vendredi 1 septembre 2006

L'Eglise se bat pour l'asile

Portrait de Sevdail dans le Courrier

Etrangers en situation illégale: les aider va-t-il devenir un crime?

Lire l'éclairage de Brigitte Longerich dans le Temps

Brigitte Longerich, responsable romande de la revue de l'Association suisse des infirmières et infirmiers, déplore que les «mobiles honorables» ne figurent plus dans la loi sur les étrangers.

Les «non» de Monseigneur Genoud cachent des Eglises divisées

Lire l'article de Samuel Russier du Temps
L'évêque de Fribourg, Lausanne et Genève a choisi La Cure, haut lieu du passage des réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale, pour s'opposer aux lois sur l'asile et les étrangers.

Extrait:

Monseigneur Genoud aime les symboles. L'évêque de Fribourg, Lausanne et Genève n'a pas choisi au hasard le lieu de sa conférence de presse appelant à s'opposer aux lois sur l'asile et sur les étrangers le 24 septembre prochain. C'est dans un restaurant à cheval sur la frontière franco-suisse, dans le village vaudois de La Cure, que l'ecclésiastique a développé ses arguments contre des lois qu'il juge égoïstes.

Aujourd'hui, la douane semble bien paisible au milieu du hameau de chalets. Mais l'endroit a connu des heures plus tragiques, lorsque les réfugiés juifs tentaient de fuir le nazisme en traversant les maisons de La Cure, entrant par l'arrière français pour ressortir sur la rue suisse.

L'épisode a inspiré à l'ecclésiastique un violent parallèle: un oui le 24 septembre rappellerait les heures sombres de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. «Au moins nos pères avaient-ils l'excuse de l'ignorance, remarque Monseigneur Genoud. Nous, nous savons les réalités que fuient les exilés qui veulent se réfugier chez nous.» Pas question donc d'accepter le rejet automatique des requérants sans papiers, ni l'accélération de l'examen des demandes, ni la suppression de l'aide sociale. L'aide au développement est la seule réponse valable au problème mondial de l'immigration.

La position des Eglises n'est cependant pas aussi ferme que cette intervention épiscopale pourrait le laisser croire.
«Le poids des Eglises alémaniques a fait la différence», explique Antoine Reymond, pasteur permanent du Conseil synodal de l'Eglise réformée vaudoise. Les communautés romandes ont d'ailleurs toutes appelé à un double non.

«Sur le fond, nous sommes tous d'accord, mais les Eglises de Suisse alémanique n'ont pas fait le pas, pour des questions d'opportunité politique. L'UDC y a un poids bien plus important qu'ici.»

Il faut cesser la spirale du durcissement

Dans 24 Heures, l'intervention de Mgr Genoud, dans le cadre des votations du 24 septembre. Un article signé Laurence Arthur.


PRISE DE POSITION Mgr Bernard Genoud estime que les citoyens sont responsables puisqu’ils disposent aujourd’hui du choix de dire non. (Georges Meyrat)

Au hameau frontalier de La Cure, l’évêque des diocèses de Lausanne, Genève et Fribourg a milité pour un rejet des lois concernant les étrangers. Monseigneur Bernard Genoud a lancé son plaidoyer pour le 2 x Non aux lois fédérales sur les étrangers et sur l’asile sou­mis en votations populaires le 24 septembre prochain. Hier, il a invité la presse au hameau au nom approprié de La Cure, dans le restaurant qui présente la singularité de se trouver à la fois sur les territoires Suisse et Français et surtout, d’avoir été un lieu de passage clandestin des réfugiés durant la seconde guerre mondiale.

— Pourquoi vous, homme d’Eglise, intervenez-vous publiquement dans ce débat politique?

En 2000, les évêques suisses ont demandé pardon pour les erreurs commises durant la se­conde guerre mondiale. Ne commettons pas à nouveau de faute. A l’époque, nos parents ou grands-parents avaient l’excuse de l’ignorance. On ne leur avait pas demandé de se prononcer sur l’accueil des Juifs. Aujourd’hui, nous avons le choix de dire non. La déci­sion sera inscrite dans les ar­chives. Alors, je ne suis pas sûr que les générations futures auront la consolation de nous attribuer une circonstance at­ténuante.

— Au-delà des idéaux huma­nistes et chrétiens, com­ment répondre aux problè­mes concrets. Dans le cas du viol de la fillette par deux enfants aux Grisons, Chris­toph Blocher a mis en avant la nationalité des jeunes agresseurs albanais à l’ap­pui de son argumentaire…

— Cette instrumentalisation est malhonnête. Nous avons les mêmes problèmes avec nos propres enfants, certifiés AOC. Rappelez-vous cette agression sexuelle (n.d.l.r.: enfant de onze ans violée par quatre élè­ves du collège chic de Flori­mont à Genève en 2002). Les agresseurs n’étaient pas des étrangers. Il faut avoir le cou­rage de reconnaître les problè­mes de la jeunesse.

— Comment imaginer une amélioration de la situation ici en Suisse, dont les effets pourraient être mesurés à court terme?

— Il faut cesser la spirale du durcissement. Je ne vois pas en quoi cela résout la problé­matique. Dans cette révision, l’examen d’un cas en 48 heures ne permet pas une évaluation. Elle met une pression terrible sur le fonctionnaire. Il faut développer certains services dans le sens d’un renforce­ment de l’accueil sans focaliser sur les centres de réfugiés et les prisons. A l’instar de l’exemple de Zurich, où les réfugiés reçoivent 1000 francs pour effectuer des travaux d’utilité publique, ce qui les rend heureux. Le travail est l’espoir de l’homme.

Sur le même sujet

Monseigneur Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, recommande de voter deux fois non aux lois sur l'asile et les étrangers soumises en votation le 24 septembre. Il a exhorté les chrétiens à ne pas fermer les portes de la Suisse. Interview de Mgr Bernard Genoud.

Des voix protestantes critiquent le manque de coordination dans une campagne dispersée. De son côté, Mgr Genoud s'est rendu à la Cure (VD), lieu de passage des réfugiés durant la deuxième Guerre mondiale, pour rappeler l'engagement de l'Eglise catholique contre les révisions.

Ces projets de loi blessent notre Etat de droit

Le quotidien La Côte revient lui-aussi sur l'intervention de Mgr Genoud à La Cure. Un article signé Contessa Piñon

A ceux qui recommandent à l’Église de s’occuper de problèmes d’évangile, Monseigneur Bernard Genoud cite le Nouveau Testament (Matthieu): "Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli". Bernard Genoud recommande aux citoyens de voter deux fois non, le 24 septembre, aux lois fédérales sur les étrangers et sur l’asile.

Et comme l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg aime les symboles, il a choisi, jeudi, de donner son message depuis le restaurant Franco-Suisse à La Cure, à cheval entre les deux frontières. Ce lieu servait au milieu du siècle dernier de célébration sur le territoire de la paroisse catholique de Nyon. L’homme de foi a rappelé les fondements de toute société basée sur les notions de respect, de justice et de charité dus au prochain, quelle que soit sa nationalité. Le durcissement de ces deux projets blesse notre État de droit dans ce qu’il a de plus essentiel, à savoir sa défense intégrale des personnes résidant sur son territoire et qui sont vulnérables.

"Il s’agit de la 9e révision. On va continuer pendant combien de temps encore?, s’interroge-t-il. Je refuse cet engrenage, ce processus de repli et d’égoïsme au relent nationaliste". Bernard Genoud dénonce l’arbitraire d’une loi qui n’accorde plus l’asile à des requérants sans papiers. "Je connais quelqu’un qui a travaillé chez nous au Diocèse. Il a fui son pays et n’avait emporté que ses lunettes". L’évêque s’inquiète du placement en centre d’accueil de sans-papiers, ayant pour effet de favoriser la clandestinité. Il critique l’exclusion de l’aide sociale des requérants déboutés et s’insurge contre la possibilité de jeter en prison des adolescents de 15 ans pour insoumission et non collaboration au retour. L’évêque prône, par contre, pour une aide au développement dans les pays de provenance des réfugiés. Des conventions avec ces mêmes pays obligeant ces derniers à accueillir leurs réfugiés dans la dignité constituent également une réponse adéquate.

Et même si les récents sondages donnent vainqueurs le oui, il est du devoir de Bernard Genoud de se battre. "Je ne suis pas tout seul responsable du monde, mais au moins je peux me regarder dans la glace. Il y a bien des échecs qui ont porté des fruits plus tard..."

«Nos parents avaient l’excuse de l’ignorance»

"Des exemples dans l’histoire même de notre pays nous rappellent aujourd’hui que des dérapages sont possibles", souligne l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. "Durant la Deuxième Guerre mondiale, certains catholiques ou évêques de notre pays n’avaient pas fait tout leur possible pour accueillir les réfugiés des systèmes totalitaires d’alors. Quand je pense à nos parents, confie Monseigneur Bernard Genoud, je pense qu’ils avaient l’excuse de l’ignorance. Les générations futures auront-elles les mêmes excuses? J’ai une dévotion particulière pour Sainte soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix (1891-1942). Je la prie de protéger le pays qui lui a refusé l’asile. Sainte sœur Thérèse-Bénédicte s’appelait Edith Stein, philosophe juive dont la Suisse a refusé l’asile durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a été gazée, par la suite, à Auschwitz."



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