mercredi 27 septembre 2006
Ca sent très mauvais
«La Suisse pue le renfermé», annoncions nous en affiche du Courrier au lendemain des votations de dimanche. Quelques personnes s''en sont offusquées, dénonçant notre propension à l''exagération. Nous aimerions pouvoir leur donner raison.
Force est pourtant de constater que l''atmosphère devient de plus en plus irrespirable. La manière dont l''UDC fanfaronne au lendemain de sa victoire en s''adonnant à la surenchère xénophobe dans une quasi-indifférence générale a de quoi faire froid dans le dos.
Dès dimanche soir, le parti blochérien diffusait ainsi un communiqué de presse prévenant que l''acceptation des lois sur l''asile et les étrangers ne suffirait pas: «Les nombreux problèmes que pose la proportion élevée d''étrangers en Suisse ne sont pas résolus pour autant, beaucoup s''en faut.» Parmi les «problèmes» encore à régler, l''UDC citait «l''explosion» du nombre de naturalisations et la nécessité de «mettre fin aux tentatives d''éluder ou de violer nos principes sociaux, culturels et chrétiens».
Mais comme si cela ne suffisait pas, le parti a jugé nécessaire, dès le lendemain, de préciser la cible par un éditorial diffusé par son service de presse, et signé de son porte-parole Roman S. Jäggi. Le nouvel ennemi, ce sont les musulmans, les «divergences insurmontables entre notre mode de vie démocratique et chrétien (...) et l''islam». Et les nouveaux abus à traquer, ce sont, en vrac, les filles interdites de cours de natation pour motifs religieux ou ces minarets pour lesquels les demandes de permis de construire «se multiplient comme les champignons après la pluie».
Une prolifération que l''éditorialiste de l''UDC ne se donne pas la peine d''étayer statistiquement. Il faut dire qu''en menant récemment campagne, en Suisse alémanique, contre quelques minarets qui ont su s''offrir la une des médias, le parti avait soigneusement préparé le terrain.
L''UDC travaille visiblement depuis de longs mois à l''après-24 septembre. Alors que radicaux et démocrates-chrétiens, s''ils se sont volontiers prêtés à son discours fascisant, semblent aujourd''hui pris de court. Les gesticulations de leurs dirigeants, qui prétendent désormais vouloir jouer la carte de l''intégration, feraient sourire si le sujet n''était si grave. D''autant que les récentes déclarations d''un très catholique conseiller fédéral valaisan soutenant les propos du pape sur l''islam viennent brouiller le message. Tout comme celles de son coreligionnaire Christophe Darbellay, président du PDC, qui expliquait hier aux lecteurs du Matin sa volonté de «lancer un débat national» sur les valeurs défendues par les Suisses, la politique ne pouvant «pas faire l''impasse sur la problématique de l''islam».
Mais rassurons-nous. Les musulmans ne sont pas les seuls cibles de l''UDC. Roman S. Jäggi, dans sa détermination à aider le peuple à «prendre les choses en main», cite aussi notamment «le financement de l''AI ou le minage sournois de l''armée». Au rythme où brunit ce pays, nous pourrons bientôt tous plier bagages.
Les Suisses ferment leur porte aux étrangers
Les Suisses ont voté à une très large majorité en faveur d'une nouvelle loi plus restrictive sur l'immigration et le droit d'asile.(Photo : AFP)
L’ensemble de la presse suisse s’est déclarée impressionnée lundi par l’ampleur de la mobilisation lors du double référendum portant sur le statut juridique des étrangers hors Union européenne (UE) et pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Le nouveau texte de loi qui donne un tour de vis sur l’asile et l’immigration -proposé par la droite populiste et déjà approuvé par le parlement- a été massivement approuvé par 68% des Suisses. En 2002, le peuple rejetait de justesse une initiative de l’Union démocratique du centre (UDC) nettement moins restrictive que la nouvelle loi sur l’asile en faveur de laquelle il s’est prononcé. Aujourd’hui même Genève, un canton pourtant réputé ouvert, a accepté les deux lois plus coercitives.
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Augmentation des demandes d'asile en août
Les personnes en phase de renvoi étaient moins nombreuses en août (8849) qu'en juillet (9109). Parmi elles, 6122 faisaient l'objet d'une démarche visant à leur procurer des papiers d'identité, soit une baisse de 1,9% par rapport au mois précédent, a indiqué l'Office fédéral des migrations (ODM). Au total, 45'307 migrants étaient impliqués dans le processus d'asile à la fin du mois d'août 2006. Cela représente une baisse de 278 personnes en un mois.
Comme au cours des derniers mois, la Serbie et Monténégro arrive en tête des pays de provenance des demandeurs d'asile (114 nouvelles demandes, + 40). La Turquie arrive en seconde position (74 demandes, + 23) puis l'Irak (58 demandes, -2).
L'Erythrée figure en quatrième position des pays les plus représentés (57 demandes, + 13). La dégradation de la situation dans ce pays explique la hausse de l'octroi de l'asile, a ajouté l'ODM.
Durant le mois d'août, 829 décisions ont été rendues en première instance, 162 de moins qu'en juillet. 192 personnes se sont vues octroyer l'asile, soit un taux d'acceptation de 26,9% sur les 713 décisions effectives (positives, négatives et de non-entrée en matière).
Ce taux élevé d'acceptation s'explique par l'octroi de l'asile à certaines nationalités, a précisé l'ODM. C'est ainsi que 69 décisions positives ont été rendues pour des ressortissants érythréens et 51 pour des ressortissants turcs.
L'image de la Suisse
Réactions des lecteurs
Pas vraiment, c’est plutôt une confirmation. Le point positif de ces votations est que le souverain a osé exprimer son ressenti sans se préoccuper de l’image de la Suisse à l’extérieur. Le résultat peut nous inciter à rechercher d’autres solutions, adaptées aux situations des requérants dans leurs propres pays. MYRIAM BELAKOVSKY PRILLY
Non, car la position de la Suisse fera vraisemblablement école dans l’Union européenne et spécialement à Bruxelles. MARCEL LAPPERT LAUSANNE
La Suisse qui rejette ceux qui souffrent, ceux qui sont traqués, qui n’ont plus de maison, plus de travail, tous ceux qu’on ne veut pas accueillir parce qu’ils ne sont pas riches, célèbres ou post-gradués, cette Suisse-là ternit encore un peu plus son image et me fait honte. Quel bel exemple d’humanité nous donnons là à nos enfants… J’espère qu’ils feront mieux que nous, lorsqu’ils seront des décideurs, ou qu’ils auront la sagesse d’aller vivre ailleurs s’ils trouvent un pays qui veut bien les accepter. NATHALIE CHATELAIN MORGES
Peu importe l’image qu’ils ont de nous. Que ceux qui nous critiquent balaient devant leur porte. SYLVAIN MICHOUD CHOËX (VS)
Je suis actuellement en Afrique et l’image de la Suisse devient pire que celle de la France. Je ne comprends pas pourquoi mon pays en arrive à voter ainsi. MARTIAL POUSAZ VILLARS
Je suis une Française en vacances. Si un tel référendum pouvait avoir lieu en France, le résultat serait au moins égal sinon plus élevé. Alors l’image de la Suisse modifiée? Bien sûr que non, au contraire. EDWIGE JOLIOT MONTREUX
Bien évidemment! Burki l’illustre excellemment. La Suisse, ce n’est plus le Cervin, Chillon ou le Grütli, même plus les coucous chers à Orson Welles, c’est hélas Blocher et sa vache. Les médias étrangers l’ont répété: la Suisse a le régime le plus sévère d’Europe. Nous sommes condamnés à passer nos vacances ici, car il ne ferait pas bon être «étranger» hors frontières. DANIEL PACHE MORGES