mercredi 22 août 2012

«La loi sur la nationalité est trop stricte»

La Commission pour les questions de migration estime que la nouvelle loi va entraîner une baisse de 10%des naturalisations.

La Suisse, bonnet d’âne de la naturalisation? C’était vrai il y a longtemps. Ça ne l’est depuis près de 20 ans où on assiste à une explosion des naturalisations dans le pays. 550 000 étrangers ont décroché le passeport rouge à croix blanche depuis 1992. La Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), qui a présenté hier une vaste étude sur la question, s’en réjouit. Mais elle tire immédiatement la sonnette d’alarme. La nouvelle loi sur la nationalité, qui passera devant le parlement avant la fin de l’année, va donner un coup d’arrêt à cette tendance. Et les naturalisations pourraient baisser de 10%.

Avant la loi de 1992, qui a permis aux étrangers de ne plus devoir renoncer à leur passeport d’origine pour devenir Suisse, notre pays naturalisait 8000 personnes par année selon la procédure ordinaire. Aujourd’hui, on en est à 35 000, sans compter les naturalisations facilitées. «C’est autant, sinon plus, que dans l’Union européenne», commente Philippe Wanner, professeur à l’Université de Genève et un des auteurs de l’étude. «En tout, nous comptons 700 000 naturalisés, soit un Suisse sur neuf. Sans la naturalisation, nous aurions 31% d’étrangers.»

Selon l’étude, le pic de la naturalisation a été atteint en 2006 (47 711). Depuis, les demandes reculent. Cela est principalement dû au fait que la vague migratoire des Balkans a été absorbée. Pour le professeur Wanner, la nouvelle loi sur la nationalité en discussion à Berne va accentuer ce recul. Pourquoi? Parce que seuls les détenteurs de permis C pourront déposer une demande. Exit les permis B (permis de travail limité), L (courte durée de séjour), N (en procédure d’asile) ou F (au bénéfice d’une admission provisoire).

Processus trop lourd

Combien de naturalisations en moins avec cette restriction aux seuls permis C? Environ 5000, estime l’étude. Celle-ci relève néanmoins que la réduction du temps de résidence en Suisse (8 ans au lieu de 12) entraînera, elle, une hausse des naturalisations de 1500. En tout, il faut donc s’attendre à une diminution globale de 3500, soit 10% de naturalisations en moins. Walter Leimgruber, le président de la CFM, estime que cela ne va pas. «L’octroi du passeport suisse ne doit pas se faire en fonction du titre de séjour des gens. En réservant la naturalisation aux seuls permis C, la loi sur la nationalité est trop restrictive.» Il demande aussi que les naturalisations se fassent sur des critères objectifs partout en Suisse. Il plaide pour une professionnalisation du processus car ce dernier est trop lourd pour une petite commune. Ce qui entraîne un temps d’attente jusqu’à trois ans.

Puis, le président de la CFM se met à rêver tout haut. Son idéal serait que les naturalisations ne dépendent que d’une autorité, que le processus soit transparent et simple, et qu’enfin il contienne un mécanisme pour une naturalisation automatique. Un rêve pour lui et un cauchemar pour l’UDC qui réclame au contraire une naturalisation moins «laxiste».

Arthur Grosjean, Berne, dans 24 Heures  

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