mercredi 4 mars 2009

[Suisse] Le Conseil National part à la chasse des mariages blancs

législation | Le National a modifié le Code civil afin que les étrangers séjournant illégalement en Suisse ne puissent plus se soustraire par mariage à l’obligation de quitter le pays. La gauche critique une nouvelle stigmatisation des étrangers.

AP | 04.03.2009 | 12:16


Les étrangers séjournant illégalement en Suisse ne doivent plus pouvoir se soustraire par mariage à l’obligation de quitter le pays. Le Conseil national a approuvé mercredi un projet de modification du Code civil visant à empêcher les mariages fictifs. Elle oblige les fiancés étrangers à démontrer qu’ils séjournent légalement en Suisse. La gauche s’est opposée en vain, critiquant une nouvelle stigmatisation des étrangers.

"Il n’est pas admissible de contracter un mariage uniquement pour obtenir un permis de séjour", a déclaré au nom du Conseil fédéral la ministre de la justice Eveline Widmer-Schlumpf. Ancrer dans le Code civil l’obligation de démontrer la légitimité du séjour en Suisse permettra de lutter contre ces abus, ont expliqué de leur côté Toni Brunner (UDC/SG), à l’origine de l’initiative parlementaire, et Hugues Hiltpold (PRD/GE). Eveline Widmer-Schlumpf a souligné que 21 cantons ont approuvé le projet en consultation.

Il s’agit de combler une lacune de la loi sur les étrangers, qui laisse une marge d’appréciation aux services de l’état civil. Pour la majorité, il convient d’harmoniser les dispositions. "Au mariage de raison, au mariage d’argent, il ne faut pas ajouter le mariage de séjour", a aussi déclaré Yvan Perrin (UDC/NE). Selon des estimations de l’Office fédéral de l’état civil de 2004, entre 500 et 1.000 mariages sont conclus chaque année en Suisse manifestement en vue de contourner les dispositions sur les étrangers.

La gauche s’est élevée contre ce projet. "Arrêtez de faire du populisme primaire", a lancé Eric Voruz (PS/VD), expliquant que "le mariage est un droit fondamental pour tout être humain". Evoquant une "solution fictive à un problème fictif", Ueli Leuenberger (Verts/GE) a dénoncé une nouvelle stigmatisation de ceux qui n’ont pas de passeport à croix blanche. C’est une attitude hypocrite vis-à-vis des "sans papiers", qui vivent souvent depuis plusieurs années en Suisse.

Le Conseil national a finalement approuvé le projet par 104 voix contre 68, grâce à l’appui du camp bourgeois. Le dossier passe au Conseil des Etats. 

Le héros de la forteresse fait de la résistance


L'Irakien n'était pas dans l'avion qui a décolllé de Zurich ce matin. [Keystone]
L'Irakien qui a joué dans le documentaire «La Forteresse» du réalisateur vaudois Fernand Melgar peut rester provisoirement en Suisse. Il aurait dû être renvoyé lundi matin en Suède depuis l'aéroport de Kloten.

Dans la journée, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a émis une mesure superprovisoire contre son expulsion. Fahad Khammas aurait dû quitter la Suisse avec le vol Zurich-Stockholm de 06h30. 

Fernand Melgar a organisé une action de sensibilisation sur son sort lundi matin à l'aéroport. Le jeune homme s'est violemment débattu et le pilote de l'avion a exigé que l'homme sorte de l'appareil, après que les passagers se sont eux-mêmes révoltés, a précisé Fernand Melgar au téléjournal de la TSR.

Reproches à la police

L'avocate de Fahad Khammas a déposé ce week-end un recours auprès du TAF contre la non-entrée en matière de l'Office fédéral des migrations (ODM) sur la demande d'asile, a indiqué Denise Graf, coordinatrice auprès d'Amnesty International.

Le jeune homme ne peut ainsi provisoirement pas être expulsé vers la Suède. Denise Graf s'attend à une décision définitive du TAF d'ici deux semaines.

Sur la base d'indications données par l'avocate de l'Irakien, la section suisse d'Amnesty International a émis lundi de graves accusations envers les policiers chargés du transfert dans l'avion. 

Quand il a commencé à crier, ils auraient exercé une pression dans le bas du dos et, pour le faire taire, lui auraient retenu la mâchoire avec leurs avant-bras et essayé de lui mettre un bout de tissu dans la bouche. Mais Fahad Kamas s'est protégé, a précisé à l'ATS l'avocate, rapportant les déclarations, par mimes, de son client.

La police cantonale zurichoise réfute catégoriquement ces accusations. Son chef de la communication Marcel Strebel les qualifie de totalement infondées. Des clarifications ont montré que l'Irakien n'a été ni frappé ni pincé et que sa bouche n'a nullement été obstruée.

Marcel Strebel confirme en revanche que le jeune homme a crié et qu'il s'est violemment débattu. Sur ce, le pilote a exigé qu'il quitte l'avion.

Amnesty veut une enquête

Amnesty réclame une enquête sur l'incident. Le but est de savoir si les policiers ont agi de manière proportionnée, a relevé un porte-parole de l'organisation de défense des droits de l'homme. Celle-ci met en garde contre le risque que le jeune homme soit directement renvoyé en Irak si la Suisse l'expulse vers la Suède. Le royaume scandinave a en effet rendu une décision négative à son égard.

Dépôt d’une initiative parlementaire pour modifier la loi sur l’asile


INTERVIEW | Le cas de l’Irakien Fahad Khammas, héros du film La forteresse, est à l’origine de la proposition de Carlo Sommaruga.



Carlo Sommaruga
© KEYSTONE / PETER KLAUNZER | 3 questions à Carlo Sommaruga, conseiller national.
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Patrick Chuard, Berne | 04.03.2009 | 00:01

– Les autorités ont tenté sans succès d’expulser Fahad Khammas lundi. Ce requérant d’asile est toujours en prison à l’aéroport de Zurich. Allez-vous à nouveau interpeller le Conseil fédéral? 
– Il est vrai que j’avais déposé une initiative parlementaire l’an dernier, inspirée par le cas Khammas. Il s’agissait de dénoncer certaines dérives insupportables qu’entraînent les accords de Dublin. Pour ce cas précis nous allons, avec quelques parlementaires dont Claude Ruey, approcher Eveline Widmer-Schlumpf dès son retour des Etats-Unis. Il s’agit de négocier pour tenter de débloquer le dossier et prendre une nouvelle décision. D’autre part j’envisage, sur la base de ce cas, de déposer une nouvelle initiative parlementaire.

– Dans quel but?
– L’intention est de modifier la loi sur l’asile pour agrandir notre marge de manœuvre. La marge des autorités suisses s’est considérablement restreinte avec les accords de Dublin. Le Conseil fédéral le reconnaît lui-même, certains requérants rempliraient les critères pour avoir un permis. Mais la Suisse ne peut pas le leur accorder à cause des règles de Dublin: celles-ci stipulent qu’une personne ne peut demander l’asile que dans un seul pays membre.

– En l’occurrence, Fahad Khammas avait déposé sa demande d’asile en Suède, et la Suisse a logiquement l’intention de le refouler vers la Suède. Allez-vous remettre en question cet accord international?
– Non, mais certains critères doivent être clarifiés. L’un des problèmes apparents, c’est que les pays de l’espace Dublin appliquent tous des règles différentes en matière d’asile. La Grèce a, par exemple, décidé de ne plus du tout entrer en matière pour tous les requérants irakiens, ce qui ne correspond pas aux dispositions d’autres pays. Je dois encore bien examiner le sujet sous l’angle juridique, mais nous allons intervenir d’ici à la fin de cette session parlementaire.