vendredi 4 mars 2011

L’Italie limite les réadmissions de requérants venant de Suisse

Rome va limiter le nombre des réadmissions de requérants d’asile de la Suisse vers l’Italie grâce à une interprétation minutieuse de l’accord de Schengen-Dublin.

L’Italie limite le nombre des réadmissions de requérants d’asile de la Suisse vers l’Italie. Pour ce faire, Rome s’appuie sur une interprétation minutieuse de l’accord de Schengen- Dublin, qui règle les réadmissions.

Celui-ci fixe le principe selon lequel les requérants peuvent être renvoyés dans le premier pays dans lequel ils ont déposé une demande d’asile. Il stipule également que le premier pays d’asile est compétent pour déterminer les modalités de transport et le lieu d’arrivée lors des procédures de réadmission.

L’Italie utilise cette disposition pour limiter le nombre de transferts. Ainsi, la Suisse ne peut envoyer que trois personnes par jour à l’aéroport de Rome, a indiqué vendredi Michael Glauser, porte-parole de l’Office fédéral des migrations. Il confirmait une information parue jeudi dans l’«Aargauer Zeitung» et la «Südostschweiz» et vendredi dans la «Berner Zeitung».

Toutefois, la pratique n’est pas nouvelle, précise Michael Glauser. Les restrictions touchant l’aéroport de Rome sont ainsi en vigueur depuis 2009. Le porte-parole relève en outre que d’autres phénomènes compliquent les renvois. Rome n’accepte ainsi que les réadmissions effectuées par voie aérienne.

Les compagnies aériennes, elles, n’acceptent qu’un nombre limité de requérants par vol pour des raisons de sécurité, au maximum 5 personnes. Et les requérants eux-mêmes disparaissent parfois une fois reçu leur avis d’expulsion.

Malgré ces obstacles, le nombre de requérants renvoyés en Italie est relativement élevé, a indiqué Michael Glauser. En janvier 2011, 117 personnes ont été renvoyées. Et au total, entre décembre 2008 et fin janvier 2011, ce sont 2354 personnes qui ont été réadmises.

ATS relayée par la Tribune de Genève

Réfugiés: l'Union Européenne en proie à ses vieux démons

Confrontée au risque d'une vague d'immigration massive, l'Union Européenne redécouvre son impuissance politique et logistique ainsi que son incapacité à tirer les leçons de son histoire récente, s'accrochant toujours aux vieilles lunes d'une immigration temporaire et canalisée, alors que toutes les tentatives de promotions de retours se sont révélées des échecs.

La fin de l’Histoire est terminée. Après des décennies d’équilibre fragile, à la fin du XXème siècle, le monde a connu et connaît encore une spirale d’événements à l’origine de nombreux bouleversements politiques, géopolitiques et sociaux. Outre les victimes qu’ils ont faites, ces conflits « ont provoqué, au cours de ces dernières décennies, des  déplacements de population, des ondes migratoires improvisées de réfugiés et des exodes de masse. Inévitablement, les changements géopolitiques se transforment donc en changements démographiques et sociaux, qui engendrent de profondes mutations dans le scénario migratoire international et modifient le profil des populations migrantes » écrivaient Cinzia Conti et Marija Mamolo, chercheurs italiens en sciences démographiques dans un ouvrage collectif sur les Migrations internationales.
De tout temps, des circonstances diverses (conquêtes, transferts de population, persécutions, catastrophes naturelles…) ont contraint des hommes à quitter leur lieu d’habitation pour s’installer ailleurs. Les violences d’Etat apparaissant comme un facteur déclenchant fréquent et prolongé des migrations de population. L’ampleur des massacres de population en Algérie au début des années 90 a entraîné un déplacement massif de population.
De la seconde guerre mondiale à la fin du XXème siècle, les exodes de masse dus aux affrontements armés ont été rares. Le terme de « réfugié » désignant le plus souvent des personnes échappées ou exilées de l’ex-bloc soviétique. 
Depuis la chute du Mur de Berlin, tout a changé. Les migrations forcées de populations consécutives à des tensions ethniques ou politiques ont pris une importance croissante. Le conflit en ex-Yougoslavie est à ce titre emblématique. De 1992 à 2001, la « dynamique migratoire » suit l’extension, la propagation et l’aggravation du conflit.
Dès 1992, l’Union Européenne recensait 672.000 demandes d’asile, en hausse de 31% par rapport à l’année précédente. Du jamais vu.

Le mythe du retour

A l’époque l’UNHCR demanda aux gouvernements nationaux d’offrir aux ex-yougoslaves une « protection temporaire » en les accueillant sur leur territoire jusqu’à ce que soit possible un retour dans leur pays dans des conditions de sécurité.
Plus de 10 ans plus tard, les chercheurs constatent que les conflits ayant éclaté en ex-yougoslavie n’ont pas modifié le cadre migratoire de façon uniquement provisoire : « En dépit des mouvements de rapatriement considérables, de nombreux réfugiés n’ont pas pu ou n’ont pas désiré rentrer dans leur patrie. Donc s’il était permis de penser dans un premier temps que la présence de réfugiés dans le pays d’accueil était transitoire et, par conséquent, encore à résoudre, il est devenu évident avec les années que, dans de nombreux cas, il s’agissait d’une présence destinée à perdurer et qui requérait donc des politiques spécifiques d’intégration ».
Un constat que les auteurs appliquent aussi bien aux populations d’Afghanistan, d’Iran, du Pakistan au début des années 2000, qui fuyaient alors aussi bien des guerres en cours que des régimes autoritaires.
Autant de cas qui ont radicalement changé la donne « migratoire » , le problème des réfugiés ne relève plus de l’assistance mais fait partie intégrante de l’agenda des politiques intérieures en ce qui concerne le contrôle de l’immigration et de l’intégration des sans papiers tant asile et immigration sont intimement liés.
« Différence de taille avec la période d’il y a cent ou cent cinquante ans : n’existent plus les grandes étendues largement inhabitées que les émigrants venus d’Europe trouvèrent aux Amériques. Une émigration clandestine et « anarchique » a remplacé les voyages très organisés des migrants des XIXe et XXe siècles. Les migrants sont devenus des personæ non gratæ pratiquement partout sur la planète, des États du Golfe au Japon, en Europe ou en Amérique. Il leur faut s’introduire subrepticement dans le pays de leur choix et parfois attendre nombre d’années avant d’y être admis en tant que citoyens en règle. Il n’est plus un seul pays qui accueille volontiers de larges populations immigrées. La politique désormais standard est celle du « migrants unwanted » écrit Eberhard Rhein, chercheur au European policy center de Bruxelles, un think tank indépendant.
Autre constat, nombre d’historiens ont montré en quoi l’immigration temporaire avait vocation à…durer. Depuis les migrations de masse du 19ème siècle, le « mythe du retour » est largement alimenté par les pouvoirs politiques comme pour mieux faire passer la pilule « migratoire » à des opinions publiques méfiantes. Question d’autant plus anxiogène, que le réfugié est « médiatiquement visible »: « Les échecs répétés des tentatives gouvernementales pour promouvoir les retours massifs sont autant de révélateurs du mythe mal fondé de la temporalité de l’immigration » estime Nancy Green, historienne de l’immigration.

L'Union Européenne et Frontex vite débordés

Longtemps dépourvue de politique d’immigration, l’exemple libyen prouve combien au moment des crises politiques, l’UE en est toujours réduit au colmatage, à courte vue. L’agence Frontex, dont le nom en forme de sigle apparaît dans les médias lorsque des bateaux de migrants africains sont interceptés sur les côtes sud de l'Europe, faute de moyens, pare au plus pressé. De même que l’UE se révèle incapable de parler d’une seule voix, les systèmes européens d'asile pourraient être très vite dépassés par un afflux massif d'immigrés fuyant l'instabilité en Afrique du Nord.
Le compte rendu de la réunion des députés européens de la commission des libertés civiles auditionnant, le 1er mars,  les représentants de Frontex est à ce titre édifiant. Conscients des limites de la politique européenne en la matière, les députés présents ont appelé les uns et les autres à cesser de se renvoyer la responsabilité.
Jugées insuffisantes, les mesures d’urgences pourraint être renforcées. La France et le Royaume-Uni ont déjà envoyé des avions pour aider aux évacuations. Depuis le 26 février néanmoins, on n'a observé aucune nouvelle arrivée, a expliqué le directeur de Frontex, Ilkka Laitinen. Par ailleurs, M. Laitinen a assuré les députés qu'Europol veillait à ce que terroristes et criminels ne profitent pas de la situation pour venir en Europe. La commissaire européenne aux affaires intérieures, Cecilia Malmström, a exprimé son inquiétude face à une immigration économique déguisée sous des motifs politiques.
« Quelle que soit l'évolution de la situation, Frontex tentera de coordonner les politiques des Etats membres. Mais si la situation d'alerte perdurait, l'agence aurait besoin de ressources et de personnel supplémentaires », a conclu Ilkka Laitinen. « Une éventualité que personne n'appelle de ses vœux » conclut le site du parlement européen dans un ultime aveu d'impuissance.

Régis Soubrouillard dans Marianne

Naturalisation limitée aux permis C

naturalisation C-1

naturalisation C-2

Un garde-frontière suisse envoyé à Bari

Immigration venant d'Afrique du Nord: un garde-frontière valaisan a été envoyé dans le centre de demandeurs d'asile de Bari, en Italie. L'Europe et la Suisse craignent une vague de migrants venant d'Afrique du Nord. Des Suisses ont été envoyés en Italie dans le cadre de l'opération Hermès. Reportage à Bari.

Un sujet de la TSR

Entretien avec Viviane Reding

TSR

Des coups plutôt que le renvoi

Le risque de perdre leur permis de séjour incite encore trop les extra-Européennes victimes de violences conjugales à ne pas les dénoncer. Un changement légal est réclamé.

Doublement victimes, les extra-Européennes subissant des violences conjugales le sont face à leur mari violent et, en tant qu'étrangères, face aux autorités qui cherchent à limiter le nombre d'immigrés. Présenté hier, le rapport de l'Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers (ODAE) sur cette problématique critique l'application de la loi censée protéger les migrantes face à leur conjoint. Malgré des progrès dans la jurisprudence, l'interprétation qu'en fait l'administration met la Suisse en contradiction avec les conventions internationales, puisqu'elle faillit à son devoir de protection, dénonce l'ODAE. Il réclame donc un changement législatif, car beaucoup de femmes – un phénomène difficile à quantifier – se résignent à retourner auprès de leur époux, de peur de perdre leur permis de séjour.
La problématique est bien connue et une lutte de plusieurs années avait abouti à une amélioration de la loi sur les étrangers en 2008. Mais, au vu de la pratique, les espoirs ont été déçus, lit-on dans le rapport.
Selon l'article 50 de la loi, le conjoint ou la conjointe d'origine extra-européenne qui se sépare avant trois ans de vie commune a droit au renouvellement de son permis de séjour en cas de violences conjugales et si la réintégration dans son pays d'origine est «fortement compromise».
En Suisse, 20 à 25% des femmes – de tout âge et de tout milieu social – sont victimes de violences conjugales au cours de leur vie, et 22 d'entre elles meurent chaque année des suites d'une agression dans leur couple. Décryptage avec Eva Kiss, responsable de la permanence permis de séjour au Centre de contact Suisses-immigrés à Genève.
Ces femmes sont doublement victimes. Pourquoi?
Eva Kiss: D'abord comme toute femme victime de violences conjugales: isolées, elles subissent le contrôle de leur mari sur leur vie, sont souvent empêchées d'avoir une activité économique et donc privées de ressources financières, à quoi s'ajoute la dépendance affective. Il y a aussi le sentiment de culpabilité. Souvent, le mari les manipule pour qu'elles se sentent responsables de l'échec de la relation et de le mettre dans une situation difficile, pénale ou financière. C'est donc très difficile de partir. Et il y a toujours l'espoir, car l'homme violent passe par des phases, et quand la situation s'améliore n'importe quelle femme souhaite que cela dure. Ces difficultés sont d'autant plus grandes pour les étrangères, surtout au début de leur relation. Elles n'ont ni famille, ni amis, ni réseau vers qui se tourner, raison pour laquelle les étrangères sont surreprésentées dans les foyers d'accueil pour femmes battues. A tout cela s'ajoute alors la peur de perdre le permis de séjour en cas de séparation. C'est une épée de Damoclès qui les incite à rester dans le contexte de violence.
L'Etat devient-il complice, voire responsable de la violence conjugale, selon vous?
Oui, car il n'assume pas son devoir de protection. Au contraire, il dissuade les femmes de quitter leur conjoint. Il fait subir une forme de violence institutionnelle, aussi parce que les autorités mettent en doute la violence, tout doit être prouvé et il n'y a pas, d'emblée, un droit à être protégée et à se reconstruire sans que cela ait d'éventuelles conséquences sur la stabilité de leur vie en Suisse. Ces victimes sont de fait discriminées en raison de leur origine, ce qui est contraire aux conventions internationales que la Suisse a ratifiées.
Le cadre légal et la pratique des autorités se sont améliorés, mais l'Etat faillit toujours à son devoir de protection, selon le rapport. Pouvez-vous préciser?
En novembre 2009, une jurisprudence du Tribunal fédéral a stipulé que les deux conditions pour le renouvellement du permis – démontrer les violences subies et prouver que la réintégration sociale dans le pays d'origine est fortement compromise – peuvent ne pas être cumulatives. C'est un grand pas en avant. Le problème, c'est que malgré une certaine amélioration dans la pratique cela reste une possibilité et non un automatisme. La marge d'appréciation des autorités administratives subsiste donc et l'obtention du permis de séjour sur la seule base des violences conjugales n'est pas garanti.
L'ODAE demande donc un changement légal?
Oui, pour que ces deux conditions ne puissent pas être cumulatives, comme le demande une motion de Maria Roth-Bernasconi (conseillère nationale, PS/GE).
Rendre le critère de la violence conjugale automatique, c'est ouvrir une brèche dans l'édifice très hermétique de l'immigration.
Le devoir de protection de ces femmes dévolu à l'Etat suisse passe avant les considérations de politique migratoire! Et quelles que soient les craintes, il faudra toujours apporter la preuve des violences, c'est un garde-fou. Mais il est vrai que la pratique restrictive de l'article 50 découle de cette culture de méfiance face à «l'abus» de la part des autorités.
A ce propos, ce sera toujours à des fonctionnaires d'interpréter la loi...
C'est vrai. L'arrêt du Tribunal fédéral précisait d'ailleurs que les violences doivent être «suffisamment graves». Qu'est-ce que cela veut dire? Ce ne sont pas des spécialistes de la violence conjugale qui examinent ces situations et l'arbitraire règne. Selon l'Office des migrations (ODM), s'être réfugié une fois dans un foyer suffit, parfois il faut y être allé deux fois... Les spécialistes expliquent pour leur part que les conséquences des violences conjugales sont globalement les mêmes, mais qu'une femme peut les supporter plus ou moins longtemps qu'une autre, et que cela dépend aussi de la nature de ces violences – coups, agressions verbales, pressions psychologiques, chantage... Or il y a eu beaucoup de difficultés à démontrer les violences, car les autorités mettaient et mettent encore en doute tant leur intensité que les attestations des experts (travailleurs sociaux, psychologues). Il faut toujours revenir à la charge, ce qui rallonge des procédures déjà longues. Mais on est sur la bonne voie, car les attestations des experts sont désormais mieux acceptées, même si cela varie selon les cantons.
Vous jugez aussi le critère de la réintégration problématique...
Pour la plupart des pays d'Amérique latine, on ne peut pas prouver que la réintégration est fortement compromise dès lors que les divorces y sont courants et qu'il n'y a pas, pour ces femmes, autant de risques de représailles que dans les pays maghrébins ou le Kosovo. Mais notre optique est que s'il y a des violences conjugales avec des conséquences graves, on devrait d'emblée considérer que le retour est compromis. Car ces femmes perdent l'estime d'elles-mêmes et la capacité de recommencer une nouvelle vie. En outre, en les renvoyant, on ne leur donne pas la possibilité de se reconstruire, ce qui est discriminatoire.
L'ODM s'est même, dans un cas, fondé sur l'ambassade suisse au Maroc qui avait affirmé que les crimes d'honneur n'existaient pas dans ce pays!
C'est hallucinant qu'elle n'ait pas été au courant de cette grave réalité, soulignée par des rapports onusiens. Mais surtout, assimiler cette notion de réintégration compromise à l'éventualité d'être victime d'un crime d'honneur est incroyable. Comme si sans ce risque la réintégration sera aisée! J'ai victorieusement défendu le cas d'une Egyptienne qui aurait dû rentrer alors qu'elle était divorcée et avait eu un enfant hors mariage. A ces stigmates s'ajoutait le fait que son fils ne pouvait prétendre à la nationalité égyptienne, ce qui l'excluait de l'école publique. La maman aurait dû trouver un emploi pour se débrouiller seule afin de trouver un logement, nourrir ses enfants et payer l'école privée pour son fils. C'est juste impossible!

Propos recueillis par Rachad Armanios dans le Courrier

A Lausanne, le Musée de l'immigration valorise les cultures d'ici et d'ailleurs

Le plus petit musée suisse est à la fois lieu de mémoire et d'échanges. Porté à bout de bras par son fondateur, il peine désormais à joindre les deux bouts.

Situé dans une cour discrète, c'est sans doute le plus petit musée helvétique: 30 m2 en duplex. Dans une exiguïté foisonnante, le Musée de l'immigration invite le visiteur sur les traces de ceux qui, depuis les travailleurs italiens dans les années cinquante, ont élu domicile en Suisse. Des générations d'immigrés arrivées de tous horizons que symbolisent ici les multiples valises parsemant le sol. Photographies, correspondances, coupures de presse, objets d'art ou bibelots complètent le patrimoine exposé: tous ces fragments de vie témoignent de trajectoires individuelles le plus souvent anonymes. C'est pour entretenir leur mémoire qu'Ernesto Ricou a fondé le musée voici cinq ans. Il est lui-même lusitano-suisse, issu d'une famille aux origines huguenotes établie à Château-d'OEx au XVIIe siècle, qui a ensuite essaimé au Portugal et au Brésil. «L'immigration, le déracinement, l'enracinement, j'ai tout cela en moi», dit cet enseignant en dessin et restaurateur d'art, qui a travaillé plusieurs années à Porto.

Ramuz, maître à penser
Son projet est né d'un travail pédagogique sur Charles-Ferdinand Ramuz. «A travers son roman «La beauté sur la terre», il anticipait tous les problèmes que nous connaissons aujourd'hui avec le racisme et l'intolérance», dit Ernesto Ricou. Cette histoire d'une jeune fille métisse qui, dans les années 30, débarque dans un village vaudois constitue un plaidoyer pour l'intégration et le respect mutuel des cultures. On retrouve d'ailleurs la figure tutélaire de l'écrivain vaudois un peu partout: textes, photos, dessins, buste. Autre saute-frontière célébré ici: l'écrivain et diplomate du XIXe siècle Eça de Queiros, «le Ramuz portugais», dixit l'animateur des lieux.
A l'instar de ses maîtres à penser, Ernesto Ricou est mû par «la recherche inlassable d'harmonie et de dialogue intercommunautaires». C'est dans cet esprit que le musée, en lien avec l'atelier CasaMundo qui le jouxte, encourage les résidants étrangers à venir présenter l'histoire et la culture de leur lieu d'origine, par le biais d'expositions ou de conférences. Ces rencontres permettent aussi de jeter un regard nouveau sur les diasporas établies chez nous, souvent méconnues. En octobre dernier, un étudiant a par exemple retracé le parcours de la communauté vietnamienne à Lausanne.
Ernesto Ricou insiste sur la valorisation du patrimoine immatériel et de l'identité propres à chaque culture d'origine. Mais pour lui, l'intégration passe aussi par une reconnaissance en même temps qu'une appropriation de la culture du pays d'accueil. Le message qu'il délivre aux élèves étrangers des classes qu'il reçoit est ainsi une invitation à acquérir de nouvelles façons d'être et de faire: «Garde ton identité, ta culture, mais apprécie les trésors qu'on te présente, va au-delà des clichés!»
Pas toujours évident, peut-on lui objecter, dans un pays qui considère plus souvent l'immigration comme un problème que comme une richesse. «Je garde un grand espoir. La Suisse a fait des progrès énormes dans la compréhension et le respect des immigrés», dit celui qui décrit l'Helvétie comme «terre sainte d'accueil».

Soutien sollicité
Le musée et l'association reposent sur un engagement bénévole. En dépit de quelques appuis financiers ponctuels, ils peinent cependant à couvrir les frais fixes. «La grande peur, c'est le loyer pour les locaux de CasaMundo, qui nous coûte 1040 francs par mois. On a en caisse l'équivalent de deux loyers. Pour ce qui est du musée, c'est moi qui paie, mais ici le prix de la location n'est que de 100 francs par mois», déclare Ernesto Ricou. L'animateur rêve aussi de pouvoir développer certains projets éducatifs.
Non sans embarras, il a donc sollicité un soutien auprès de la ville de Lausanne. Message reçu? «Nous saluons le travail qui est fait par M. Ricou et son association avec peu de moyens, souligne Michel Cambrosio Redmer, chef du Service du travail et de l'intégration. Nous leur avons déjà accordé une aide par le passé et il n'est pas impossible qu'on leur donne à nouveau un coup de pouce.» La décision devrait tomber dans les prochaines semaines.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier



Musée de l'immigration, av. de Tivoli 14

Ouvert les mercredis (10 h-12 h; 14 h-18 h) et samedis (14 h-18 h)