jeudi 8 juillet 2010

Quinze ans après la guerre, la Bosnie attend toujours le retour des déplacés

Signés en 1995, les accords de paix de Dayton engagent les deux entités politiques de Bosnie-Herzégovine - la République serbe et la Fédération croato-musulmane – à faciliter le retour des 2.2 millions de personnes déplacées à cause de la guerre. Quinze ans plus tard, un nouveau projet censé favoriser le retour de dizaines de milliers d'entre-elles vient d'être adopté, mais son application est compromise par l'impasse institutionnelle et politique. Un article signé Fabien Offner dans Libération.

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Zerina Music est en France depuis dix-huit ans, Française depuis dix ans, mais se dit «toujours perdue». «Il y a des jours où j'ai envie de repartir, mais c'est difficile de tout plaquer après tout ce temps et avec un enfant né ici», pense tout haut la Bosnienne. Jogging noir et baskets blanches, les yeux invisibles derrière de grandes lunettes noires façon "mouche", on s'imagine mal la trentenaire aux airs de touriste italienne à son arrivée à Paris en 1992, en provenance de Sarajevo assiégée.

Comme elle, 2.2 millions de personnes ont fui entre 1992 et 1995 une Bosnie saignée par les conflits entre Croates catholiques, Bosniaques musulmans et Serbes orthodoxes. En 2010, 110.000 personnes sont encore déplacées à l'intérieur du pays, et 500.000 réfugiées à l'étranger. Plutôt privilégiée parmi ces déracinés, Zerina, désormais ex-réfugiée, se rend chaque été dans sa maison de vacances bosnienne, même si la crainte d'un nouveau conflit la retient de s'y réinstaller définitivement.

«Quand j'y vais j'ai l'impression que tout le monde vit bien ensemble, mais les informations que je lis ici me font peur», témoigne-t-elle. En octobre, à l'occasion des premières élections présidentielles et législatives post-guerre organisées par les autorités locales, sa voix ira au parti social-démocrate, l'un des rares à ne pas afficher des positions nationalistes.

47.000 familles demandent à regagner leurs foyers

La question du retour des déplacés aura probablement sa place dans la campagne électorale puisque quinze ans après les accords de paix de Dayton, qui prévoient ce retour, 47.000 familles demandent toujours à regagner leurs foyers. Des retours freinés par les obstacles économiques, institutionnels et politiques.

500 millions d'euros sont nécessaires à la réinstallation de ces familles, selon les autorités bosniennes, qui estiment qu'elles devront en emprunter 200. Cet argent est destiné à financer la "Stratégie révisée", un programme politique adopté le 24 juin dernier, qui complète la précédente "Stratégie" ainsi qu'une loi votée en 2003. Il définit «10 points clé pour lesquels des efforts additionnels sont nécessaires, afin de clore le chapitre des déplacés en Bosnie-Herzégovine», explique Aida Prljaca, porte-parole de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés à Sarajevo (UNHCR).

Parmi ces priorités: la reconstruction des habitations, la mise en place d'une protection sociale et d'une assurance maladie, le droit au travail et à l'éducation. «Avec ces moyens, il serait possible de régler d'ici à 2014 le problème de ces 150.000 personnes», a déclaré début juin Safet Halilovic, ministre des Réfugiés du gouvernement central.

«Puzzle institutionnel»

Si le retour des déplacés constitue l'un des rares consensus entre partis politiques bosniens, «la mise en application de la nouvelle Stratégie risque d'être problématique», observe un diplomate de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) depuis Sarajevo. «Dayton a créé un puzzle institutionnel», analyse le diplomate, pour qui «la réforme de la Constitution est une nécessité pour accroître les pouvoirs de l'Etat central, et permettre ainsi une meilleure application des législations». Sans compter que «ce document n'a pas force de loi, et qu'il n'en découle aucune contrainte légale pour les municipalités et les cantons», précise-t-il.

L'aide au retour est d'autant plus délicate qu'aucun recensement de population n'a été mené depuis 1991, alors que la répartition géographique des trois communautés n'est plus la même qu'avant guerre. Ce qui rendrait une réinstallation massive mal préparée potentiellement conflictuelle. Surtout, cette absence de données démographiques empêche de connaître le destin des déplacés déjà revenus. «Près d'un million de personnes ont déjà exercé leur droit au retour, rapporte Aida Prljaca, mais nous ne savons pas combien d'entre eux sont demeurés sur leur lieu de retour, du fait des problèmes d'emploi, de sécurité sociale et de scolarisation.»

«Quinze ans après la fin de la guerre on se pose toujours les mêmes questions, résume Zerina. Les politiciens ne font rien pour améliorer la situation, dénonce-t-elle. La République serbe veut vivre seule, et une partie des Croates veulent créer une troisième entité. C'est quand même triste car quoi qu'il se passe, on est destiné à vivre ensemble.»

L’administration Obama s’oppose à la loi anti-immigration de l’Arizona

Quelques jours après le discours présidentiel appelant à une réforme de la politique d’immigration américaine, l’Etat fédéral porte plainte contre une loi controversée en Arizona autorisant l’interpellation de tout étranger soupçonné d’être clandestin.

L’administration américaine a contesté mardi devant la justice la loi controversée sur l’immigration de l’Arizona, Etat du sud-ouest des Etats-Unis frontalier avec le Mexique, estimant que la politique d’immigration est une prérogative de l’Etat fédéral.

«Même si les Etats peuvent exercer leur pouvoir politique de manière à ce qu’ils aient une influence directe ou indirecte sur les étrangers, un Etat ne peut pas établir de son propre fait une politique de l’immigration», affirme la plainte déposée mardi par le ministère de la Justice. «La constitution et la loi fédérale sur l’immigration n’autorisent pas le développement d’un patchwork de politiques locales de l’immigration à travers le pays», poursuit la plainte.

La loi sur l’immigration en Arizona, adoptée en avril, doit entrer en vigueur le 29 juillet. Elle permet aux policiers d’interpeller tout étranger soupçonné d’être un immigré clandestin. Jusqu’alors, il fallait qu’il ait commis une infraction.

Selon l’institut Pew Hispanic Center, un centre de réflexion, l’Arizona compte environ deux millions de personnes d’origine hispanique, dont 460’000 n’ont pas de papiers.

John McCain et Jon Kyl, les deux sénateurs de l’Arizona ont réagi mardi dans un communiqué à l’action en justice du gouvernement fédéral: «Le peuple américain doit se demander si l’administration Obama est vraiment décidée à sécuriser la frontière lorsqu’elle poursuit un Etat qui cherche simplement à protéger ses habitants en faisant respecter une loi sur l’immigration».

L’initiative du gouvernement intervient quelques jours après un discours du président Barack Obama appelant à une vaste réforme de la politique d’immigration américaine, qu’il a jugée «en panne».

Les associations de défense des libertés civiles ont salué le geste de l’administration Obama. Lucas Guttentag, chargé des droits des immigrés au sein de la puissante ACLU, a estimé dans un communiqué que cette initiative «coupe l’herbe sous le pied d’autres Etats (fédérés, ndlr) qui seraient tentés d’imiter l’approche mal avisée de l’Arizona».

Plus démonstratifs, une quinzaine de militants originaires d’Arizona et opposés à la loi ont entamé une veillée de 24 heures mardi devant la Maison-Blanche. «L’Arizona est là pour demander au gouvernement d’opposer son veto à la loi SB 1070 (l’appellation officielle du texte)», a expliqué, un crucifix en main, Rosa Maria Soto à l’AFP.

Selon un récent sondage, quelque 62% des Américains approuvent la loi en question.

AFP relayé par le Temps

Voile intégral: prohiber “la dissimulation du visage”

Jean-François Copé a créé la surprise, mercredi 7 juillet, en annonçant, face aux craintes récurrentes de la gauche sur la constitutionnalité d'une interdiction générale du voile intégral, la saisine du Conseil constitutionnel, un pari risqué mais qui vise à légitimer la démarche.

"Je souhaite que la loi votée soit, avant sa promulgation, soumise au Conseil constitutionnel afin que son application ne puisse être contestée", a déclaré le patron des députés UMP en lançant à la gauche : "Ce sera une bonne manière de clore les polémiques." Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), a ensuite confirmé qu'il saisirait le Conseil constitutionnel pour "lever toute incertitude" sur la constitutionnalité de l'interdiction générale du voile intégral.

M. Accoyer saisira les "sages" "au terme de la procédure législative", c'est-à-dire après son adoption définitive. Le texte, dont l'examen a pris fin mercredi, doit être adopté mardi lors d'un vote solennel, puis transmis au Sénat début septembre.

PROHIBER LA "DISSIMULATION DU VISAGE"

Le PS, redoutant après les réserves émises par le Conseil d'Etat que les "sages" jugent inconstitutionnelle une interdiction du voile intégral dans tout l'espace public, avait d'ailleurs annoncé dès le mois de mai qu'il ne saisirait pas le Conseil constitutionnel. "C'est un risque", a lancé à plusieurs reprises Jean Glavany (PS). "Ce risque est limité", lui a répondu le rapporteur UMP du texte, Jean-Paul Garraud.

Le texte de Michèle Alliot-Marie, dont l'examen devait s'achever mercredi soir avant un vote solennel le 13 juillet, ne vise pas spécifiquement le voile intégral mais prohibe "la dissimulation du visage". Il interdit de fait le port du niqab ou de la burqa dans tout l'espace public, sous peine d'une amende de 150 euros et/ou d'un stage de citoyenneté. Les sanctions entreront en vigueur au printemps 2011, après six mois de "pédagogie".

Toute personne obligeant une femme à se voiler sera passible d'un an de prison et 30 000 euros d'amende, selon un nouveau délit qui entrera en vigueur, lui, sitôt la loi promulguée. Des peines doublées quand la victime est mineure, selon un amendement adopté en commission à l'initiative du PS, qui a évolué dans son positionnement.

"UNE LOI INTELLIGENTE DE PROTECTION ET DE LIBÉRATION DE LA FEMME"

André Gerin (PCF), initiateur du débat sur le voile intégral il y a plus d'un an, a défendu avec passion le principe d'une interdiction générale. "Il faut dire stop à la dérive" de l'intégrisme islamique, a-t-il dit, "stop d'une seule voix républicaine". "Nous sommes en phase avec les voix qui s'élèvent aujourd'hui contre l'intégrisme islamique dans le monde arabe et musulman", a-t-il ajouté. S'adressant à une partie de la gauche, il a lancé : "Oui, c'est une loi intelligente de protection et de libération de la femme. Non au relativisme culturel et religieux. Sous cette couverture-là, nous accepterions l'inacceptable, le triomphe de la barbarie sur la civilisation."

Pour le PS, qui, au nom de la "responsabilité", a déjà annoncé qu'il ne s'opposerait pas au texte, Julien Dray a pourtant regretté un texte qui "n'atteindra pas les objectifs fixés au départ". "Nous sommes contre le port du voile, a-t-il dit, mais je crois que votre loi restera partielle et parcellaire. Il manque une grande loi positive qui redéfinissent les principes de la laïcité et, à partir de là, les droits des citoyens."

George Pau-Langevin (PS) a noté que les femmes portant le voile intégral "nous adressent un message et nous avons le devoir de le décrypter", comparant leur attitude à celles des Noirs américains qui portaient leurs cheveux longs et crépus dans les années 70.

AFP relayé par le Monde