lundi 29 décembre 2008

Eglise toujours occupée par des sans-papiers


Quelque 150 sans-papiers occupent toujours la Predigerkirche à Zurich.


Quelque 150 sans-papiers occupent la Predigerkirche depuis le 19 décembre. (Photo: Keystone)

Lundi, ils ont renouvelé leurs revendications et annoncé de nouvelles actions et une manifestation.

«Nous sommes ici, nous restons ici, nous voulons une solution», a déclaré lundi à la presse Michael Stegmaier, représentant du collectif qui soutient les occupants. Les sans-papiers attendent une proposition du gouvernement.

Si les sans-papiers occupent l'église, c'est de la faute du gouvernement, a encore indiqué M. Stegmaier. Après l'occupation de l'église du Grossmünster à Zurich il y a un an, plus personne ne s'est occupé d'eux.

Pour le collectif, le conseiller d'Etat Hans Hollenstein devrait venir dans l'église. A l'inverse, le gouvernement zurichois refuse de rencontrer les sans-papiers tant qu'ils occupent le bâtiment, a précisé Ruedi Reich, représentant de l'Eglise réformée.

Pas d'ultimatum

Aucun ultimatum n'a été adressé aux sans-papiers pour qu'ils quittent les lieux. Mais l'Eglise réformée veut éviter une escalade et estime que le bâtiment ne peut pas être occupé indéfiniment, selon M. Reich.

Quelque 150 sans-papiers occupent la Predigerkirche depuis le 19 décembre. Les occupants et le collectif de soutien veulent attirer l'attention sur la situation précaire des sans-papiers. Ils revendiquent une pratique plus humaine pour les cas de rigueur.

Le conseiller d'Etat Hans Hollenstein veut rencontrer une délégation des sans-papiers le 5 janvier à condition qu'ils mettent fin à l'occupation de l'église. Si l'occupation se poursuit, il ne rencontrera que des représentants ecclésiastique

Battue par son mari, elle sera expulsée pour avoir osé divorcer


PERMIS DE SÉJOUR | Genet*, jeune femme d’origine éthiopienne, a subi des violences conjugales durant quatre ans. Quand elle s’est séparée de son époux, les autorités lui ont retiré son permis B. Elle dénonce l’«injustice» subie par les femmes migrantes en Suisse.



© CHRISTIAN BRUN | Genet a été battue et insultée par son mari pendant quatre ans. Son avocat lui conseillait de «serrer les dents» pour ne pas perdre son permis de séjour. Selon elle, des dizaines de femmes immigrées vivent un cauchemar similaire.

NADINE HALTINER | 29.12.2008 | 00:02

Un silence. Un long silence mêlé à un soupçon de méfiance. Dans son appartement d’une petite commune vaudoise, Genet peine à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu. La jeune femme, d’origine éthiopienne, préfère farfouiller dans une pile de documents pour montrer son passé plutôt que de devoir le raconter.

«Voilà! s’écrie-t-elle soudain. Ça, ce sont les messages de menace que m’envoyait mon mari. Et là, c’est la lettre du canton de Vaud, qui me dit que mon permis B ne sera pas renouvelé à la suite de notre séparation.» Ces quelques pages ont bouleversé la vie de Genet. Aujourd’hui, elles font office de béquilles à son récit. Le récit d’une femme de 28 ans battue par son mari durant quatre ans, puis sommée de quitter la Suisse pour avoir divorcé. «Ce n’est que mon histoire, confie-t-elle. Mais je veux la raconter parce qu’elle révèle ce que vivent des dizaines d’autres femmes immigrées.»

Genet a fui l’Ethiopie en 2000. «Là-bas, j’étais persécutée à cause des origines érythréennes de mon père», explique-t-elle. A son arrivée en Suisse, elle dépose une demande d’asile. «Quelques mois plus tard, j’ai rencontré mon futur époux, détenteur d’un permis C (ndlr: permis d’établissement à durée indéterminée). Je me souviens bien de ce jour, raconte-t-elle en souriant. C’était à Saint-Gingolph. Il pleuvait fort. J’ai raté le bus, et me suis réfugiée dans un café. Il était assis là, gentil et poli… Après trois mois, nous vivions ensemble.»

Agressée au couteau

En 2001, ils se marient. Genet obtient un permis B, dit «de regroupement familial» (renouvelable chaque année, tant que dure l’union). «L’Office fédéral des migrations (ODM) m’a alors incitée plusieurs fois à retirer ma demande d’asile.» Ce qu’elle finit par faire, pensant que son permis serait, comme son mariage, «pour la vie».

Pourtant, l’idylle se transforme en enfer. «Il y a d’abord eu des insultes, raconte-t-elle. Puis les coups.» Son calvaire dure quatre ans. Quatre ans durant lesquels son avocat lui conseille de «serrer les dents». Car, selon la loi sur les étrangers, Genet risque de perdre son permis de séjour si elle quitte le foyer conjugal.

«Mais un jour, mon mari m’a agressée avec un couteau. J’ai cru que j’allais mourir et j’ai appelé la police.» Les gendarmes l’incitent à quitter le domicile conjugal et à porter plainte. La jeune femme s’exécute en 2005. Mais si elle ose s’en aller, elle finira par retirer sa plainte, sous les violentes menaces de son époux.

Un collectif lance une pétition de soutien
Le 30 mai 2005, le couperet tombe: le canton de Vaud ne renouvelle pas son permis B, estimant que «le but du séjour est atteint» (sic!). En 2006, le Tribunal administratif confirme la décision. Et, en juillet 2007, l’ODM lui signifie son renvoi. «C’est comme si on me punissait d’avoir quitté mon mari, s’insurge Genet. Alors que ce sont les autorités fédérales qui ont fait pression pour que je laisse tomber ma demande d’asile. Avant, j’avais une vie, un travail. Maintenant, on veut me renvoyer dans un pays où je risque ma vie.»

Dernier recours pour Genet, la voie politique. Une pétition en sa faveur a été lancée la semaine dernière par le collectif féministe antiraciste Sorcières en colère. Elle demande que son cas soit réexaminé à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers (Letr), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Celle-ci intègre en effet un article sur les violences conjugales (lire ci-contre).

*Nom connu de la rédaction.



Les espoirs de la nouvelle loi? «Du vent!»

«Le cas de Genet est emblématique de ceux que nous rencontrons au quotidien.» Elisabeth Rod-Granger, coordinatrice de Solidarité femmes, à Genève, n’est pas surprise par ce témoignage. Elle qui travaille «sur le terrain» souligne «le paradoxe» d’une loi qui demande de choisir entre la violence conjugale et le permis de séjour.

«Cependant, tempère-t-elle, la nouvelle loi sur les étrangers, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a introduit un article qui prend en compte les situations de violences conjugales en cas de divorce.» Selon cet article, le permis B peut être prolongé au-delà du divorce dans deux cas: si l’union conjugale a duré au moins trois ans et que l’intégration est réussie, ou s’il existe des raisons personnelles majeures à la séparation – comme lorsque le conjoint est victime de violences conjugales et que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise. Pour le collectif S orcières en colère, Genet remplit les conditions de ce nouvel article et devrait aujourd’hui pouvoir obtenir un permis.

Seulement voilà, plusieurs associations dénoncent un article qui reste peu appliqué. «En tout cas, je ne connais aucun cas où il a été utilisé pour justifier un renouvellement de permis», note Elisabeth Rod-Granger. Du côté de l’ODM, il n’existe aucune donnée statistique, faute de recul. L’office renvoie aux cantons. Sur Vaud, seules trois femmes ont reçu un permis de séjour à la suite d’un divorce pour cause de violences conjugales.
«Le problème, c’est que cet article se base sur des critères qui dépendent de l’appréciation de l’administration, note Ludovic Favre, intervenant au Centre de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) à Genève. Comment évaluer le degré d’intégration d’une personne et la possibilité d’un retour dans le pays d’origine? C’est subjectif, voire aléatoire.»

«L’intégration n’est pas le plus gros problème, répond Denis Pittet, porte-parole du Département vaudois de l’intérieur. Si la personne a un travail et des dettes «raisonnables», cela suffit généralement. En revanche, il faut aussi pouvoir prouver les violences conjugales, soit avec un certificat médical ou une plainte pénale ayant abouti.» Or, «peu de femmes osent aller jusque-là», observe Elisabeth Rod-Granger. Pour elle, «cette loi a créé beaucoup d’espoirs, mais après une année d’application, on se rend compte qu’elle a été introduite pour calmer les revendications des femmes élues à Berne. Résultat: c’est du vent!» N. H.

Expulsée pour avoir osé divorcer

Genet*, jeune femme d’origine éthiopienne, a subi des violences conjugales durant quatre ans. Quand elle s’est séparée de son époux, les autorités lui ont retiré son permis B. Elle dénonce l’«injustice» subie par les femmes migrantes en Suisse. Un article de Nadine Haltiner dans 24 Heures.
Un silence. Un long si­lence mêlé à un soupçon de méfiance. Dans son appartement d’une petite com­mune vaudoise, Genet peine à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu. La jeune femme, d’origine éthiopienne, préfère farfouiller dans une pile de documents pour montrer son passé plutôt que de devoir le raconter.
«Voilà! s’écrie-t-elle soudain. Ça, ce sont les messages de me­nace que m’envoyait mon mari. Et là, c’est la lettre du canton de Vaud qui me dit que mon permis B ne sera pas renouvelé à la suite de notre séparation.» Ces quel­ques pages ont bouleversé la vie de Genet. Aujourd’hui, elles font office de béquille à son récit. Le récit d’une femme de 28 ans battue par son mari durant qua­tre ans, puis sommée de quitter la Suisse pour avoir divorcé. «Ce n’est que mon histoire, confie­t- elle. Mais je veux la raconter parce qu’elle révèle ce que vivent des dizaines d’autres femmes im­migrées. » Genet a fui l’Ethiopie en 2000. «Là-bas, j’étais persécutée à cause des origines érythréennes de mon père», explique-t-elle. A son arrivée en Suisse, elle dépose une demande d’asile. «Quelques mois plus tard, j’ai rencontré mon futur époux, détenteur d’un permis C ( ndlr: permis d’établis­sement à durée indéterminée). Je me souviens bien de ce jour, raconte-t-elle en souriant. C’était à Saint-Gingolph. Il pleuvait fort. J’ai raté le bus, et me suis réfu­giée dans un café. Il était assis là, gentil et poli… Après trois mois, nous vivions ensemble.»
Agressée au couteau

En 2001, ils se marient. Genet obtient un permis B, dit «de regroupement familial» (renou­velable chaque année, tant que dure l’union). «L’Office fédéral des migrations (ODM) m’a alors incitée plusieurs fois à retirer ma demande d’asile.» Ce qu’elle finit par faire, pensant que son per­mis serait, comme son mariage, «pour la vie».
Pourtant, l’idylle se trans­forme en enfer. «Il y a d’abord eu des insultes, raconte-t-elle. Puis les coups.» Son calvaire dure quatre ans. Quatre ans durant lesquels son avocat lui conseille de «serrer les dents». Car, selon la loi sur les étrangers, Genet risque de perdre son permis de séjour si elle quitte le foyer con­jugal.
«Mais, un jour, mon mari m’a agressée avec un couteau. J’ai cru que j’allais mourir et j’ai appelé la police.» Les gendarmes l’incitent à quitter le domicile conjugal et à porter plainte. La jeune femme s’exécute en 2005. Mais, si elle ose s’en aller, elle finira par retirer sa plainte, sous les violentes menaces de son époux.
Un collectif lance une pétition de soutien

Le 30 mai 2005, le couperet tombe: le canton de Vaud ne renouvelle pas son permis B, estimant que «le but du séjour est atteint» (sic!). En 2006, le Tribunal administratif confirme la décision. Et, en juillet 2007, l’ODM lui signifie son renvoi. «C’est comme si on me punissait d’avoir quitté mon mari, s’in­surge Genet. Alors que ce sont les autorités fédérales qui ont fait pression pour que je laisse tom­ber ma demande d’asile. Avant, j’avais une vie, un travail. Mainte­nant, on veut me renvoyer dans un pays où je risque ma vie.» Dernier recours pour Genet, la voie politique. Une pétition en sa faveur a été lancée la semaine dernière par le collectif féministe antiraciste Sorcières en colère. Elle demande que son cas soit réexaminé à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers (Letr), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Celle-ci intègre en effet un article sur les violen­ces conjugales ( lire ci-dessous).

Genet a été battue et insultée par son mari pendant 4 ans.

Genet a été battue et insultée par son mari pendant quatre ans. Son avocat lui conseillait de «serrer les dents» pour ne pas perdre son permis de séjour. Selon elle, des dizaines de femmes immigrées vivent un cauchemar similaire. CANTON DE VAUD, LE 22 DÉCEMBRE 2008, photo Christian Brun.

Les espoirs de la nouvelle loi? «Du vent!»

«Le cas de Genet est embléma­tique de ceux que nous rencon­trons au quotidien.» Elisabeth Rod-Granger, coordinatrice de Solidarité femmes, à Genève, n’est pas surprise par ce témoi­gnage. Elle qui travaille «sur le terrain» souligne «le para­doxe » d’une loi qui demande de choisir entre la violence conjugale et le permis de séjour.
«Cependant, tempère-t-elle, la nouvelle loi sur les étran­gers, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a introduit un article qui prend en compte les situations de violences conju­gales en cas de divorce.» Selon cet article, le permis B peut être prolongé au-delà du di­vorce dans deux cas: si l’union conjugale a duré au moins trois ans et que l’intégration est réussie, ou s’il existe des raisons personnelles majeures à la séparation – comme lors­que le conjoint est victime de violences conjugales et que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise. Pour le collectif Sorcières en colère, Genet remplit les conditions de ce nouvel article et devrait aujourd’hui pouvoir obtenir un permis.
Seulement voilà, plusieurs associations dénoncent un article qui reste peu appliqué.
«En tout cas, je ne connais aucun cas où il a été utilisé pour justifier un renouvelle­ment de permis», note Elisa­beth Rod-Granger. Du côté de l’ODM, il n’existe aucune don­née statistique, faute de recul.
L’office renvoie aux cantons.
Sur Vaud, seules trois femmes ont reçu un permis de séjour à la suite d’un divorce pour cause de violences conjugales.
«Le problème, c’est que cet article se base sur des critères qui dépendent de l’apprécia­tion de l’administration, note Ludovic Favre, intervenant au Centre de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infrac­tions (LAVI), à Genève. Com­ment évaluer le degré d’inté­gration d’une personne et la possibilité d’un retour dans le pays d’origine? C’est subjectif, voire aléatoire.» «L’intégration n’est pas le plus gros problème, répond Denis Pittet, porte-parole du Département vaudois de l’inté­rieur. Si la personne a un travail et des dettes «raisonna­bles », cela suffit généralement.
En revanche, il faut aussi pouvoir prouver les violences conjugales, soit avec un certifi­cat médical ou une plainte pénale ayant abouti.» Or «peu de femmes osent aller jus­que- là», observe Elisabeth Rod-Granger. Pour elle, «cette loi a créé beaucoup d’espoirs, mais, après une année d’appli­cation, on se rend compte qu’elle a été introduite pour calmer les revendications des femmes élues à Berne. Résul­tat: c’est du vent!» N. H.