vendredi 28 septembre 2012

Responsabilités des Etats européens à l'égard des demandeurs d'asile

Un pays de l’UE voyant arriver sur son territoire un demandeur d’asile doit lui garantir les conditions matérielles nécessaires pour bénéficier d'un niveau de vie digne, a tranché jeudi la Cour européenne de justice (CEJ).

Cette obligation s'impose même si cet Etat prévoit de transférer le demandeur vers un autre pays de l’UE, comme le lui permet la législation européenne en matière d'asile, a souligné la Cour. La Cour de Luxembourg devait se prononcer dans une affaire opposant l’Etat français à deux organisations françaises responsables des réfugiés, la Cimade et le Gisti.

La Cimade et le Gisti avaient saisi le Conseil d’Etat français pour obtenir l’annulation d’une circulaire ministérielle du 3 novembre 2009 qui excluait d’une allocation financière les demandeurs d’asile dont la demande avait été déposée en France mais était censée être examinée ailleurs dans l’UE. Le Conseil d'Etat avait porté l'affaire devant la CEJ. Certes, a rappelé la Cour dans son arrêt, la législation européenne sur le droit d'asile (dite Dublin II) stipule qu'un seul pays est responsable de la demande d'asile: le pays d’arrivée du demandeur. Selon les critères de Dublin II, un demandeur qui introduirait une demande dans un autre Etat membre devait donc être transféré vers le pays d’arrivée.
Mais, a souligné la CEJ, le second Etat n'est pas pour autant exempté de ses responsabilités. Il faut donc, souligne l'arrêt rendu jeudi, que les normes minimales pour l’accueil des demandeurs, fixées par une loi européenne de 2003, (soit un logement, de la nourriture, des vêtements, qu’ils soient fournis en nature ou sous forme d’allocation) s’appliquent à tous les demandeurs d’asile, même à ceux dont la demande doit être examinée dans un autre Etat.

Fenêtre sur l'Europe

Vers l'arrêté de la Cour européenne de Justice

Roms à Marseille : les mystères d’une « expulsion »

Que s’est-il passé, jeudi soir vers 19 heures, à Marseille ? Les sites de presse du matin, reprenant tous une brève de La Provence, et une dépêche de l’AFP, font un concours de synonymes.

Une trentaine d’habitants de Marseille ont « expulsé » (Le Parisien) des Roms qui occupaient depuis quelques jours un terrain proche de la cité des Créneaux. Ils les ont « délogés » (Europe 1) ; « chassés » (Le Point) ; « fait fuir » (FranceTV.info). Aucun journaliste n’ayant assisté à la scène, il faudra s’en tenir aux versions des habitants (ou des Roms délogés, mais cela semble plus improbable).

La police avait-elle des consignes ?

Ou encore des policiers. Car la police, selon l’AFP, a assisté à la scène. Sans intervenir, apparemment, puisque « l’expulsion », ou la « chasse », a été menée à son terme. D’où quelques questions du matin : la police avait-elle des consignes ? En a-t-elle demandé à la préfecture pendant que se déroulaient les faits ? Ladite préfecture en a-t-elle à son tour demandé au ministère de l’Intérieur ?

Questions d’autant plus pressantes que les habitants, dans l’après-midi, avaient prévenu la maire socialiste des XVe et XVIe arrondissements de Marseille, Samia Ghali, celle qui avait, voici quelques semaines, demandé au gouvernement l’intervention de l’armée pour régler les problèmes de sécurité, de leur intention de passer à l’action, si les Roms n’étaient pas délogés par la police.

On peut imaginer que l’élue a elle-même averti la préfecture, laquelle a donc disposé de quelques heures pour arrêter sa ligne de conduite. On serait dans un Etat de droit, et plus encore dans un Etat de droit sous un gouvernement de gauche, ces questions seraient posées, et le gouvernement (de gauche) aurait à cœur de ne pas laisser accréditer le soupçon qu’il laisse se constituer des milices spontanées d’évacuation des Roms. Mais patience. Elles le seront peut-être.

Valls aussi peut parfois être laxiste

Dans la foulée, ces habitants ont incendié ce qui restait sur le campement après le départ des Roms, à savoir des vêtements et de l’électroménager. La police, qui n’a verbalisé personne, maintient pourtant qu’aucune infraction n’a été relevée.

Avis aux amateurs : incendier, sous les yeux de la police, le bien d’autrui, ne constitue plus une infraction. Où l’on découvre que Manuel Valls, mais oui, peut aussi parfois être laxiste.

Daniel Schneidermann sur Rue89

Camp rom incendié à Marseille : pourquoi tout le monde s’est emballé

L’expulsion, jeudi soir, d’un camp de Roms par des riverains laisse des questions sans réponses. Surtout, elle ne doit pas être réduite à l’indignation qu’elle suscite.

L’affaire suscite de très vives réactions ce vendredi. A Marseille, un groupe de riverains « excédés » par le camp de Roms installés à proximité de chez eux, auraient « pris les choses en main eux-mêmes » et expulsé manu militari les importuns, avant d’incendier le campement vide sous les yeux impassibles de la police.

Ratonnade, pogrom, milice... Les qualificatifs sont caractéristiques d’un emballement médiatique exemplaire, réduisant tout ce qu’il touche à la répétition d’atrocités passées, face à laquelle seule l’indignation est légitime. Pourtant, comme tout autre événement, cette histoire mérite d’être examinée pour ce qu’elle est, un ensemble complexe de faits. Certains ont été déformés et amplifiés.

Tout part d’une brève de La Provence, qui donne le ton. Elle est publiée jeudi soir à 21h54 :

« Inquiétant signe des temps. Ce soir, vers 19h30, une cinquantaine d’habitants à proximité de la cité des Créneaux ; dans les quartiers Nord de Marseille, se sont rassemblés pour procéder eux-mêmes à l’évacuation d’un camp de Roms qui s’étaient installés sur un terrain vague quatre jours plus tôt.

Après le départ de la quarantaine de personnes, les riverains ont aussi incendié tout ce qui restait du campement illicite. La police n’a pu que constater les faits, sans relever d’infraction. Ceux qui ont organisé cette expulsion reprochaient aux Roms plusieurs cambriolages qui s’étaient produits à proximité immédiate du campement. »

Appel à l’imaginaire

L’information est rapidement reprise dans une dépêche AFP vendredi matin. Ces faits sont très graves et le contexte les dramatise un peu plus :

  • Ils entrent en résonance avec les affrontements violents qui ont eu lieu entre Roms et nationaux ailleurs en Europe. Chacun a en tête des images d’affrontements en Italie, en Grèce ou en Hongrie ces dernières années.
  • Plusieurs tentatives d’incendies de camps de Roms, souvent nocturnes, sont à déplorer en France ces dernières années. Comme à Vaulx-en-Velin en mars.
  • L’incendie qui a suivi l’intimidation des Roms renforce le sentiment d’une expédition punitive. L’épisode convoque l’imaginaire des milices.
  • La police semble avoir assisté à toute la scène sans rien faire et sans interpeller les auteurs de l’incendie.

Les communiqués des associations emploient des mots très forts : « punition collective », « expulsion violente préméditée », « exactions racistes ». Il est encore tôt pour comprendre ce qui s’est passé. Mais la situation semble à la fois plus complexe et plus banale que tout ce qui précède.

Ce qu’on sait

  • Le terrain occupé

Les Roms se sont installés le 23 septembre dans le quartier des Créneaux. Cette cité HLM composée de quatre tours est en cours de démolition : trois sont déjà détruites, une dernière subsiste. Les derniers habitants refusent d’en partir. C’est dans l’espace vide, libéré par la destruction des immeubles, que se sont installés les Roms. A proximité immédiate des derniers habitants de la cité, et non loin des pavillons où ont été relogés les anciens locataires, partis contre leur gré. D’après un journaliste de La Marseillaise sur place, il faut bien garder en tête une situation de « revanche ». « Tous les habitants m’ont dit : nous on nous vire, et les Roms on ne les vire pas. »

  • Les habitants avaient prévenu leur maire

La maire du XVe arrondissement de Marseille, Samia Ghali, a reçu les riverains jeudi matin. Ils avaient demandé son aide pour accélérer l’expulsion du camp. La maire dit avoir prévenu « la police du quartier » et « le bailleur ».

  • La police était sur place

D’après Samia Ghali :

« C’est quand la situation menaçait de dégénérer parce que les riverains voulaient faire partir les Roms que la police est venue, sans doute appelée par les Roms eux-mêmes. C’est la police qui a fait partir les Roms car ils étaient en situation dangereuse. »

Dans un communiqué envoyé ce vendredi à 12h45, la préfecture confirme que la police est arrivée dès le début de l’altercation, appelée « par un riverain et un membre de la communauté rom ». Elle se serait « interposée pour éviter tout incident ». Les policiers ont bien assisté au départ des Roms :

« Les occupants du campement (40 adultes et 15 enfants, 8 caravanes et 13 voitures) ont indiqué spontanément vouloir quitter les lieux, ce qu’ils ont fait sans délai sous la protection policière, abandonnant sur place les logements de fortune, ainsi que leurs détritus et divers meubles et encombrants. »

Ce qu’on ne sait pas

Selon le communiqué de la préfecture, les faits se sont produits en deux temps. D’abord les Roms partent, puis l’incendie se déclenche, plus de deux heures après, c’est-à-dire vers 22 heures. Cela nuance l’image d’une foule en délire déterminée à tout brûler sur son passage. Mais il reste de nombreuses questions. D’abord, les policiers avaient-ils déjà quitté les lieux au moment de l’incendie ? Apparemment oui, puisque la préfecture précise :

« Un équipage dépêché sur place constatait qu’une surface d’environ 5 m² sur l’emprise du campement abandonné présente les traces d’un incendie et comporte une carcasse de réfrigérateur et divers encombrants calcinés. »

Pourquoi restait-il des affaires sur place ? Les Roms n’ont-ils pas eu le temps de les emporter, ou les ont-ils laissées là volontairement ?  Avant de quitter les lieux, les policiers ont-ils demandé aux riverains de rentrer chez eux ? Leur ont-ils conseillé d’adopter une attitude particulière, de laisser les objets où ils étaient, de s’en débarrasser ? L’auteur de l’incendie est-il identifié ?  La préfecture se refusant à des commentaires supplémentaires, ces questions restent pour l’instant en suspens.

Camille Polloni sur Rue89

Soins de santé aux réfugiés : les femmes et les enfants touchés par les compressions

Les femmes enceintes et leurs enfants sont parmi les immigrants frappés par la décision d'Ottawa de réduire le financement des soins de santé offerts aux réfugiés, affirme un groupe de médecins s'opposant aux changements apportés au programme.

Les Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés ont indiqué jeudi que trois mois après l'entrée en vigueur des compressions imposées au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), celui-ci est plongé dans la confusion et les coûts inutiles, en plus de menacer les soins offerts. Le groupe de médecins a documenté des dizaines de cas de patients depuis l'annonce des changements, le 30 juin, y compris celui d'une jeune demandeuse de statut de réfugié, enceinte après avoir été utilisée comme esclave sexuelle. La femme, qui en était à 18 semaines de grossesse, n'a pas de couverture médicale pour les soins obstétriques.

Au dire du Dr Philip Berger, le PFSI est plombé par les problèmes et mal géré. La santé des réfugiés serait également mise à risque. Lors d'une entrevue, le Dr Berger indique que ces problèmes semblent affecter les femmes enceintes et leurs bébés de façon disproportionnée, en raison de la période de temps réduite durant laquelle ils ont besoin de soins. Les demandeurs de statut de réfugié doivent en effet attendre jusqu'à six semaines pour obtenir des soins de santé après avoir déposé leur demande.

Selon le Dr Meb Rashid, directeur médical de la clinique Crossroads au Women's College Hospital de Toronto, le gouvernement explique à certains des membres les plus vulnérables de la société qu'ils ne sont pas admissibles à des soins de santé pouvant leur sauver la vie.

L'attaché de presse du ministre de l'Immigration Jason Kenney, Alexis Pavlish, affirme toutefois que la majorité des cas recensés sont incorrects, et que tous les demandeurs ont le même accès aux soins de santé que les autres Canadiens.

Radio Canada

«Nous avons perdu la maîtrise de la politique migratoire»

Les lois migratoires sont durcies, mais ne sont qu’en partie appliquées, constate Henri Rothen, le chef du Service vaudois de la population, à l’heure de prendre sa retraite. Il s’inquiète pour la crédibilité écornée de l’Etat et les effets pervers de cette situation.

La politique migratoire se décide à Berne, puis les cantons se coltinent l’application des tours de vis aux lois fédérales sur les étrangers et l’asile. Chef du Service vaudois de la population (SPOP), Henri Rothen a vécu 11 ans le quotidien de la migration sous l’angle administratif. Prenant sa retraite à la fin du mois, il tire un bilan qui claque comme un avertissement: «Je n’ai pas d’amertume, mais je m’inquiète de la perte de crédibilité d’un Etat qui décide des politiques sans avoir les moyens de les appliquer.»

Titulaire d’un diplôme d’économiste en entreprise, Henri Rothen identifie un fil rouge à sa carrière: réformer des organisations en quête d’efficacité. Chez Bobst d’abord, pendant 13 ans. Puis il s’engage à l’Etat, qu’il servira pendant 27 ans. Comme secrétaire municipal d’Yverdon (5 ans) et secrétaire de l’Union des communes vaudoises; en qualité de directeur de la Fédération des hôpitaux vaudois (11 ans); enfin au SPOP, où il est recruté pour moderniser un service au lourd passif. Il en deviendra vite le chef respecté, travaillant en bonne entente avec quatre conseillers d’Etat aussi différents que Claude Ruey (libéral), Pierre Chiffelle (socialiste), Jean-Claude Mermoud (UDC) et Philippe Leuba (libéral). Ce n’est pas un mince exploit!

Les slogans et les effets de manche le laissent de marbre. Seuls comptent les faits. Alors que le débat sur l’asile polarise le pays, ce pragmatique aime rappeler que la procédure d’asile ne concerne que 2% des immigrés en Suisse; pour Vaud, 4500 personnes (requérants en procédure, déboutés ou au bénéfice d’une admission provisoire) sur 240 000 immigrés installés en toute légalité. «Ce décalage illustre l’exploitation intensive de la migration à des fins politiques», soutient Henri Rothen. Il renvoie dos à dos la droite nationaliste et la gauche: «Les deux camps font de l’immigration un business idéologique, ce qui ne permet pas de trouver des solutions.»

L’agitation politique sur les questions migratoires va de pair avec une fuite en avant, regrette Henri Rothen: «Des procédures parlementaires accélérées conduisent à multiplier des mesures d’urgence alors qu’il faudrait viser un horizon lointain.» Il salue les orientations «prometteuses» prises par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga – raccourcir les procédures, «la mère des batailles», et travailler sur l’aide au retour et la signature d’accords de réadmission.

Mais c’est sur le terrain que ça coince. Les décisions de renvois prises par l’Office fédéral des migrations en matière d’asile et par le canton dans le domaine des étrangers «ne sont bien trop souvent pas exécutées», pour toute une série de raisons qui signent «l’impuissance de l’Etat». Henri Rothen donne deux exemples de «l’hypocrisie ambiante»: le travail clandestin reste toléré dans des proportions élevées malgré un arsenal législatif contre le travail au noir qui n’a jamais été aussi développé; les discours musclés sur le renvoi des étrangers criminels jettent un nuage de fumée sur l’échec à renvoyer des milliers d’immigrés sans titre de séjour.

«Je ne suis pas un obsédé des renvois», se défend le Vaudois. C’est son honnêteté qui le pousse à parler: «Quand l’autorité d’exécution des renvois est impuissante à faire respecter les décisions prises au nom du droit, la crédibilité de l’Etat est affaiblie. On sous-estime les effets pervers. L’étape suivante, c’est le règne de l’arbitraire.»

L’impuissance à procéder aux renvois se nourrit d’un manque chronique de moyens policiers et d’une coordination déficiente entre acteurs de l’Etat, analyse Henri Rothen. L’administration, la police et la justice ne se parlent pas assez; chaque service obéit à des priorités propres, lesquelles ne se recoupent pas. «Nous sommes pourtant tous sur le même bateau!»

Le manque «dramatique» de places de détention administrative favorise les récalcitrants qui s’accrochent sans risque à une situation précaire; le temps passe et leur renvoi devient toujours plus aléatoire, sans que leur intégration s’améliore. Redoutant «une bombe à retardement», Henri Rothen constate, dépité, que Vaud est le plus mauvais élève pour la statistique cantonale des personnes à l’aide d’urgence (plus de 1000 cas à mi-2012). Un indice alarmant qui réveille le souvenir de la crise des «523»: Vaud avait défié Berne, tardant à renvoyer les réfugiés de la guerre des Balkans.

L’aide d’urgence prévoit un hébergement rudimentaire, en abri collectif, pour dissuader la prolongation du séjour. Mais dans le canton de Vaud, une personne sur deux à l’aide d’urgence obtient, par différentes voies de recours, le droit de rester dans son logement initial, moins spartiate. Le chef du SPOP le déplore et dénonce «une culture du recours qui dépossède l’administration de son pouvoir d’agir.» Il observe que des avocats et des professionnels de l’assistance aux migrants «vivent de ce business»: «Pour eux, chaque renvoi est un renvoi de trop. Mais est-ce responsable de prolonger le séjour de personnes à l’aide d’urgence, sans travail ni perspective d’intégration ?»

Si l’asile occupe trop de place dans le débat public, la migration légale et ses effets économiques, culturels et démographiques sont trop peu valorisés, regrette Henri Rothen. «L’immigration est toujours évoquée comme un problème, alors qu’une Suisse sans migration serait le problème!» Un peu plus de rationalité et de cohérence, un peu moins d’émotions et d’idéologie aideraient celles et ceux qui, chaque jour, doivent appliquer un droit décidé démocratiquement par les Suisses.

François Modoux dans le Temps

Syrie: offensive rebelle "décisive" à Alep, 700.000 réfugiés prévus fin 2012

Les rebelles ont affirmé avoir lancé jeudi une attaque décisive sur Alep, la grande ville du nord de la Syrie, alors que le HCR prévoit que plus de 700.000 Syriens se seront réfugiés dans les pays voisins fin 2012.

Les secrétaires généraux de l'ONU et de la Ligue arabe, Ban Ki-moon et Nabil al-Arabi, et le médiateur international Lakhdar Brahimi ont de leur côté souligné jeudi le risque de voir la Syrie se transformer en "champ de bataille régional". Dans une vidéo mise en ligne sur YouTube au nom de la Brigade al-Tawhid, la plus importante d'Alep, un homme en civil muni d'un talkie-walkie déclare: "Aujourd'hui, l'attaque contre l'armée d'Assad a commencé sur tous les fronts. (...) la bataille d'Alep sera décisive". Depuis une importante percée effectuée fin juillet, peu après le début des combats dans la capitale économique du pays, les rebelles n'ont plus mené d'offensive d'envergure, notamment en raison du manque d'équipement face à la puissance de feu des forces gouvernementales.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a fait état "de violents combats" jeudi soir dans les quartiers d'Izaa, Seif al-Dawla (sud-ouest) et d'autres secteurs, auxquels participent des "centaines de combattants" insurgés. Une journaliste de l'AFP a vu des rebelles se regrouper par dizaines dans des écoles du quartier d'Izaa (nord). Armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, des hommes montaient au front coiffés de keffieh de toutes les couleurs, en treillis ou simpement vêtus de t-shirts colorés, selon elle. Pour encourager les troupes, les chefs de différentes unités se montraient rassurants: "Nous avons attaqué l'armée et elle recule", assurent-ils tous dans les talkies-walkies qui leur permettent de rester en contact.

Journée la plus sanglante

Selon l'OSDH, une ONG s'appuyant sur un large réseau de militants, 20 roquettes se sont abattues sur le quartier de Souleimaniyé, dans le centre d'Alep, dont certaines sur la branche de la sécurité politique. Ailleurs dans le pays, l'armée a pilonné plusieurs bastions rebelles dans les provinces de Homs, Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Lattaquié (nord-ouest), et Deir Ezzor (est), selon l'OSDH. Dans la principale région pétrolifère de Syrie, à Hassaka (nord-est), des inconnus ont fait exploser un oléoduc et enlevé le directeur de la station de pompage.

La télévision officielle a en outre rapporté que les forces de sécurité avaient attaqué un "groupe terroriste" dans le quartier insurgé de Jobar à Damas, faisant des "morts et des blessés". Au moins 59 personnes --38 civils (dont cinq enfants), 16 soldats et cinq rebelles-- ont péri jeudi dans les violences en Syrie, selon un bilan provisoire de l'OSDH. Mercredi, au moins 305 personnes, dont 199 civils, avaient été tuées, le bilan plus lourd enregistré en une seule journée depuis le début du conflit il y a 18 mois, selon un décompte de l'OSDH. Un double attentat a notamment frappé le siège de l'état-major de l'armée au coeur de Damas, tuant quatre gardes, une attaque revendiquée successivement par deux groupes jihadistes, "Tajamo Ansar al-islam" et le Front al-Nosra.

700.000 réfugiés selon l'ONU

Le conflit a fait au total plus de 30.000 morts, selon l'OSDH, alors qu'environ deux millions de Syriens manquent de produits de première nécessité, une situation de plus en plus inquiétante à l'approche de l'hiver. Autre signe de l'ampleur du désastre humanitaire, l'ONU a estimé à plus de 700.000 le nombre de Syriens réfugiés dans les pays voisins fin 2012, révisant à la hausse ses besoins, à 487,9 millions USD. Selon le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), plus de 500.000 Syriens ont déjà fui leur pays, dont 75% sont des femmes et des enfants.

En marge de l'Assemblée générale de l'ONU, les Etats-Unis ont demandé au Conseil de sécurité de "tenter une nouvelle fois" de trouver un accord pour mettre fin au conflit, et le chef de la Ligue arabe Nabil al-Arabi a déploré les "désaccords" au sein du Conseil entre partisans d'un départ du président Bachar al-Assad et défenseurs de son régime.

MM. Ban Ki-moon, Nabil al-Arabi et Lakhdar Brahimi craignent, si la violence continue, que la Syrie ne devienne un champ de bataille régional (et) la proie d'acteurs dont les objectifs n'ont rien à voir" avec la crise syrienne. Selon un porte-parole de l'ONU, les trois hommes ont déploré aussi "la férocité des violations des droits de l'homme commises par le gouvernement et l'opposition" et ont demandé que les donateurs contribuent davantage aux opérations humanitaires en Syrie et en faveur des réfugiés dans les pays voisins.

Les Occidentaux et de nombreux pays arabes réclament le départ du président Assad qui veut en finir "à tout prix" avec les rebelles assimilés à des "terroristes", alors que Russes et Chinois refusent toute ingérence dans les affaires de leur allié syrien. Le président russe, Vladimir Poutine, a accusé les Occidentaux d'avoir semé le "chaos" notamment en Syrie. Le blocage de la Russie à toute résolution du Conseil de sécurité de l'ONU est "juste une excuse" dont se sert la communauté internationale pour ne pas aider les Syriens à renverser le président Assad, a estimé de son côté le chef des Frères musulmans de Syrie, Mohammad Riad al-Shakfa, dont la formation constitue une influente composante de l'opposition syrienne.

France 24

Manifestation d'extrême droite interdite à Paris

Les «Jeunesses nationalistes» voulaient défiler samedi de République à Châtelet contre le «racisme anti-blanc» et les «zones de non-droit».

Une manifestation d’un mouvement d’extrême droite, «Les Jeunesses Nationalistes», qui souhaitait protester samedi à Paris contre les «zones de non-droit» et le «racisme anti-blanc», a été interdite vendredi par la préfecture de police de Paris (PP). Cette interdiction «a été prise au regard des troubles à l’ordre public» que cette manifestation «n’aurait pas manqué d’engendrer», selon la préfecture de police. Les «Jeunesses Nationalistes», lancé en octobre 2011 par le conseiller régional de Rhône-Alpes Alexandre Gabriac, exclu du FN en avril 2011 après la diffusion d’une photo le montrant en train de faire le salut nazi, souhaitait manifester samedi à 14 heures place de la République, avant de défiler vers Châtelet. «Contre les zones de non-droit et la racisme anti-blanc : Maîtres chez nous !», pouvait-on lire sur l’affiche appelant à la manifestation.

Une manifestation de ce mouvement prévue à Lyon le 23 juin avait également été interdite, mais 200 militants s'étaient rendus sur le lieu de rassemblement et 58 personnes avaient été interpellées, a rappelé la PP. «Il y a également des messages sur internet appelant à la haine autour de cette manifestation. Des contre-manifestants avaient également fait part de leur intention de venir en découdre», a précisé une source policière.

Il s’agit de la huitième manifestation interdite par la préfecture de police de Paris depuis le début de l’année, selon une source proche de la direction de la PP. «De toute manière, on n’a pas beaucoup d’autre alternative que d’entrer dans l’illégalité, puisque rien ne nous a été autorisé. C’est la troisième fois qu’une de nos manifestations est interdite depuis que le gouvernement socialiste est en place», a réagi auprès de l’AFP Alexandre Gabriac. «Quand j’ai vu la préfecture, on m’avait dit qu’il n’y aurait pas de problème», a-t-il expliqué, assurant qu’il avait quelque peu «anticipé» cette décision.

Interrogé sur sa présence à Paris samedi malgré l’arrêté d’interdiction, Gabriac a laissé planer un doute sur ce qu’il allait faire : «Je ne m’interdis pas de faire ce que je crois bon pour mon mouvement et pour ma liberté d’expression», a-t-il répondu. Le mouvement «Jeunesses Nationalistes» souhaite rassembler des militants «déçus» ou «purgés» par le FN, qui ne se reconnaissent plus dans le Front national en raison notamment de la stratégie de «dédiabolisation» de sa présidente Marine Le Pen, avait expliqué Alexandre Gabriac le jour du lancement de ce mouvement.

AFP

Qui est responsable des morts de Pantin ?

Il y a un an six réfugiés tunisiens et égyptiens réfugiés dans un squat insalubre périssaient à Pantin. Le point sur l'enquête.

C'était il y a un an. Dans la nuit du 27 au 28 septembre, un incendie déclenché par une bougie mal éteinte tuait six réfugiés des Printemps arabes, des Tunisiens et des Égyptiens qui avaient pour seule possibilité de logement un squat insalubre situé dans un passage du centre de Pantin (Seine-Saint-Denis). Les Tunisiens fraîchement débarqués de Lampedusa bénéficiaient pourtant d'un sauf-conduit italien valable dans tout l'espace Schengen. Il leur permettait de circuler librement sans avoir à craindre l'arrestation et l'expulsion à tout moment.

"Les réfugiés tunisiens ne sont pas arrivés en France par des filières clandestines, insiste Me Samia Maktouf, l'avocate des familles des victimes. La Tunisie a ouvert ses bras à près de 200 000 réfugiés libyens, quand à peine 20 000 Tunisiens sont arrivés en France. Ils ont été traités sans ménagement, chassés et dispersés par la volonté du ministère de l'Intérieur alors dirigé par Claude Guéant afin que personne ne leur vienne en aide. Dormir dans des squats insalubres restait alors leur seule solution."

Responsabilité

L'enquête instruite par la juge Claire Thépaut du TGI de Bobigny arrive à son terme et n'a pas permis de mettre en cause la municipalité ni l'État. "Pénalement, la mairie n'est pas responsable. Il n'y a pas eu d'intention criminelle de sa part", indique une source judiciaire. En revanche, l'enquête administrative retient la responsabilité de la société de gestion de l'immeuble qui a laissé accessible cet endroit "insalubre et dangereux" alors qu'elle était informée de la présence régulière de personnes qui vivaient dans des conditions déplorables.

Les familles ont chargé leur avocate de demander une indemnisation à la municipalité sous peine de poursuites devant le tribunal administratif. Dans l'entourage du maire socialiste Bertrand Kern, on indique que Pantin préfère défendre ses intérêts devant la justice. Ce vendredi matin, les familles des victimes et les rescapés se réunissent sur les lieux du drame.

Aziz Zemouri dans le Point