mercredi 7 mars 2007

Le juge et l’historien, couple maudit du procès du négationniste Perinçek

Lire l'article de Philippe Maspoli dans 24heures en ligne - www.24heures.ch
Le Palais de justice de Montbenon barricadé, les 80 personnes habilitées à entrer, dont une bonne moitié de journalistes, filtrées sous l'œil d'une escouade de policiers en tenue antiémeute, le passage au détecteur de métal… Tout semble réuni pour créer l'impression qu'une première en Suisse se prépare: la condamnation, peut-être, d'un homme pour qui le génocide perpétré entre 1915 et 1918 par l'Empire ottoman contre les Arméniens est un «mensonge international».

Dogu Perinçek, 65 ans, l'avait dit à plusieurs reprises en 2005, notamment à Lausanne. Il l'a réaffirmé hier face à Pierre-Henri Winzap, juge unique d'un Tribunal de police qui ne peut pas infliger plus de six mois de prison: «Je n'ai pas nié le génocide puisqu'il n'y a pas eu de génocide.»

Lors de cette première journée d'un procès qui devrait se clore vendredi par le jugement, les historiens se sont retrouvés aux avant-postes. Le procureur général Eric Cottier voulait éviter que l'audience ne s'enlise dans un débat de spécialistes. Mais pour déterminer si Dogu Perinçek s'est montré coupable de discrimination raciale en niant un génocide, le président veut «voir le fond», examiner si ledit génocide, planifié, organisé, est suffisamment attesté.

Dialogue difficile

L'historien est-il un bon témoin pour le juge? On peut en douter à l'écoute de certains dialogues. Morceau choisi avec Justin McCarthy, un historien américain de l'Université de Louisville (Kentucky), qui nie le génocide arménien. «Etes-vous sûr que le génocide n'a pas existé?» «Comme c'est compris par les gens, il n'a pas existé. C'est un mot pas précis». «Est-ce un mensonge de dire qu'il a existé?» «Non, c'est une erreur.» «Connaissez-vous la définition du génocide?» «J'en connais de nombreuses. Si on prend celle des Nations Unies, il n'y a pas une guerre sans génocide.»

L'écrivain français Jean-Michel Thibaux a pris la nationalité turque lorsque l'Assemblée nationale a reconnu le génocide arménien. «Les déportations sont des crimes contre l'humanité. Mais, qu'il y ait eu 1 ou 1,5 million de morts, je bute sur la notion de génocide, car il manque la planification et l'organisation», affirme-t-il. Ce témoin doit admettre avoir été sollicité par le ministre des Affaires étrangères turc.

En début de soirée, le spécialiste français Yves Ternon, cité à la barre par l'Association Suisse-Arménie, plaignante, affirme que «les déportations forment la méthode même du génocide. Un génocide a forcément lieu dans le contexte d'une guerre. C'est la brutalisation de la société.» Les thèses négationnistes entendues en audience sont, selon lui, liées au «négationnisme d'Etat» régnant en Turquie.

L'Association Suisse-Arménie se refuse à tout commentaire avant le jugement. Pour Me Laurent Moreillon, avocat de Dogu Perinçek, cette affaire finira à la Cour européenne de Strasbourg, quel que soit le verdict: «Deux génocides sont reconnus par les instances judiciaires internationales, celui perpétré par les nazis contre les juifs et les massacres commis par les Serbes à Srebrenica. Moi aussi, humainement, j'ai toujours parlé du génocide arménien. Mais là, on est dans un contexte pénal.»
Des Turcs de toute l’Europe à la Riponne

M. SI.

«Mes enfants ne voulaient pas aller à l'école et ont préféré venir soutenir Dogu Perinçek!» Avec ses quatre fils, Hasim Erkoglu est venu spécialement de Belgique pour manifester hier devant le Palais de Rumine. Ils étaient 200 sur la place de la Riponne entre 8 h et 11 h, venus de Suisse, de France, de Belgique, d'Allemagne, d'Angleterre et bien sûr de Turquie pour soutenir Dogu Perinçek. Malgré plusieurs cars arrivés jusqu'à 9 h, on était loin des 1500 participants promis par les organisateurs.

Manifestant dans le calme avec de nombreux drapeaux, toute la foule s'est tue vers 10 h pour écouter une grand-mère turque. «Elle raconte qu'elle vient de la partie turque de l'île de Chypre, traduit Adnan Kotaoglu, de Bruxelles. Les Chypriotes grecs ont tué ses petits-enfants dans les années 1960. Elle se plaint que personne ne qualifie cette guerre-là de génocide.»

De nombreux intellectuels turcs ont aussi manifesté, applaudis par la foule. Pour Cuneyt Akalin, professeur de science politique à l'Université Marmara (Istanbul), «le procès de Perinçek révèle que les pays européens chargent la Turquie. Les partis conservateurs mettent en avant la cause arménienne pour que la Turquie ne rentre pas dans l'Europe. Nous voulons montrer que les accusations contre Perinçek sont injustes.»

Le rassemblement s'est disloqué vers 10 h 30 après une large photo de famille. Aujourd'hui, journée sans audience, les partisans de Perinçek doivent se réunir en colloque à Neuchâtel. Ils ont été refusés au Beau Rivage Palace (Ouchy) et à Renens.
Un procès au retentissement international

N. H.

Alors que les autorités et les médias turcs ont les yeux rivés sur le procès de Dogu Perinçek, à Berne le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) se refuse à tout commentaire. «Il est essentiel de tenir compte de la séparation des pouvoirs. Nous ne nous prononcerons pas sur une procédure judiciaire en cours», explique Carine Carey, porte-parole du DFAE. Rien ne filtrera donc de l'administration fédérale. Et pour cause: le procès s'inscrit dans un contexte international tendu et pourrait avoir des répercussions sur les relations turco-suisses. Ce ne serait qu'un différend de plus, dans une série de rapports déjà tumultueux: en automne 2003, les autorités turques, fâchées que le Grand Conseil vaudois ait reconnu le génocide arménien, annulent une visite officielle de Micheline Calmy-Rey. Quelques semaines plus tard, le Conseil national reconnaît à son tour le génocide, alors même que le Conseil fédéral ne le fait pas. Ce ne sera qu'en mars 2005 que la ministre se rendra en Turquie. Mais, quelques mois plus tard, alors que les poursuites sont entamées contre Dogu Perinçek, c'est la visite de Joseph Deiss qui est annulée.

L'année suivante, pour une raison inexpliquée, le Ministère de la défense turc exclut l'avionneur suisse Pilatus d'un appel d'offres pour de nouveaux avions d'entraînement. Plus récemment, en automne dernier, Christoph Blocher, en visite en Turquie, provoque un tollé en remettant en cause la norme antiraciste suisse. Enfin, ce week-end, lors de sa rencontre avec son homologue turc, Cemil Cicek, le conseiller fédéral a admis avoir évoqué le procès. Il lui aurait expliqué que la Turquie devait s'attendre à ce que Dogu Perinçek puisse être condamné. «Mon homologue n'a pas tenté d'influer sur le procès», a affirmé hier Christoph Blocher dans les colonnes du Tages-Anzeiger. Autant d'affaires laissent présager que les tensions entre les deux nations pourraient être ravivées par le procès.

Il faut un jugement exemplaire

Lire l'article d'imelda ruffieux, «Freiburger nachrichten»

Abus sexuels • L'éducateur Albert Studer connaît la plupart des protagonistes de l'affaire qui vient d'éclater en Singine. La majorité est originaire des Balkans.

Educateur à Schmitten et Wünnewil-Flamatt, Albert Studer n'a pas été surpris lorsqu'a éclaté l'affaire d'abus sexuels qui préoccupe la justice fribourgeoise depuis quelques mois (LL d'hier). Le Singinois, par ailleurs député au Grand Conseil dans les rangs de l'Alliance centre gauche (ACG), connaît la plupart des protagonistes de cette affaire, auteurs comme victimes.
Les jeunes hommes ayant contraint trois mineures à des actes d'ordre sexuel (lire ci-contre) faisaient déjà parler d'eux au local jeunesse, où ils se distinguaient par leurs accès de violence réguliers. L'intervention de la police a déjà été sollicitée pour certains d'entre eux. Mais les peines dont ils ont écopé étaient trop légères, dénonce aujourd'hui Albert Studer. Ils ont donc continué sur leur lancée.
Sévérité demandée
«Ils savent qu'ils ne risquent pas grand-chose», déplore l'éducateur. «Des jeunes comme eux ont besoin d'une certaine sévérité, d'une punition qui leur montre le droit chemin.» Il pense par exemple au Foyer Saint-Etienne à Fribourg. «Il est inacceptable de devoir renoncer à de telles mesures en raison d'un manque de place dans ce type d'établissement», affirme le député, qui estime qu'il faut agir sur le plan politique.
Conscient du fait que la répression est dénoncée dans de nombreux milieux, il affirme que la prévention a également son importance. «Mais dans certains cas, les jeunes ne comprennent qu'un discours clair.» Et Albert Studer de regretter qu'il doive parfois endosser le rôle du père, souvent absent des foyers de ces jeunes. L'éducateur ne cache pas que la majorité des abuseurs présumés sont d'origine étrangère.
Surtout des Balkaniques
Dans le cadre de l'émission «Forums» hier soir à la RSR, le conseiller d'Etat socialiste Erwin Jutzet a précisé qu'il s'agissait, pour la plupart d'entre eux, de ressortissants des Balkans de la 2e génération. Il a estimé que cette affaire démontrait «l'échec de la politique suisse d'intégration depuis 15 ans».
Albert Studer ne va pas jusque-là. Selon lui, le problème ne relève pas uniquement d'un déficit d'intégration. «Certains de ces jeunes sont bien intégrés, parlent notre langue aussi bien que nous, et avaient de bonnes chances d'intégrer le monde du travail.» Selon lui, ce sont surtout les parents et leur modèle éducatif déficient qui sont en cause.
Il dénonce également les conditions de vie dans lesquelles évoluent abuseurs et victimes. Le quartier de Mühletal, à Schmitten, n'est pas un endroit approprié pour eux, estime-t-il. «Aucune famille normale ne devrait vivre là-bas.» Proximité des voies de chemin de fer, familles nombreuses, pas de places de jeu ni d'espace libre... «Il n'y a rien de pire qu'un ghetto.» La cohabitation entre de nombreuses nationalités crée en outre des tensions. «L'idéal serait de raser ces immeubles», estime Albert Studer.
En ce qui concerne l'affaire d'abus en elle-même, l'éducateur a pu constater que quelques jours de détention préventive n'avaient nullement impressionné les jeunes accusés. Au contraire. Jusqu'à leur jugement, qui interviendra après un long délai, ils seront renforcés dans leur conviction que rien ne peut leur arriver. Et deviendront des exemples pour d'autres, dont leurs petits frères.
Protéger les jeunes
Albert Studer espère un jugement exemplaire. Ceci pour protéger les autres jeunes, qui se comportent de manière correcte. «Avec notre système laxiste, nous permettons à quelques semeurs de troubles de prendre beaucoup trop d'importance.» Il estime que le district de la Singine abrite une vingtaine de jeunes, âgés de 14 à 21 ans, qui filent le même mauvais coton. Une prévention efficace ne pourra se faire que lorsque les «éléments perturbateurs» seront sous contrôle, juge-t-il.

Les viols collectifs de Fribourg auraient été commis par des segundos originaires des balkans!

La série de viols collectifs commis pendant l'été 2005 sur une ado de 14 ans et deux autres jeunes filles, par 14 mineurs, pourraient être le fait soit d'étrangers soit de Suisses d'origine étrangère. Interview d'Erwin Jutzet, conseiller d'Etat fribourgeois en charge de la Justice
La majorité des auteurs présumés de viols et de contrainte sexuelle sur des mineures, dans le canton de Fribourg, seraient soit des étrangers soit des Suisses d'origine étrangère. Quelle politique d'intégration faut-il pour les jeunes d'origine étrangère? Débat entre Yvan Perrin, conseiller national et vice-président de l'UDC suisse, Thomas Facchinetti, délégué aux étrangers dans le canton de Neuchâtel et candidat socialiste au conseil national, et Jean-René Germanier, conseiller national radical.
Ecoutez ce débat

Bataille d'historiens sur le génocide des Arméniens

Lire l'article de Sylvie Arsever dans Le Temps
Accusé de négationnisme, le politicien turc Dogu Perinçek se défend avec les thèses en vigueur dans son pays. Témoins à l'appui.

Nationalité des délinquants: clarifications

Lire l'opinion de Daniel Cornu dans laTribune de Genève en ligne - www.tdg.ch
Faut-il indiquer dans les journaux la nationalité des personnes impliquées dans des faits divers? La question revient souvent dans les messages adressés au médiateur. Elle a été plus d'une fois abordée dans cette chronique. Qu'elle continue à se poser démontre qu'elle n'est pas résolue à la satisfaction de chacun. Peut-elle l'être? Elle se situe dans un contexte controversé: une population de plus en plus mélangée et l'évolution de la criminalité.

Un appel pour endiguer le flot de réfugiés irakiens

Lire le dossier de Swissinfo swissinfo -
Les autorités suisses ont fait part de leur inquiétude quant à la détérioration de la situation humanitaire en Irak et à l'afflux de réfugiés.