter la loi d'application de la disposition constitutionnelle.
Prendre au sérieux les peurs
Selon Simonetta Sommaruga, le résultat du scrutin est l'expression d'inquiétudes et de peurs qu'il faut prendre au sérieux. Mais outre les mesures répressives, il faut aussi miser sur la politique d'intégration. "La grande majorité des étrangers vivant en Suisse ne sont pas criminels et sont bien intégrés", a-t-elle insisté.
La ministre s'est par ailleurs dite incapable d'expliquer les raisons de l'issue du scrutin. L'initiative avait l'avantage d'être un projet très concret alors que le contre-projet était plus technique, jusque dans le titre, a-t-elle relevé. Il était difficile pour la population de distinguer les deux projets.
La conseillère fédérale s'est refusée à désigner des coupables. Elle a juste répété son grand étonnement devant le manque d'engagement d'economiesuisse dans la campagne, le texte de l'UDC pouvant être délicat en raison de l'accord de libre circulation avec l'Union européenne.
L'UDC reste déterminée
De son côté, l'UDC n'est pas prête à faire des concessions. Pour le conseiller national zurichois Ulrich Schlüer, l'heure n'est pas à la relativisation. Un examen au cas par cas est rejeté.
Les délits lourds doivent automatiquement conduire à une expulsion, a dit Ulrich Schlüer sur les ondes de radio DRS. Dans le cas d'infractions dites mineures, la loi doit également répondre à la volonté populaire. "Demandons aux victimes d'un cambriolage s'il s'agit de quelque chose de grave ou non".
La bataille et le travail ne font que commencer, a ajouté l'élu de l'UDC. Il ne voit pas de conflit avec le principe de la libre circulation des personnes. Celle-ci concerne les citoyens de l'Union européenne qui veulent travailler en Suisse. Elle ne s'applique par contre pas aux criminels.
Le conseiller national Adrian Amstutz (BE) entend également "placer la barre bas". Des lois sévères ont également un effet préventif, a-t-il dit à radio DRS. Chaque étranger doit savoir que s'il ne s'en tient pas aux règles, il doit retourner chez lui.
L'acceptation de l'initiative de l'UDC sur les étrangers criminels par 53% a suscité dimanche regrets et colère: partis, associations, Eglises demandent une mise en oeuvre du texte conforme aux droits humains.
Le PS critiqué
Les Verts appellent tous les partis "ayant conservé une once de raison" à lutter ensemble contre la politique discriminatoire de l'UDC."Le contre-projet tant vanté par le centre n'a malheureusement pas fait barrage à l'initiative. Bien au contraire, il a amené de l'eau au moulin des initiants", relève le parti écologiste, qui prônait le double non.
Pour Christian Levrat, président du PS, les partis du centre n'ont pas su expliquer à leur base pourquoi ils devaient préférer leur projet à l'initiative. Une critique rejetée par le comité bourgeois en faveur du contre-projet, refusé par 54% des votants. Pour Christa Markwalder (PLR/ BE), la victoire de l'initiative s'explique essentiellement par la position du PS, qualifié d'"assistant de l'UDC", qui en recommandant le double non a enlevé toute chance au contre-projet.
Le PBD et le PDC sont également déçus des organisations économiques qui ne se sont pas assez investies dans cette campagne.
Une "journée noire"
Le ton est nettement plus incisif du côté des associations de défense des migrants. Pour l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et Second@s Plus, le vote de dimanche montre que les étrangers sont fondamentalement indésirables et suspects en Suisse. "C'est une journée noire pour les droits humains en Suisse", estime Amnesty International.
Les Eglises exigent quant à elles que les autorités fédérales et cantonales s'efforcent désormais de trouver une application pour ce texte conforme aux droits de l'homme et à la constitution. Il importe que "la Suisse reste un Etat de droit fiable".
Une discussion législative qui promet d'être ardue, redoutent les cantons qui appliquent au final la politique migratoire. "Nous attendons du Conseil fédéral qu'il établisse une liste raisonnable de délits", déclare Roger Schneeberger, secrétaire général de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police.
ATS relayée par la TSR