lundi 25 février 2008

Kosovar en Suisse, l'improbable retour

Regardez l'émission Mise au Point du 24 février

Nouvelle loi sur l'asile: l'analyse résumée de l'OSAR

Voici le résumé en français de l'analyse de Jurg Schertenleib. Lire l'analyse complète


Le 16 décembre 2005, le Parlement a voté une série de modifications légales:
• La loi sur l’asile (LAsi) fait l’objet d’une révision partielle. Des modifications de la LSEE (qui devient la loi sur les étrangers) sont effectuées au passage. En outre, la révision de la LAsi entraîne des modifications de la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) et de la LAVS.
• La LSEE subit une révision complète. Elle est remplacée par la nouvelle loi sur
les étrangers (LEtr).

Points essentiels de la révision de la LAsi:
• Le motif de non-entrée en matière que constitue l’absence de papiers sera durci. Ainsi un permis de conduire ou un acte de naissance ne suffira plus pour entrer en matière, il faudra désormais un passeport ou une carte d’identité. Il n’y aura en outre plus d’entrée en matière lorsqu’il existe des «indices de persécution », mais uniquement si la qualité de réfugié est rendue vraisemblable ou démontrée, ou si les autorités jugent nécessaire, sur la base de l’audition, d’introduire d’autres mesures d’instruction.
 De l’avis des experts, la disposition viole la convention sur le statut des réfugiés.
En effet, les personnes persécutées ne possèdent bien souvent aucun document de voyage. Elles doivent donc s’attendre à une décision de non-entrée en matière au lieu d’obtenir l’asile.


• Afin d’organiser le départ, les autorités suisses pourront à l’avenir prendre contact avec les autorités du pays d’origine dès qu’une décision négative a
été rendue en première instance.
 A ce moment, la décision n’est pas encore définitive. Or la qualité de réfugié n’est souvent reconnue qu’après un recours. Les proches d’un réfugié qui restent au pays sont ainsi exposés à des rétorsions. En effet, quand un Etat persécuteur est informé de la fuite de sa victime à l’étranger, il s’en prend souvent à sa famille.

• Extension de l’exclusion de l’aide sociale: jusqu’ici les personnes frappées
d’une décision exécutoire de non-entrée en matière étaient exclues de l’aide sociale.
A l’avenir, tous les requérants d’asile déboutés pourront être jetés à la rue.
Aucune exception n’est prévue pour les personnes particulièrement vulnérables (familles avec enfants en bas âge, femmes enceintes, mineurs non accompagnés, personnes malades ou âgées). L’exclusion s’applique aussi rétroactivement aux requérants ayant déposé une demande d’asile ou ayant été déboutés
sous l’empire de l’ancien droit. L’exclusion de l’aide sociale concerne même les
personnes séjournant légalement en Suisse dans le cadre d’une procédure ouverte
par une voie de droit extraordinaire.
 Cette mesure précipite de nombreuses personnes dans la misère, la dépendance de l’aide d’urgence et l’illégalité. Le nombre des sans-papiers va augmenter.
Les personnes vulnérables risquent d’être victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Villes et cantons paieront la facture de cette politique
d’asile ratée.


• Les requérants d’asile pourront faire l’objet de fouilles même dans un logement privé, cela sans qu’un mandat de perquisition ait été délivré par un juge. Les fouilles pourront viser non seulement les documents d’identité, mais aussi les
valeurs patrimoniales et la présence de drogues.
 Un soupçon généralisé pèsera sur les requérants d’asile. La protection du logement privé, inscrite dans la Constitution, sera abolie puisque les garanties aménagées par le droit pénal ne vaudront plus pour les requérants.
• L’examen des cas de rigueur art 14 (au lieu de l’exécution du renvoi, octroi exceptionnel d’un permis en cas d’intégration particulièrement réussie) sera désormais du ressort des cantons. Un cas de détresse personnelle grave ne sera plus examiné d’office par les autorités. Les autorités cantonales seront tenues
d’examiner de manière approfondie la situation des étrangers admis provisoirement
en Suisse depuis plus de cinq ans.
 La modification entraînera d’importantes inégalités de traitement entre les cantons, ce qui est très discutable sur le plan constitutionnel.
• L’admission humanitaire telle que la proposait le Conseil fédéral ne sera pas
introduite. Le statut des personnes admises provisoirement sera certes légèrement
amélioré par rapport à aujourd’hui. La possibilité du regroupement familial sera prévue au plus tôt trois ans après le prononcé de l’admission provisoire.
Les cantons pourront autoriser ces personnes à exercer une activité lucrative indépendammentde la situation économique.
 Ces améliorations restent modestes. Les personnes fuyant les guerres ne peuvent attendre des années pour mettre en sécurité leur conjoint et leurs enfants. Quant à l’amélioration des possibilités de travailler, elle est déjà introduitepar voie d’ordonnance; la modification de la loi n’est pas nécessaire à cet effet.

• La Commission de recours en matière d’asile (CRA) statuera dans une composition de deux juges sur les recours manifestement fondés ou infondés. Les décisions correspondantes seront motivées de façon sommaire.
 La qualité de la procédure et la sécurité du droit en pâtiront. L’Accord de Dublin étend à l’ensemble de l’Europe les effets des décisions de la CRA. Dans ce contexte, on ne saurait se contenter de décisions motivées à la va-vite.

• La procédure à l’aéroport sera modifiée. La durée maximale du séjour en transit
passera à 60 jours.
 La durée du séjour est disproportionnée. Elle atteint au maximum 30 jours dans les pays membres de l’Union européenne.

• La règle de l’Etat tiers prévoit une décision de non-entrée en matière lorsqu’un
requérant d’asile a séjourné dans un Etat tiers sûr où il peut retourner.
 Le concept de base correspond à l’initiative UDC sur l’asile rejetée par le peuple. La Suisse n’examinera plus que les demandes d’asile dont aucun autre Etat ne peut être rendu responsable. L’Accord de Dublin diminue toutefois la portée de la règle de l’Etat tiers.

• La Confédération définit les modalités d’accès à des consultations juridiques
dans les centres d’enregistrement et les aéroports.
 Il importe que l’accès à des consultations juridiques soit non seulement réglé, mais aussi garanti car les personnes concernées voient leur liberté de mouvement restreinte, voire supprimée pendant le délai de recours, qui n’est souvent que de cinq jours. La procédure est inéquitable.

• La Confédération indemnisera les coûts de l’aide sociale ou de l’aide d’urgence
sur la base d’un nouveau système d’indemnités forfaitaires.
 Les incitations financières prévues amènent les cantons à exclure de l’aide sociale les requérants déboutés. Plus les forfaits sont bas, plus les cantons restreignent leurs efforts d’encadrement et intégration.

• Les requérants d’asile seront tenus de collaborer à la saisie de leurs données
biométriques.
 L’habilitation générale à saisir et enregistrer des données biométriques est contraire à la Constitution. Cette disposition est problématique du point de vue de la protection des données et de la personnalité.

• En cas de doute sur l’âge indiqué, les centres d’enregistrement ordonnent des
expertises visant à déterminer l’âge.
 La fiabilité de telles expertises est controversée. L’âge osseux est moins important pour la procédure d’asile que la maturité psychique.

Les mesures de contrainte inscrites dans la loi sur les étrangers seront aggravées:
• La détention pour insoumission viendra s’ajouter à la détention en phase préparatoire et à la détention en vue du refoulement. Elle pourra durer 18 mois pour
les adultes et douze mois pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans.
 La détention pour insoumission est problématique à l’égard des droits fondamentaux. Sa durée est disproportionnée, en particulier pour les jeunes.

• A l’avenir, la détention en vue du refoulement pourra également être ordonnée
lorsqu’une décision de non-entrée en matière est notifiée au centre d’enregistrement (durée maximale de 20 jours, notification par l’ODM, contrôle par la CRA) ou lorsque les autorités ont dû se procurer elles-mêmes les documents de voyage d’une personne (durée maximale de 60 jours).
 Ces formes de détention ont en partie le caractère de sanctions. En outre, la compétence attribuée ici aux autorités d’asile – et non cantonales – est problématique.

• La durée maximale des diverses formes de détention cumulées passera à 24 mois pour les adultes et à douze mois pour les personnes mineures.
 La durée de détention est disproportionnée. Or la détention coûte cher. Vérification faite, la durée moyenne de détention est de 23 jours, tandis que d’autres mesures incitent davantage au retour.