mercredi 19 octobre 2011

«Le manque de transparence en matière de détention administrative est inquiétant»

Michael Flynn, responsable du «Global Detention Project» à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), vient de publier un rapport sur la Suisse. Il critique le manque de transparence qui entoure la détention de requérants d’asile déboutés.

Avec son documentaire Vol Spécial, Fernand Melgar a mis sur le devant de la scène la prison de Frambois (GE), centre de détention administrative où des clandestins et requérants d’asile déboutés sont enfermés en vue d’une éventuelle expulsion. Un thème qui intéresse depuis longtemps Michael Flynn. Il vient de publier, avec sa collègue Cecilia Cannon, un rapport sur la détention administrative en Suisse. Entretien.

Le Temps: Votre rapport sur la Suisse s’inscrit dans le cadre d’un projet global sur la détention administrative. Quel est son but?

Michael Flynn: C’est un projet que je mène depuis six ans pour l’IHEID. Comme journaliste d’investigation aux Etats-Unis, je m’intéressais en particulier aux conséquences de la politique d’immigration de mon gouvernement, sur les pays d’Amérique latine notamment. Et la question de la détention administrative est importante. J’ai voulu voir ce qui se passe ailleurs en matière d’incarcération des migrants. Un but important de ce projet, qui récolte des informations sur de nombreux pays, est de faciliter la transparence dans le domaine. Notre rôle n’est pas de dénoncer. Pour la Suisse, nous avons eu des difficultés à récolter les données…

– Justement: qu’est-ce qui vous a le plus frappé?

– L’Office fédéral des migrations nous a dit qu’il ne pouvait pas nous préciser combien de centres de ce type existent en Suisse, la détention administrative et l’exécution des renvois étant de la compétence des cantons. Un rapport du Département fédéral de justice et police fait état de 476 places, mais sans en préciser la répartition. Nous avons donc dû contacter chaque canton. Nous avons eu un problème similaire avec l’Allemagne.

– Et tous les cantons n’ont pas joué le jeu…

– Juste. Nous avons recensé 27 centres de détention administrative, répartis en différentes catégories. Mais seuls 18 cantons ont répondu de manière complète. Ceux de Berne, du Valais et des Grisons n’ont pas répondu; Nidwald a refusé de nous transmettre des informations, Soleure a indiqué que ces données étaient confidentielles et le Tessin et Vaud n’ont que partiellement répondu. Le Jura nous a demandé des informations supplémentaires, mais ne nous a par la suite pas fourni de réponse. Ce manque de transparence est inquiétant.

– Globalement, comment la Suisse se situe-t-elle par rapport aux pays voisins?

– Les pratiques sont très contrastées entre les cantons, donc comparer n’est pas évident. Frambois a par exemple plutôt la réputation d’offrir des conditions correctes: contrairement à d’autres centres de détention administrative, les déboutés ne sont pas enfermés dans leur cellule durant la journée. Mais prenons la durée moyenne de séjour: en Suisse, elle est de 24 jours contre 10 pour la France (chiffres de 2009). En revanche, le chiffre est bien plus élevé pour le Royaume-Uni: il est de 100. Et il n’y existe pas de limite maximum, alors qu’en Suisse, la détention administrative ne peut pas excéder 18 mois.

– Constatez-vous une évolution négative en matière dans le domaine?

– Encore une fois, notre rôle n’est pas de dénoncer. Mais la criminalisation grandissante des violations des lois sur l’immigration m’inquiète. L’Italie a par exemple adopté en 2009 une loi qui qualifie l’immigration clandestine de délit (l’entrée ou le séjour illégaux sont passibles d’une amende de 5000 à 10 000 euros). Une tendance à laquelle la Suisse n’échappe pas. Selon des experts en droits de l’homme, les personnes en détention administrative devraient par ailleurs être retenues dans des structures indépendantes et pas dans les mêmes bâtiments que des détenus relevant du droit pénal. Or ce n’est pas toujours le cas.

Valérie de Graffenried dans le Temps

 

Un antisémite à la tête d’un théâtre de Budapest

L’extrémisme de droite menace la société hongroise. Il occupe de plus en plus le terrain politique et s’immisce désormais sur la scène artistique, suscitant la colère des milieux culturels.

La nomination le 7 octobre à la tête du Nouveau théâtre de Budapest (Uj Szinhaz, en hongrois) de deux personnalités de l’extrême droite a suscité la colère des milieux culturels. La commission avait dans un premier temps décidé de reconduire le directeur sortant, Istvan Marta, mais c’était sans compter l’avis du maire de Budapest, Istvan Tarlos, qui a usé de son droit de veto pour faire passer un tandem controversé: l’acteur György Dörner et le dramaturge et politicien Istvan Csurka.

Contexte délétère

Cette désignation intervient dans un contexte délétère. La première partie de l’année a été marquée par une loi contre la liberté de la presse, que seules les pressions de la communauté européenne ont permis d’amender. Accusé de ne pas faire respecter les droits que garantit pourtant la Constitution européenne, le premier ministre Viktor Orban a préféré reculer pour éviter une confrontation. Ces derniers mois ont vu une recrudescence des violences contre les Roms et la promulgation de nouvelles lois contre la mendicité et le vagabondage. De plus en plus, les extrémistes de droite occupent le terrain politique et ils s’immiscent désormais sur la scène artistique.

György Dörner a longtemps milité au sein du Jobbik, un parti d’extrême droite qui est entré au parlement en mai 2010 avec près de 17% des voix aux législatives. Comédien médiocre, il s’est replié sur le doublage des voix d’acteurs américains connus parmi lesquels Eddie Murphy et Bruce Willis. Ses prises de position contre la dépravation de la scène théâtrale hongroise l’ont assis comme chantre des valeurs nationalistes.

György Dörner a choisi Istvan Csurka comme administrateur. Ce dernier est une figure emblématique de l’extrême droite et dirige le Parti hongrois de la justice et de la vie (MIEP). Il milite en faveur des minorités hongroises séparées de la mère patrie par le traité de Trianon (en 1920) et a fait de ce thème, en tant que dramaturge, le leitmotiv de son théâtre. Ses anathèmes antisémites ont fait sa notoriété.

Dans son dossier de candidature, Istvan Marta, le directeur sortant, a exposé ses priorités et donné sa programmation à venir sur 200 pages: «Je dirige depuis treize ans cette scène, et j’ai réussi à en faire un lieu populaire et, grâce à une gestion scrupuleuse, rentable, c’est un carrefour entre les répertoires magyar et international, entre diverses formes d’art.» De leur côté, Istvan Csurka et György Dörner ont livré leurs propositions politiques dans un pamphlet de 16 pages où le mot «national» revient 34 fois et «magyar» 35. Ils fustigent l’abâtardissement des milieux culturels hongrois et proposent d’en revenir à un art plus proche du cœur campagnard de la Hongrie, «l’arrière-pays». Selon Istvan Marta, au vu des dossiers, il ressort que ce ne sont pas des considérations artistiques qui ont guidé le maire de Budapest dans son choix.

Manifestation et pétition

Des milliers d’écrivains, d’artistes et d’acteurs culturels ont défilé samedi pour dire leur désapprobation et une pétition a circulé pour demander au maire de revoir sa copie. En vain. Istvan Marta s’est rendu chez le maire pour trouver une solution et l’a interrogé sur les raisons de son choix, mais, selon lui, le maire est resté mutique et a refusé de se justifier: «Les rumeurs disent que Viktor Orban est derrière le maire.» D’où qu’elle vienne, cette nomination permet au maire et à son parti, le Fidesz, de flatter les électeurs sensibles aux thèmes nationalistes. D’autre part, elle donne des gages aux partis les plus extrémistes et peut-être même initie un rapprochement opportuniste.

L’extrême droite se félicite de cette nomination. Le Jobbik a pris pour cible les milieux culturels du pays. Il fait pression depuis une année pour que soit révoqué le directeur du Théâtre national de Budapest, Robert Alföldi, dont le mandat court pourtant jusqu’en 2013. Les députés du Jobbik critiquent son manque de patriotisme et, pour railler son homosexualité, l’appellent ouvertement Roberta.

Le responsable de l’Association des communautés juives de Hongrie, Peter Feldmajer, pense qu’une étape a été franchie: «Une passerelle a été jetée entre la droite conservatrice, dont le maire fait partie, et un élément antidémocratique et antisémite, Istvan Csurka.» Tout n’est pas encore perdu pour Istvan Marta. «Le parti LMP a entrepris une démarche légale pour contester la décision du maire. J’espère encore.»

De son côté, György Dörner a annoncé qu’il annulerait les pièces programmées par son prédécesseur. Les spectateurs ne verront peut-être pas la Montagne magique de l’écrivain allemand Thomas Mann, programmée pour la mi-février, en adaptation théâtrale hongroise.

Boris Mabillard dans le Temps

Des Roumains payés 10 euros de l'heure sur un chantier SIG ?

Des Roumains ont affirmé au syndicat SIT être payés 10 euros de l'heure pour poser des panneaux photovoltaïques sur le toit de Palexpo.

© Patrick Gillieron Lopreno

Le syndicat SIT dénonce un nouveau cas de sous-enchère salariale à Genève. Après le chantier de la Rampe de Vésenaz fermé lundi suite aux allégations du syndicat Unia (voir l'article d'hier), place au plus grand toit solaire de Suisse à Palexpo. Les quinze ouvriers chargés de la pose de panneaux photovoltaïques ont déclaré aux syndicalistes du SIT percevoir 10 euros (environ 12 francs) de l’heure depuis le début des travaux voilà un mois, alors que les minima dans la branche oscillent entre 25 et 31 francs à Genève.

Sous-traitance en chaîne

Les Services Industriels de Genève (SIG), maîtres d’ouvrage, ont sous-traité la pose des panneaux à une société belge, Derbigum, qui a elle-même mandaté une entreprise roumaine, Zorenca. Cette dernière, qui emploie les 15 travailleurs en question pour la durée des travaux, est en charge du versement des salaires des ouvriers concernés par l’affaire.

Mais également de leur logement. Les employés ont affirmé au syndicat dormir sommairement dans des caravanes en France voisine depuis le début des travaux. «Voilà la nébuleuse de la sous-traitance. Ces ouvriers sont payés par la société roumaine, quand le répondant sur le chantier appartient à Derbigum», s’insurge Sylvain Lehmann, du SIT.

Suite au coup d’éclat du syndicat via les médias, les SIG ont riposté par un autre communiqué de presse dans la soirée. Pour l’entreprise genevoise, les informations récoltées auprès de la société belge tendent à prouver «qu’elle et ses sous-traitants respectent les conditions salariales répondant aux normes en vigueur appliquée à Genève et ont été validées par l’Office cantonal de l’inspection et les relations du travail (OCIRT).»

Une réunion entre le syndicat et les SIG est prévue jeudi après-midi. «Là, nous jugerons sur pièces, avec présentation des contrats et des salaires versés», déclare le secrétaire syndical, qui apprécie la prise au sérieux de l’affaire par les SIG.

Julien de Weck dans la Tribune de Genève

Deux Kosovars portent plainte contre une affiche de l'UDC

Une publicité de l'UDC sur l'initiative "contre l'immigration de masse" fait l'objet d'une plainte pour discrimination raciale. Elle a été déposée par deux Kosovars.

Une affiche de l'UDC contre l'immigration massive

Une affiche de l'UDC contre l'immigration massive © KEYSTONE

Deux Kosovars ont déposé une plainte pénale pour discrimination raciale contre une publicité de l’UDC sur l’initiative «contre l’immigration de masse». Le Ministère public zurichois a reçu la plainte vendredi, a indiqué le procureur Hans Maurer à l’ats, confirmant une information de 20 Minuten.

La procédure concerne une annonce ayant pour titre «Des Kosovars poignardent un Suisse!». Elle faisait allusion à un fait divers survenu le 15 août à Interlaken (BE) et qui serait soi-disant la conséquence d’une immigration de masse incontrôlée. Quelques journaux ont accepté de publier cette annonce en la mettant au singulier: «Un Kosovar poignarde un Suisse!». Le slogan d’origine a par contre été affiché sur Internet. L’annonce enfreint la norme anti-racisme, a expliqué l’avocat des plaignants David Gibor à l’ats. Elle appelle publiquement à l’exclusion collective d’une ethnie.

De son côté, l’UDC reste sereine. La plainte n’est pas fondée, estime son secrétaire général Martin Baltisser. Le parti n’a rien fait d’autre que de représenter un événement qui s’est réellement produit.

Le Matin