vendredi 22 janvier 2010

Il n'est pas question d'arracher des enfants à leurs parents


La police genevoise est satisfaite de sa nouvelle prérogative qui lui permet de signaler les enfants qui accompagnent les mendiants au Service de protection des mineurs (SPMi).

Pour le responsable du dossier à la police Claude Pahud, «c'est une bonne nouvelle».

Dans une interview accordée vendredi au «Temps», M. Pahud relativise la dureté de la mesure, qui vise essentiellement les Roms. «Il n'est pas question d'arracher des enfants à leurs parents, de casser des liens». Pour le policier, l'unique but recherché est de protéger les enfants, «en particulier sur le plan sanitaire».

Les gendarmes ne vont pas prendre l'enfant de force. «On emmène les parents et l'enfant au poste, puis l'on fait intervenir le SPMi. Celui-ci, pendant que la police auditionne les parents, dresse un bilan de santé de l'enfant, puis prononce s'il le faut une clause péril», a expliqué M. Pahud.

A Genève, une quinzaine d'enfants, du bébé au mineur de 17 ans, sont concernés par la nouvelle directive. «Ces chiffres fluctuent», a averti M. Pahud. Actuellement, environ 70 adultes mendiants sont recensés en ville, «contre 150 à 200 durant l'été et l'automne 2009».

Dans «Le Matin», le conseiller d'Etat genevois Charles Beer a rappelé que les mesures prises mercredi par le gouvernement ne visaient pas à discriminer une communauté. «L'intention n'est pas de s'en prendre aux enfants, mais bien de les protéger», a souligné le magistrat socialiste.

Scolarisation des enfants de Roms: une arrestation sème le trouble


Une mère a été arrêtée et ses trois enfants placés au Service de la protection de la jeunesse. Les autorités de Genève appliqueraient-elles déjà leur nouvelle politique envers les enfants qui mendient? Soit faire intervenir le SPMI en vue de les scolariser de force, voire de les placer en foyer?

Dominique Botti et Mathieu Cupelin - le 21 janvier 2010, 22h16
Le Matin

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La maman et ses trois enfants, apparemment originaires de Cenade, en Roumanie, dormaient dans les locaux de l'Armée du Salut du quartier de Saint-Jean. «Des policiers ont débarqué à l'aube, raconte un gardien des locaux d'urgence. Ils ont embarqué la famille. Je la connais bien. Ce sont des Roms qui mendient, comme beaucoup d'autres. Je n'ai jamais eu de problème avec eux.»

La maman a été arrêtée. Et les enfants ont été placés au SPMI. Hier soir, ils étaient toujours dans les mains des services de l'Etat. Les autres membres de la famille n'avaient pas pu les récupérer. Un garçon de 13 ans a par ailleurs été appréhendé dans la rue et emmené au SPMI plus tard dans la journée.

Pour le gardien de l'Armée du Salut, les autorités genevoises ont commencé leur nouvelle politique lancée mercredi par le conseiller d'Etat genevois Charles Beer (voir encadré). «Je ne sais pas si c'est bien ou mal de forcer un enfant à aller à l'école. Mais au moins on s'occupe d'eux.»

Les associations de défense des Roms ont aussi hier envisagé le pire, tout comme les Roms que «Le Matin» a rencontrés à Genève. Pierre*, arrivé récemment de Roumanie, analyse: «Si c'est vrai, les autorités ont fait ce qu'elles avaient dit. Mais cela signifie-t-il que je n'ai plus le droit de me promener avec mes enfants dans la rue?» Pierre constate que Genève devient invivable. «C'est beaucoup mieux en France.»

Un défenseur des Roms, qui tient aussi à garder l'anonymat, confirme cette pression récente des autorités. «Il y a un durcissement évident. Beaucoup de Roms cherchent aujourd'hui à aller en France. Mais pour cela, il faut de l'argent.»

Le premier-lieutenant Claude Pahud tente de calmer le jeu. «L'arrestation à l'Armée du Salut n'a rien à voir avec les nouvelles mesures du Conseil d'Etat.» Il s'agirait d'une opération de routine, visant une personne qui était recherchée pour une infraction à la loi sur le séjour des étrangers.

Cette version officielle est contestée par Dina Bazarbachi, présidente de l'association Mesemrom. «C'est la première fois, depuis 2004, que des enfants sont emmenés au SPMI. Et pourquoi ne sont-ils pas rendus à leur famille?» conclut la responsable, qui a immédiatement envoyé une lettre au Conseil d'Etat.

* Prénom d'emprunt

«Tant mieux s'ils ne sortent plus mendier»

Au lendemain de l'annonce de nouvelles mesures visant à scolariser les enfants mendiants et à placer en foyer ceux que leur mode de vie mettrait en danger, le conseiller d'Etat Charles Beer justifie une nouvelle fois sa décision. Il dément tout d'abord que l'interpellation de la mère et des trois enfants soit liée à cette nouvelle politique. «Mais qu'il y ait des inquiétudes parmi les Roms, je peux le comprendre. Encore une fois, il ne s'agit pas de mesures de rétorsion contre une communauté. Je ne peux dire qu'une seule chose: les lois s'appliquent à tout le monde. L'intention n'est pas de s'en prendre aux enfants, mais bien de les protéger.» Le magistrat socialiste ne reviendra pas en arrière, persuadé que ces mesures sont «profondément justes». «Je ne comprends pas que l'on puisse douter de l'opportunité d'une action visant à empêcher que des enfants se retrouvent à mendier.»

Si les enfants concernés évitent de sortir mendier de peur d'être appréhendés, «cela me convient bien, je préfère s'ils peuvent rester quelque part au chaud». Le chef du Département de l'instruction publique rencontrera lundi les responsables des foyers et des classes d'accueil qui accueilleront les enfants mendiants.

Drogues: razzia dans un centre pour requérants d'asile à Aarau


La police a arrêté jeudi à Aarau cinq requérants d'asile nigérians et en a interpellé huit d'origine africaine. Elle a découvert 140 g de cocaïne, 200 g de marihuana et 7000 francs dans le centre où logeaient les suspects. Ce lieu était une plaque tournante du trafic de drogue destiné aux adolescents.

Les requérants arrêtés sont âgées de 20 à 36 ans. Ils étaient recherchés par la police ou frappés d'une mise en détention administrative en vue d'une expulsion. L'un d'entre eux détenait des biens volés, indique la police argovienne.

Les huit personnes interpellées provisoirement sont des ressortissants guinéens et nigérians âgés de 18 à 40 ans. Trois d'entre eux sont soupçonnés de trafic de drogue et cinq autres de recel ainsi que d'autres délits.

Derrière la réalité de la coke, il reste l’espoir des hommes


ASILE | La police valaisanne a interpellé onze dealers africains ces derniers mois. Ils étaient pour la plupart hébergés dans le Chablais, au foyer pour candidats réfugiés de Collombey. 24 heures y a passé une demi-journée.

© GÉRALD BOSSHARD | Evarest (27 ans, Nigérian) reste lucide: «Si j’ai fui, c’est à cause des tensions politiques. Mais je vois que je n’ai aucun avenir en Suisse. Alors je suis content de rentrer au pays.»
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Patrick Monay | 22.01.2010 | 00:02

«Nous sommes à Collombey, en Suisse.» Alli, Nigérian de 26 ans, répète minutieusement la phrase que lui souffle François, l’enseignant. C’est un matin comme les autres, à l’unité d’accueil pour candidats réfugiés. Au programme: deux heures de cours de français. Quatorze élèves sont assis dans la salle. Ils viennent presque tous d’Afrique de l’Ouest.

C’est dans ce foyer chablaisien qu’étaient hébergés sept des 11 hommes arrêtés l’an dernier pour trafic de cocaïne (lire ci-dessous). Y a-t-il encore des dealers parmi les 38 hommes qui vivent dans ces baraquements de bois? Le mois dernier, dans Le Nouvelliste, les patrons de deux bars situés dans les environs affirmaient avoir fait déguerpir des requérants, qu’ils soupçonnaient de vendre de la drogue. «Des cas isolés, réplique Pierre-André Genoud, responsable de l’unité. Je connais tous les pensionnaires. C’est l’avantage d’une petite structure.» Emile Blanc, chef de la section asile du Service valaisan de l’action sociale (SAS), tient aussi à nuancer: «Dans leur très grande majorité, les personnes dont nous nous occupons (ndlr: 1700 hommes, femmes et enfants) ont un comportement tout à fait correct.»

A Collombey, cinq employés assurent l’encadrement des demandeurs d’asile. «Nous surveillons toutes les allées et venues, assure Pierre-André Genoud. Le règlement est strict concernant les visiteurs. Le soir et la nuit, il y a toujours un veilleur qui fait le boulot. Et nous collaborons étroitement avec la police.» Par exemple en lui signalant les plaques d’immatriculation de voitures suspectes.

La responsabilité du personnel s’arrête aux abords immédiats du foyer. «A peine arrivés, certains requérants reçoivent par la poste, de la part de Dieu sait qui, un abonnement CFF demi-tarif, témoigne Pierre-André Genoud. Quand ils partent pour Lausanne ou Sion, impossible de dire ce qu’ils vont y faire.»

Alli, lui, dit ne pas pouvoir se déplacer. Comme la moitié des hommes accueillis entre ces murs, il a vu sa demande d’asile rejetée. Son statut de «requérant débouté» lui donne droit à l’hébergement et à la nourriture, mais rien de plus. «Je n’ai pas d’argent pour voyager, se désole-t-il en anglais. Du coup, les cours de français qu’on nous donne ne me sont pas très utiles.» Arrivé à Collombey il y a deux mois, le jeune Nigérian se sent seul. Il préfère ne pas penser à son pays, «instable et plein de problèmes».

Emile Blanc souhaiterait pouvoir offrir à Alli et aux autres personnes déboutées les mêmes conditions qu’aux requérants dont le dossier est en cours de procédure. Car ces derniers ont la possibilité, après trois mois de séjour en Suisse, de se former et de travailler. «Un gage de stabilité et d’intégration, estime le fonctionnaire valaisan. L’occupation, c’est le meilleur moyen d’éviter les problèmes d’incivilité et de délinquance.»

Peinture, menuiserie ou cuisine: le Valais gère plusieurs ateliers pratiques à Vétroz, près de Sion. Après y être passés, plusieurs candidats réfugiés intègrent les équipes de maintenance du SAS, qui assurent notamment l’entretien des foyers d’accueil et des quelque
500 appartements que l’Etat loue dans tout le canton pour les requérants. A la clé, une «prime de motivation» mensuelle de 300 francs, qui s’ajoute aux 160 francs qui leur sont alloués en guise d’argent de poche.

«Faute de mieux», l’ingénieur fait la cuisine
A Collombey, plusieurs de ces ouvriers achèvent la rénovation des locaux, pinceau en main. Il y a aussi l’équipe chargée de la subsistance, autour de Thomas, le chef cuisinier valaisan. Parmi les sept requérants qui la composent, Redwan, un Syrien de 27 ans, arrivé ici l’an dernier. «J’aime beaucoup ce que je fais, confie-t-il en préparant des chaussons aux pommes. J’ai pu apprendre le français. J’espère pouvoir rester en Suisse et pratiquer ce métier.»

Aloys, citoyen du Burundi, se montre moins enthousiaste. A 33 ans, cet ingénieur électricien fait la cuisine, «faute de mieux». Une fois son service terminé, il rentre à vélo dans son studio, à Monthey. Il regarde la télé et espère que son recours, déposé il y a plus d’un an, fera aboutir sa demande d’asile. «Ma femme est réfugiée en Ouganda. Je n’ai que de très rares contacts avec elle. Pourvu qu’elle puisse me rejoindre un jour…»

La drogue? Aloys écarte la question. «Je ne fume même pas. Ce qui se passe peut-être ici, je le lis dans les journaux, comme tout le monde. La police est venue un jour, mais je ne sais pas pourquoi. De toute façon, cela ne me concerne pas.»