Les Albanais et les Bosniens ont franchi une étape historique lundi dans leur rapprochement avec l'UE en obtenant la suppression des visas, mais les Européens ont durci leur position et se sont donnés la possibilité de revenir en arrière en cas d'afflux d'immigrants.
"C'est un jour vraiment historique pour les populations d'Albanie et de Bosnie", a commenté la commissaire européenne chargée des questions d'immigration, Cécilia Malmström, après une décision en ce sens des ministres de l'Intérieur de l'UE réunis à Bruxelles. "Il s'agit d'un signal politique très important en même temps que d'un moyen qui va faciliter les séjours allant jusqu'à 3 mois" dans les 25 pays européens de l'espace Schengen sans frontières, a-t-elle ajouté, précisant que cette exemption de visas devrait entrer en vigueur mi-décembre, "avant Noël".
Toutefois, les gouvernements européens ont cette fois introduit une clause de révision au dispositif, échaudés qu'ils sont par l'expérience de la libéralisation des visas pour les Serbes et les Macédoniens. Elle s'est accompagnée d'un afflux d'immigrants économiques et de demandeurs d'asile, principalement des Roms et des membres des minorités albanophones.
"La libéralisation doit être utilisée pour ce qu'elle est, une facilité de voyage, mais elle ne leur donne pas droit de travail ou de demander l'asile dans un pays de l'UE", a prévenu le secrétaire d'Etat belge à l'Asile, Melchior Wathelet, dont le pays préside l'Union. "S'il y a des abus, ça peut aller jusqu'à suspension du mécanisme", a ajouté M. Wathelet, soulignant que l'Europe ne voulait en aucun cas revivre l'expérience de la Serbie et de la Macédoine.
Pour ce faire, la Commission européenne a été chargée de surveiller de près l'application du nouveau dispositif et de signaler d'éventuels écarts. Des campagnes d'informations ont déjà commencé et les responsables de l'UE comptent se rendre prochainement sur place pour marteler le message. La possibilité de révision, inédite pour un accord de ce type, a été inscrite à la demande de la France, de l'Allemagne et des Pays-Bas et "elle vaut pour tous les pays" bénéficiaires de la levée de l'obligation de visas, a indiqué une source diplomatique.
La Commission cherche à minimiser les conditions. "Ce sera en dernier ressort", a souligné un membre de l'entourage de Mme Malmström. Il n'en reste pas moins que la possibilité de réinstaurer l'obligation de visa n'était pas prévue jusqu'à présent. Elle vaudra pour les accords équivalents actuellement envisagés avec des pays comme l'Ukraine ou la Moldavie.
La décision des ministres marque un durcissement de l'UE alors que plusieurs gouvernements n'hésitent plus à critiquer la Commission, accusée de "brûler les étapes" et de ne "pas contrôler l'état réel de préparation des pays". "En interne, les Européens sont de plus en plus opposés à tout élargissement et la Commission fait comme si de rien n'était", regrette Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, un centre de réflexion sur l'Europe.
"La levée de l'obligation de visa n'est pas un cadeau diplomatique", s'est insurgé un des représentants des ministres de l'Intérieur européens, sous couvert de l'anonymat. Tirana a salué lundi la décision de levée d'obligation de visas. "C'est le rêve le plus grand des Albanais depuis la chute du communisme et du mur de Berlin", a déclaré à l'AFP le Premier ministre albanais, Sali Berisha. La Bosnie a parlé d'in "pas en avant vers l'UE". Selon l'UE, "les 2 pays ont dit qu'ils collaboreraient contre à toute forme d'abus dans le cadre de cette libéralisation".
AFP, Christian Spillmann