lundi 21 février 2011

Rébellion au centre fermé 127bis

belgique rébellion asileUne partie du bâtiment du centre 127bis de Steenokkerzeel est inhabitable. Dimanche soir, des incidents ont éclaté : des demandeurs d'asile ont voulu dénoncer leurs conditions de détention ; ils ont bouté le feu aux locaux.

Le climat était particulièrement tendu. Certains ont menacé de se pendre, d'autres sont montés sur les toits et ont tenté d'escalader les grillages.   La direction du centre a évacué 23 détenus vers Merksplas, Vottem et Bruges. Tout à commencé en fin de journée. Plusieurs associations manifestaient devant le centre 127 bis en solidarité avec les détenus en grève de la faim depuis la semaine dernière. 

Certains demandeurs d'asile ont commencé à discuter aux fenêtres. Ils ont ensuite arraché des papiers qui se trouvaient dans les chambres. Certains ont bouté le feu. Ils sont ensuite sortis dans la cour aux cris de "liberté, liberté" et dénonçaient les faits et le racisme dont ils sont, disent-ils, victimes.

Dimanche soir, vu l'état d'une partie du bâtiment, la direction a dû évacuer une trentaine de détenus vers d'autres centres. Une méthode assez courante pour séparer les détenus. Après l'évacuation de détenus, le calme est revenu au centre 127 bis.

La police locale va évaluer les dégâts

La police locale de la zone Kastze (Kampenhout, Steenokkerzeel, Zemst) va évaluer lundi matin les dégâts occasionnés. Selon l'officier de garde de la police, Alex Mylemans, le feu n'a fait que des dégâts secondaires par rapport à ceux occasionnés par les vandales dont "certains se sont comportés comme des sauvages". Les dégâts les plus importants ont été causés dans l'aile réservée aux hommes où les incidents ont éclaté. Une deuxième aile où sont également logés des hommes est aussi provisoirement inhabitable. Selon le porte-parole de la police, tous les sanitaires et tous les éclairages ont été endommagés.  A la suite d'un court-circuit, il n'y a plus non plus d'électricité. " Nos troupes d'élite ont sorti un à un les fauteurs de trouble du centre. Certains s'étaient armés avec des couteaux provenant de la cuisine. Malgré l'importance des dégâts matériels, personne n'a été blessé", a précisé Alex Mylemans.

N. Servais pour la RTBF avec Belga

"Les mendiants roms n'affectent pas la sécurité"

Pressenti pour devenir «Monsieur Roms» à Lausanne, le sergent Glassey tord le cou aux idées reçues.

lausanne glassey roms médiationLes Roms, Gilbert Glassey a appris à les connaître en Roumanie. Il y est allé une bonne trentaine de fois en vingt ans et maîtrise la langue du pays. Tant et si bien que le municipal Marc Vuilleumier souhaite en faire le «Monsieur Roms» de Lausanne.

Rien n’est décidé, vu la controverse exacerbée par l’initiative pour l’interdiction de la mendicité. Gilbert Glassey, 56 ans, est sergent à la police de Lausanne. Uniforme et médiation sont-ils compatibles? A la Municipalité de trancher. Ce qui est sûr, c’est que le sergent Glassey n’a pas attendu la campagne électorale pour s’employer à «cadrer» les mendiants venus de Roumanie.

Qui sont-ils?

Les premiers sont arrivés en 2007. Rattaché au poste du quartier de la gare, au bas du Petit-Chêne, le sergent Glassey est allé à leur rencontre. «Le moment où ils se retrouvent pour partager leur casse-croûte est pratique pour nouer le dialogue.» La démarche n’est pas répressive. «Je leur explique les règles minimales, les invite à se déplacer quand ils provoquent une gêne, et réponds à leurs questions. Par grand froid, je les encourage à bouger.»

Et la délinquance dont on les accuse? «Il ne faut pas mettre tous les Roms dans le même panier.» Les groupes claniques sont nombreux, chacun provenant en général d’un même village ou quartier. «Certains sont spécialisés dans les cambriolages mais jamais vous ne les verrez mendier», garantit Gilbert Glassey. Idem pour ceux qui pratiquent l’arnaque à la bague d’or, celle qu’on laisse tomber devant une passante avant de tenter de la monnayer. «Ce sont des Fusars, trop fiers pour tendre la main.» Alors, qui sont ces mendiants affalés dans les rues commerçantes de Lausanne? «Ils sont une cinquantaine. La plupart viennent de villages des districts de Sibiu et d’Alba, dans les Carpates.» Le sergent Glassey connaît presque chacun d’eux: «Cela fait déjà quelques années qu’ils passent ici l’hiver, saison durant laquelle ils ne trouvent aucun travail chez eux.»

Ne font-ils que mendier?

Les activités de ces Roms se limitent-elles vraiment à la mendicité? «Oui, et même le plus souvent à une mendicité passive. Parfois, à la sortie d’un supermarché, ils aident des personnes âgées à ranger leur caddie et tendent la main ensuite. Mais nous n’avons connaissance d’aucun cas où une marchandise aurait été dérobée.»

Tout de même, on a vu des jeunes femmes roms mendier avec leur bébé dans les bras. «Cette pratique était celle d’un groupe de femmes en provenance du district de Lalomita, au sud-est de la Roumanie. Nos discussions l’ont amené à partir. Depuis, nous n’avons plus constaté de situation de mendicité impliquant des enfants.»

Et cette suspicion selon laquelle les mendiants roms seraient sous la coupe de réseaux de nature mafieuse? «A Lausanne, rien ne laisse supposer une telle organisation.» Tout au plus les quelques dizaines de francs récoltés durant la journée sont-elles réparties sous l’autorité du chef de famille.

Reste la prostitution à laquelle seraient contraintes de jeunes femmes roms, évoquée notamment par le chef des affaires sociales lausannoises. «Cette accusation ne repose sur aucun fait constaté par la police», réagit le sergent Glassey, qui s’en réfère à Joël Vincent, chef de la brigade lausannoise des mœurs. Celui-ci confirme: «Nous n’avons enregistré la présence d’aucune femme d’origine rom parmi les prostituées de Roumanie ou de Bulgarie. Et aucun Rom n’a été impliqué pour proxénétisme.»

Qu’en faire?

Si ces Roms ne font que tendre la main, pourquoi suscitent-ils autant d’émotion? Le sergent Glassey se garde d’entrer sur le terrain politique. Il se limite à une analyse fondée sur ses observations: «Les mendiants troublent la tranquillité publique, mais pas la sécurité.» La réponse est encore plus lapidaire quand on l’interroge sur l’intérêt d’une interdiction de la mendicité: «Le problème n’est pas là.»

Alors que faire? «Je leur explique qu’ils n’ont aucun avenir ici.» Dans certains cas, ça marche. Comme avec ces Roms venus de Constanza qui, l’an dernier, lavaient les pare-brise des voitures à un carrefour. Quelques explications de vives voix et une dénonciation auprès de la préfecture pour infractions à la loi sur la circulation routière les ont convaincus de s’en aller.

Mais les Roms les plus démunis continuent à gagner davantage en mendiant dans nos villes qu’en restant chez eux. «En Roumanie où ils sont marginalisés, ils souffrent durement de la montée des prix.» Pourquoi ne pas leur offrir une prime au départ? «Parce que rien ne les empêcherait de revenir. Et l’aubaine en attirerait d’autres.»

Agir en Roumanie?

Hors d’une répression aveugle, le problème serait-il insoluble? Gilbert Glassey sourit doucement: «Dans mon village de Nendaz, en Valais, nous avons commencé à aider Gherla il y a 20 ans déjà.» Cette agglomération de Transylvanie compte 35 000 habitants. «Outre les colis que nous apportons aux habitants, nous avons collaboré au développement de l’hôpital et d’un collège, entre autres…»

Gilbert Glassey a découvert ainsi l’ampleur des difficultés auxquelles les Roms sont confrontés: «Pas facile de les aider, ils ne supportent aucun cadre.» La solution tient tout de même à une amélioration de leurs conditions de vie en Roumanie. Gilbert Glassey y conduira un nouveau convoi en octobre. «La grande priorité, c’est de lutter contre l’analphabétisme», ajoute-t-il.

Les effets de l’alphabétisation, le sergent Glassey les constate jusque sur son terrain, à Lausanne: «Ces jours, nous nous efforçons de contenir des tensions entre mendiants roms.» Certains disposent d’une certaine éducation: «Ils accusent les autres de compromettre la présence du groupe à Lausanne à cause de leur attitude.» Les Roms faisant la police entre eux, voilà qui ouvre une voie au médiateur Glassey!

Daniel Audétat

Craintes d'un afflux de réfugiés d'Afrique du Nord

lampedusa situation infographieDes milliers de migrants pourraient venir en Suisse. Mais la Confédération n’est pas prête.

Hier encore, treize migrants étaient interceptés au large de Lampedusa. En une semaine, près de 5500 Tunisiens ont débarqué sur l’île italienne. Si la vague révolutionnaire dans les pays d’Afrique du Nord est souvent saluée en Europe, elle fait aussi craindre un afflux de réfugiés. L’Italie évoque plus de 80 000 personnes. Et la Suisse ne sera pas épargnée.

«Théoriquement, il est possible que les pays maghrébins tombent les uns après les autres et que leurs citoyens fuient massivement», avertit, dans le SonntagsBlick, Alard du Bois-Reymond, directeur de l’Office fédéral des migrations. Seulement voilà: la Suisse n’est pas prête.

«Nous sommes très mal préparés», déplore Doris Fiala. La conseillère nationale (PLR/ZH) connaît le domaine puisqu’elle préside la Commission des migrants, des réfugiés et de la population du Conseil de l’Europe. «Les pays d’Afrique du Nord ont une population jeune. 60% des citoyens rêvent de venir en Europe pour travailler, dit-elle. Mais on ne peut pas tous les accueillir, notamment pour des raisons logistiques.»

Cantons pas d’accord

Le problème se pose particulièrement au niveau des structures d’accueil. Alors que la Confédération cherche des solutions, Karin Keller-Sutter, présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, avertit, dans la Luzerner Zeitung , que les structures sont presque pleines et suffiraient à peine à héberger provisoirement des réfugiés supplémentaires. Elle précise que les cantons ne veulent pas créer de nouveaux lieux d’hébergement.

D’autant que les réfugiés en question «ne relèvent pas de l’asile». «Ce sont exclusivement des jeunes hommes, note-t-elle. Il n’y a pas, à ma connaissance, de femmes et d’enfants. Ces hommes tentent leur chance comme réfugiés économiques.» Les laisser venir serait leur donner «de faux espoirs» de rester en Suisse.

Pour l’instant, les demandes d’asile n’ont pas encore augmenté en Suisse. Si cela devait arriver, la Confédération pourrait toujours faire valoir les Accords de Dublin, qui permettent de renvoyer le demandeur d’asile dans le premier pays par lequel il a transité. Mais, vu la situation en Italie, la démarche serait difficile. A cela s’ajoute un autre souci: «La Suisse a signé 45 accords de réadmission avec des pays étrangers. Mais elle n’en a aucun avec les pays d’Afrique du Nord, hormis l’Algérie», regrette Doris Fiala. Dans ces conditions, faire réadmettre les réfugiés dans leur pays d’origine s’avérera également problématique.

Pour elle, l’idéal serait d’éviter l’arrivée des réfugiés: «La Confédération doit donc collaborer davantage avec l’Union européenne et l’Italie.» Elle préconise une aide logistique pour la mise en place de camps d’accueil de réfugiés. «Et l’envoi de gardes-frontière suisses est aussi une excellente idée.»

Douaniers en Italie

Depuis jeudi, trois douaniers sont à disposition de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne. Selon la presse dominicale, il s’agit de deux spécialistes de la détection de faux documents et d’un expert en surveillance aérienne. Ils participeront à l’opération Hermes , qui vise à surveiller la frontière sud de l’Italie. Pour l’heure, ils n’ont pas encore été envoyés sur le terrain.

C’est la première fois que la Suisse prend part à une telle opération, en vertu des Accords de Schengen sur la libre circulation. En tout, 30 employés ont été formés et seront, à l’avenir, engagés dans diverses missions.

Nadine Haltiner dans 24 Heures

Ces précieux sans-papiers

Emmanuelle Auriol, de l'Ecole d'économie de Toulouse, fait par de son opinion sur la politique française à l'égard des sans-papiers, dans la rubrique Idées du Monde.

Le 10 février, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi sur l'immigration - il doit revenir en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 8 mars. Officiellement, il s'agit de lutter contre l'immigration clandestine en facilitant l'expulsion des sans-papiers. C'est un discours politique porteur quand on sait que 54 % des Français estiment que les pouvoirs publics ne luttent pas efficacement contre ce problème. Mais il est difficile de croire que cette politique vise réellement à son élimination.

Tout d'abord, aucune loi n'a jamais empêché des sans-papiers de franchir nos frontières.En 2005, on estimait le flot annuel de migrants clandestins à 800 000 vers l'Union européenne et à 350 000 vers les Etats-Unis.

5 milliards de profit

En revanche, plus les lois sont restrictives, plus les migrants prennent des risques et sont vulnérables une fois arrivés à destination. Près de 2 000 d'entre eux meurent chaque année en traversant la Méditerranée. Ces lois favorisent donc les mafias de passeurs, incontournables quand la répression s'intensifie. Par exemple, pour rejoindre les Etats-Unis, un migrant chinois doit débourser jusqu'à 75 000 dollars (55 500 euros). Intégrée au trafic de drogue et à la prostitution, l'industrie du passage de clandestins est florissante. En 2003, elle aurait généré 5 milliards de dollars de profits au Etats-Unis et 4 milliards d'euros en Europe.

Un moyen pourtant simple de décourager l'immigration clandestine est d'en limiter les bénéfices. Cela suppose de contrôler les entreprises qui emploient des clandestins, nombreux à travailler dans le BTP, la restauration, l'agriculture ou les services à la personne. Mais en dépit d'un discours politique dur, le gouvernement ne fait rien dans ce domaine.

Les entreprises de moins de dix salariés ne seront jamais contrôlées ; celles de plus de dix salariés, étant donné le nombre d'inspections visant le travail clandestin, le seront en moyenne une fois tous les 70 ans ! Les sommes englouties dans la répression des sans-papiers devraient plutôt être employées au contrôle des sociétés qui les exploitent. La Suède, qui a appliqué une politique de répression de la demande au marché du sexe en sanctionnant lourdement les clients, n'a quasiment plus de prostituées sur son territoire.

Le choix schizophrène qui combine les actions médiatisées de reconduite à la frontière à l'absence de sanction contre les entreprises n'est pas propre à la France.

Aux Etats-Unis, le nombre d'employeurs ayant payé plus de 5 000 dollars d'amende pour avoir fait travailler des clandestins - ils sont estimés à 12 millions sur leur territoire - est passé de quinze en 1990 à zéro en 2004 ! Sur la même période, le temps consacré par des inspecteurs du travail à vérifier le statut des salariés dans les entreprises a été divisé par 2,6 alors que celui consacré à surveiller la frontière avec le Mexique était multiplié par 2,9.

La proposition de réforme dite "No-Match", qui visait à obliger les employeurs américains à se séparer de salariés dont le numéro de sécurité sociale était erroné, a, elle, été abandonnée face à l'action des lobbies agricoles. Il est vrai que les clandestins constituent une main-d'oeuvre bon marché, et d'autant moins exigeante qu'ils sont l'unique cible de la répression. Ils génèrent des rentes pour tous ceux qui les exploitent, et ils ne votent pas. Pourquoi s'en séparer ?