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Ce qui nous convient le mieux, à nous autres Helvètes, c’est quand rien ne bouge. Voilà sans doute pourquoi nous éprouvons tant de peine à gérer notre «stock de population». Dans nos rêves idéaux, la Suisse devrait tourner autour de 6 millions d’habitants et n’en point dévier, la proportion d’étrangers rester stable, le chômage ne jamais dépasser la limite de 2% perçue comme simple variable d’ajustement, la classe riche rester riche, la classe moyenne rester confortablement moyenne, et la pauvreté n’être qu’une micro-anecdote de notre vie collective.
Or, parce que nous sommes un tout petit pays, nous avons, tout au long de notre histoire, connu les situations de population les plus contrastées. Nombre de nos ancêtres ont émigré pour fuir la pauvreté de notre terre. Aujourd’hui, le mouvement est exactement inverse: étrangers riches ou pauvres s’installent chez nous dès qu’ils en trouvent le moyen. Hier nous avions donc l’impression de nous vider de notre sang national, aujourd’hui celle de nous gonfler dangereusement de sang étranger. Bref, tout change, sauf une chose: notre sentiment d’inquiétude.
C’est la raison pour laquelle nos politiques de population sont les plus zigzagantes qui soient. Il y a quelques jours, le Conseil suisse de la science a averti qu’il nous fallait former 20% de médecins en plus si nous ne voulions pas nous trouver bientôt en manque. Or, rappelez-vous, il y a une dizaine d’années, lorsque fut introduit le numerus clausus dans plusieurs de nos universités, tout le monde s’angoissait: nous formions tellement de médecins, disait-on alors, qu’ils allaient sûrement finir par pointer au chômage. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, nous gémissions que nos jeunes allaient devoir chômer la moitié de leur vie, or, aujourd’hui, l’horlogerie, la mécanique, la construction, la banque manquent cruellement de main-d’œuvre…
Alors, halte-là! C’est quoi, ce binz? Sommes-nous donc incapables de voir plus loin que le bout de notre nez? La réponse à cette dernière question est hélas oui. Car, quand bien même nous sommes un peuple de montagnards (paraît-il), les pics et les creux conjoncturels nous affolent. Un petit manque de main-d’œuvre momentané ici? Nous tournons de l’œil, et organisons des formations à marche forcée. Un petit surplus? Nous sommes sûrs que le chômage généralisé nous guette, et que la mort est à nos trousses!
Un exemple actuel? Lorsque les étrangers du troisième cercle (non euro-américains) formés dans nos hautes écoles, avec doctorats, spécialisations de recherche et tutti quanti – je ne vous dis pas combien cela nous coûte collectivement – prétendent, les outrecuidants, rester en Suisse et y développer, qui sait, des entreprises de pointe, nous leur disons: «Pas de ça, Lisette! La loi est la loi! Vous devez retourner chez vous!» Et dans le même temps, nous importons des milliers de médecins étrangers pour faire marcher nos hôpitaux…
Politiques de population zigzagantes? Tout compte fait, non. Je crois que c’est pire que cela: nous n’avons aucune politique de population du tout, tant le moindre mouvement de population nous fait peur. Même une ombre, si elle bougeait un peu, nous flanquerait la trouille, je crois.
Après Lyon puis Genève, la mendicité a fait irruption dans les rues lausannoises. Depuis près de six mois, elle a pris une nouvelle dimension. Faux musiciens, mères de famille ou handicapés, souvent d'origine rom, ils tendent la main aux passants, espérant un peu de charité.
Le long de la rue de Bourg, il arrive qu'on en croise plusieurs à la suite. Et avec Genève qui s'apprête à serrer la vis, certains élus de droite vaudois craignent un afflux encore plus massif de mendiants. Alors que le Grand Conseil se penche ce matin sur le postulat de l'UDC François Brélaz demandant au Conseil d'Etat «d'étudier l'opportunité de prendre des mesures concernant la mendicité», son collègue de parti Claude-Alain Voiblet va déposer, ce soir une, interpellation allant dans le même sens au Conseil communal de Lausanne.
Le secrétaire romand du parti s'inquiète notamment de savoir si la ville a pris acte de cette situation préoccupante et si elle envisage des «mesures de police énergiques» afin de réduire la mendicité. «Véritable activité économique, organisée par des transports en commun depuis la Roumanie, ces mendiants sont clairement exploités», souligne l'interpellation.
«Rester attentif»Le municipal de la Police Marc Vuilleumier admet qu'une partie des mendiants actuellement à Genève pourrait faire le déplacement jusqu'à Lausanne en cas de durcissement de la part des autorités du bout du lac. Il tient toutefois à rappeler que la mendicité n'est pas illégale «l'on ne peut pas interdire la misère» et il regrette que même des mendiants puissent être exploités. «Ils doivent être traités avec humanité, même si on ne peut pas accueillir 200 à 300 mendiants au centre-ville de Lausanne.» Surtout qu'une la majorité d'entre eux viendraient en Suisse avec un statut de touriste.