samedi 17 janvier 2009

Sans-papiers: l'Eglise de Zurich évite le terrain politique

   RACHAD ARMANIOS    

ReligionsASILE - Lors de l'occupation de la Predigerkirche, l'Eglise réformée a joué un rôle de modérateur. Prise entre ses ailes gauche et droite, elle a évité de se positionner. 
La politique des bons offices. Peu avant Noël, l'Eglise réformée zurichoise a été mise au pied du mur par l'occupation de la Predigerkirche par cent cinquante sans-papiers. Elle a alors soigneusement évité de s'engager sur le terrain politique. Durant dix-neuf jours (dont trois dans une autre église), ces recalés de l'asile ont protesté contre la pratique particulièrement dure du canton en matière d'asile. Celui-ci se refuse à requérir la régularisation des fameux «cas de rigueur» qui pourraient être soumis à Berne. Malgré les fondements bibliques – «J'étais un étranger et vous m'avez accueilli» – et le refus des Eglises suisses de la nouvelle loi sur l'asile en 2006, l'institution zurichoise a adopté une neutralité toute helvétique, prise entre les différents courants qui la composent. Jouant la médiatrice entre le Conseil d'Etat et les sans-papiers, l'institution religieuse a obtenu la fin de l'occupation il y a dix jours en échange d'une rencontre avec le conseiller d'Etat Hans Hollenstein. Durant celle-ci, le magistrat a accepté une proposition de l'Eglise, s'engageant à tenter de réactiver la commission pour les cas de rigueur, un groupe d'experts qui statuait il y a plusieurs années sur les demandes en la matière à la place de l'Office cantonal des migrations. Encore faut-il qu'une majorité du parlement cantonal se laisse convaincre. Pour l'heure, le dossier n'a pas avancé, confie Stefan Schlegel, porte-parole de l'association Bleibe Recht für Alle (droit de rester pour tous), qui a soutenu l'occupation. 


Un lieu de refuge

«C'est le prestige de l'Eglise qui a permis cette rencontre, explique-t-il. Formellement, le conseiller d'Etat a reçu ses représentants, nous n'étions que des accompagnateurs.» 
«Le président du Conseil de l'Eglise (l'exécutif) Ruedi Reich – comme Hans Hollenstein – ont exigé la fin de l'occupation comme préalable au dialogue», explique Nicolas Mori, directeur de la communication de l'Eglise. 
Celle-ci refusait-elle de se laisser instrumentaliser? «Elle ne voulait pas céder au chantage. Mais peut-être est-ce son devoir que de se laisser instrumentaliser?», répond M. Mori. Il dit comprendre les motivations des sans-papiers: «S'ils avaient occupé un bureau de l'administration, la police aurait été sur place dans les cinq minutes. Les églises ont toujours été un lieu de refuge.» 
Confrontée à l'occupation, l'Eglise a réagi de plusieurs façons. «Des fidèles se sont spontanément solidarisés avec les sans-papiers, se fondant sur les valeurs bibliques et l'héritage zwinglien, raconte Nicolas Mori. Mais d'autres ont rappelé qu'il fallait respecter le durcissement de l'asile voulu par la société suisse. Cette aile a rappelé que l'Eglise n'est pas responsable de la situation des sans-papiers, que son rôle n'est pas de faire de la politique. Par conséquent, elle devait demander à la police de faire évacuer la Predigerkirche.» 


La pluralité des points de vue

Le «difficile chemin médian» choisi par les membres du Conseil de l'Eglise – eux-mêmes divisés sur la question – a été de jouer les médiateurs, poursuit notre interlocuteur. «Pour beaucoup de fidèles, c'était déjà prendre position, comme le fait de parler aux sans-papiers ou de ne pas appeler la police!» 
A l'inverse, Stefan Schlegel reproche à l'Eglise de ne pas s'être «mouillée» politiquement, sous prétexte de respecter la pluralité des points de vue en son sein. «A Zurich, l'Eglise a historiquement toujours influé sur la politique, plus qu'aucun autre acteur. Zwingli a renforcé le système social de la ville, fondé des hôpitaux et des écoles!» Plus proche de nous, les Eglises suisses ont clairement pris position contre la loi sur l'asile en 2006, l'Eglise zurichoise comprise. 
«La majorité de nos membres y était favorable. Les fidèles de la campagne, proches de l'UDC, nous ont reproché, à nous de la ville, de ne pas comprendre leurs idées», se souvient Nicolas Mori. 
«Une Eglise doit toujours faire une pesée d'intérêt, commente un observateur: jusqu'à quel point peut-elle être en porte-à-faux avec ses fidèles? Peut-elle prendre le risque de froisser ses donateurs?» 
Dans le riche canton de Zurich, c'est l'action des sans-papiers qui semble avoir froissé les esprits. I



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UNE GESTION DIFFICILE POUR LA PAROISSE

   RA    

«L'Eglise nous a accusés de la prendre en otage, rapporte Stefan Schlegel, porte-parole de Bleibe Recht für Alle. C'est clair, nous l'avons utilisée pour faire pression sur le gouvernement, mais elle n'est pas responsable de la situation des sans-papiers. Pourtant, nous lui avons donné une occasion de mettre en pratique les valeurs bibliques qu'elle défend. Mais, fidèle à la posture très intellectuelle du christianisme zwinglien, elle a préféré prendre ses distances.» 
Quant aux responsables paroissiaux de la Predigerkirche, «ils ont reproché aux sans-papiers de perturber l'harmonie de l'église», rapporte Stefan Schlegel. «Ils ont témoigné de la sympathie pour les sans-papiers et leur cause, mais, en période de Noël où les services religieux sont nombreux, ils devaient répondre à leurs obligations, c'était dur pour eux», rétorque Nicolas Mori. Difficile, en présence de tant de personnes dormant et mangeant dans l'église, de garantir une atmosphère de culte, explique en substance le porte-parole. «Sans compter que l'église est aussi un lieu d'habitation paroissial, ajoute-t-il. Après quelques jours, sur les nerfs, une responsable s'est emportée.» RA

Mendiants traqués: mal joué


Le magistrat Laurent Moutinot médiatise une opération policière et se met une partie de la classe politique genevoise à dos. Il tente de justifier l'initiative

Fabiano Citroni - le 16 janvier 2009, 21h50
Le Matin


C'est ce qui s'appelle un coup raté. Jeudi, le patron politique de la police genevoise, Laurent Moutinot (soc.), décidait de médiatiser une action des forces de l'ordre visant à traquer les mendiants, des Roms de Roumanie. Mais cette opération menée à trois semaines de la votation sur l'extension de la libre circulation des personnes à la Roumanie suscite l'incompréhension d'une partie de la classe politique. Le problème résumé en trois points.

Amalgame
«L'UDC prétend qu'il y aura une invasion des Roms en cas de oui le 8 février. Or les mendiants roms n'ont rien à voir dans la campagne puisque les Roumains souhaitant s'établir dans notre pays devront être au bénéfice d'un contrat de travail. Avec son opération, Laurent Moutinot laisse entendre qu'il y a un lien entre les deux. Quelle erreur», estime le conseiller national Antonio Hodgers (Verts/GE).

Son collègue libéral Christian Luscher se veut positif: «Si certains font un amalgame entre l'extension à la Roumanie et un afflux de mendiants, il faut leur dire que la question des Roms n'entre pas dans la campagne des bilatérales. La mendicité est interdite à Genève et le restera quel que soit le résultat de la votation.»

Chiffres pas bons
Jeudi, la police a contrôlé 27 mendiants. Et constaté qu'ils étaient démunis de moyens d'existence au sens de la loi sur les étrangers. «Ils ne peuvent donc pas rester en Suisse», explique le porte-parole de la police, Patrick Pulh. Le Conseil d'Etat leur a donc mis un car à disposition pour les ramener en Roumanie. Seuls sept mendiants ont utilisé ce moyen de transport. Les autres ont décidé de rentrer par leurs propres moyens. L'ont-ils vraiment fait? Impossible de le savoir. «Le Conseil d'Etat voulait montrer qu'il est capable d'appliquer la loi et de stopper les abus. Il a donc mobilisé trente gendarmes qui n'ont arrêté que 27 mendiants sur quelque 400. Et sur ces 27, 7 seulement ont quitté le pays. Le gouvernement a raté son coup», estime le conseiller national Yves Nidegger (UDC/GE).

Propagande
«On me reproche souvent de ne pas dire ce que je fais, explique Laurent Moutinot. J'ai donc voulu montrer que la police applique la loi sur la mendicité. Il est aussi vrai que j'ai subi des pressions des partisans du oui à l'extension de la libre circulation. Pour eux, sanctionner les mendiants et limiter leur nombre est le moyen de faire tomber l'argument des partisans du non, qui affirment qu'il y aura un afflux de mendiants.»

Antonio Hodgers ne peut tolérer ces propos. «Il est scandaleux d'utiliser d'une manière ou d'une autre la police dans le cadre d'une votation. Sur le principe, ça me dérange.» Réponse de Laurent Moutinot: «Je dois avant tout faire appliquer la loi interdisant la mendicité. Si je ne dis pas ce que je fais, on me reproche d'attiser la xénophobie. Et si je le dis, on me reproche de créer des amalgames. La médiatisation de notre opération aura peut-être des effets pervers, mais il n'y a pas de solution miracle.»

   PROPOS RECUEILLIS PAR FABIO LO VERSO    

GenèveMENDICITÉ - En refoulant vingt-six Roms, le conseiller d'Etat Laurent Moutinot saute de façon spectaculaire dans la campagne en vue du vote du 8 février prochain. 
Longtemps, Laurent Moutinot a combattu l'introduction d'une loi sur la mendicité. Hostile à la pénalisation de ceux qui «tendent la main», le conseiller d'Etat a autorisé, jeudi dernier, une vaste rafle visant à renvoyer les ressortissants roumains faisant la manche. Vingt-six personnes et un bébé ont été refoulés[1]. Avec ces expulsions, le socialiste déboule avec fracas dans la campagne sur la libre circulation. Entretien. 

Vous qualifiez d'«inutile» l'interdiction de la mendicité. Pourquoi l'utilisez-vous avec autant de zèle? 
Je me suis opposé à cette loi dans un élan, hélas, plutôt solitaire. J'étais convaincu qu'elle n'aurait pas d'effet dissuasif, je ne me suis pas trompé. Les Roms ne fuient pas Genève. Ils restent, même si on vide leur gobelet. Mais je tiens à préciser que, au niveau des principes, je suis toujours choqué qu'on doive punir la mendicité. Comme le montrent les renvois de jeudi, avec la loi sur les étrangers, on détient un instrument pour agir contre les mendiants en situation irrégulière. Il n'y a pas besoin d'en faire des délinquants. 


Vous affirmez que les renvois ont été décidés en fonction du vote sur la libre circulation. La traque des Roms est-elle un argument de campagne? 
Ce que j'ai affirmé sur les ondes de la Radio suisse romande (RSR) ne doit pas être compris de cette façon. J'ai simplement décidé de donner de la publicité au travail de la police au sujet des mendiants roms, en invitant la RSR et la Tribune de Genève à suivre l'action sur le terrain. C'est cet écho médiatique qui a été recherché en fonction du vote du 8 février. On n'a pas chassé les vingt-six Roms en vue de cette échéance. On a en réalité tenu à montrer ce que régulièrement les policiers font dans la plus grande discrétion. Plus de deux mille vérifications ont été effectuées en un peu plus d'un an. Je voulais faire la démonstration qu'on s'occupe du sujet. 


Cette médiatisation a-t-elle été orchestrée à des fins de propagande policière? 
On m'a souvent reproché de ne rien faire pour satisfaire l'interdiction légale de la mendicité. A entendre mes détracteurs, à cause de cette prétendue passivité, je serais responsable de l'amalgame que certains osent faire entre les mendiants roms, la Roumanie et la libre circulation. Il est vrai que la publicité donnée à l'action policière constitue une réponse à mes accusateurs. Mais ces derniers ne représentent pas ma cible principale. Je voulais surtout montrer que la libre circulation n'a aucun impact sur la problématique des mendiants. Après le vote du 8 février, il n'y aura pas plus de mendiants qu'aujourd'hui. 


Quelle signification donnez-vous au concept hybride de renvois volontaires? 
Il est vrai que ce concept est hybride. Mais il faut l'entendre comme une incitation à quitter spontanément le territoire. Or une telle incitation doit à mon sens être suivie d'un geste de la part des autorités. C'est pourquoi nous avons affrété un autobus pour faciliter le départ des Roms. 'Volontaires' veut également dire que personne n'a été menotté ou forcé à monter dans le bus. Un choix que seulement une partie des ressortissants roumains ont d'ailleurs décidé de faire. 'Renvois volontaires' n'est de loin pas la formule que j'affectionne le plus, mais elle a une signification, même si elle n'apparaît pas de prime abord. 


Des renvois volontaires devraient idéalement être assortis d'un délai, même très court, de quelques jours à peine. Pourquoi les policiers ne l'ont-ils pas respecté? 
L'action des agents de police a peut-être été 'très incitative'. Mais les Roms ont été informés de manière complète des choix qui se présentaient à eux, et des conséquences liées à ces choix. Certains d'entre eux ont préféré prendre une décision rapidement, sans attendre. Ils ont alors opté pour le bus à destination de la Roumanie. D'autres ont réfléchi avant de rentrer par leur propres moyens. 


A l'égard des amendes et des gobelets vidés, les vingt-six renvois exécutés jeudi auront-ils un effet plus dissuasif? 
On verra d'ici à quelques semaines. I 
Note : [1]Le Courrier du 16 janvier 2009.



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«LA MAJORITÉ DES REFOULÉS ONT REJOINT LA FRANCE»

   fabio lo verso    

Sur les vingt-six Roms renvoyés, seuls sept sont montés jeudi soir dans l'autobus spécial affrété pour la Roumanie. Un couple avec un bébé a été escorté vers la frontière de Bardonnex, alors que les dix-sept autres prévenus ont décidé durant la nuit de quitter la Suisse par leurs propres moyens. «Leur intention a été suivie d'effet. Selon nos informations, ils ont rejoint le territoire français», assure Patrick Puhl, porte-parole de la police genevoise. 
Quatre fourgons et une trentaine de policiers ont été mis à pied d'oeuvre pour sillonner les rues de la ville. L'imposante rafle effectuée jeudi dernier a été décidée en relation avec l'interdiction genevoise de la mendicité. Mais les renvois se sont appuyés sur la loi fédérale sur les étrangers, «dans la mesure où les ressortissants roumains étaient dépourvus de moyens d'existence», précise M.Puhl. Ils ont également été «déclarés en contravention à plusieurs reprises», rappelle un lieutenant dans la Tribune de Genève. 
Le porte-parole de la police affirme que l'Office fédéral des migrations (ODM) a été informé de l'opération visant à renvoyer ces ressortissants dans leur pays. Contrevenant à la législation nationale, les vingt-six Roms étaient acculés au départ: «S'ils avaient refusé de quitter le territoire, ils auraient été interpellés, retenus à l'hôtel de police, et rapidement fait l'objet d'un rapatriement forcé», précise-t-il. Techniquement, ces mendiants ont subi une «mesure d'éloignement»

Blocher accuse Evelyne Widmer-Schlumpf de mal gérer l'asile

Extrait d'une dépêche de l'ATS

...Un peu plus tôt, Christoph Blocher a accusé Eveline Widmer-Schlumpf d'être responsable de la forte hausse des demandes d'asile qu'a connue la Suisse en 2008. Cela ne serait pas arrivé dans un département "correctement géré", a-t-il dit.

L'ex-conseiller fédéral zurichois a reproché à sa successeure au Département fédéral de la justice de ne pas appliquer strictement les lois sur l'asile et de chercher des excuses à la place de résoudre les problèmes. Le Zurichois - lui-même à l'origine de la dernière révision de ces lois - a appelé son parti à refuser d'éventuels crédits supplémentaires dans ce domaine.

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