mercredi 2 décembre 2009

Des manifestations dans plusieurs villes romandes


MINARETS | L'interdiction des minarets a fait descendre la population romande dans la rue ce soir. Outre un défilé à Lausanne et une manifestation à Genève qui ont réuni 6500 à 7000 personnes, des veillées aux bougies ont eu lieu dans une série de villes.

© KEYSTONE | A Genève, plus de 2000 personnes se sont réunies en début de soirée sur le parvis de la cathédrale St-Pierre, entourant deux minarets en bois et papier.

ATS | 01.12.2009 | 20:52

A Genève, plus de 2000 personnes se sont réunies en début de soirée sur le parvis de la cathédrale St-Pierre, entourant deux minarets en bois et papier.

Les organisateurs ont renoncé à défiler jusqu'à la mosquée du Petit-Saconnex, comme initialement prévu, afin de donner la possibilité au plus grand nombre de s'exprimer.

«Genève a toujours été une terre d'accueil», a déclaré Hafid Ouardiri, ex-porte-parole de la mosquée de Genève. Si les orateurs ont salué le vote genevois, ils n'ont pas manqué de pointer du doigt les responsables: l'UDC qui ne cesse d'attiser les peurs, mais aussi la classe politique qui ne combat pas clairement le racisme qui s'est exprimé dans l'anonymat de l'isoloir, selon Karl Grünberg, d'ACOR SOS Racisme.

De leur côté, les politiques ont appelé à la suppression du nouvel article constitutionnel, «la seule mesure acceptable» pour le maire de Genève Rémy Pagani, qui a demandé une minute de silence et de réflexion. «Les Genevois doivent désormais montrer à Berne qu'il est possible de bien vivre ensemble», a invité le président du Conseil d'Etat David Hiler.

Le rassemblement a été soutenu par une multitude d'associations, l'Union des organisations musulmanes de Genève, la Plateforme inter- religieuse de Genève, les syndicats, les partis socialistes, Verts et Solidarités et des associations de défense des droits de l'homme.

Veillées aux bougies
Des veillées aux bougies plus silencieuses se sont déroulées en début de soirée dans d'autres villes romandes. A Fribourg, au moins 250 personnes se sont retrouvées au centre-ville.

A Bienne, quelque 150 personnes ont participé à la veillée. Les participants ont voulu rappeler que la cohabitation pacifique entre les religions et les cultures était possible. A Neuchâtel, une une poignée de personnes ont allumé des bougies près d'une fontaine au centre-ville. Aucune banderole n'a été déployée lors de ces rassemblements multiculturels.

Plus de cent personnes se sont encore réunies durant une heure sur la place de la Planta au centre de Sion. Les participants étaient pour la plupart des jeunes de diverses nationalités et cultures. Deux tissus ont été déployés à même le sol pour permettre à tout un chacun d'y inscrire un message.

Les participants ont tous répondu à un appel relayé par le réseau social facebook sur internet. Ils ont partagé du thé et des mandarines que certains d'entre eux avaient apporté. Aucun discours n'a été prononcé.

Les instances internationales toussent

Une vague humaine pour la tolérance

Surenchère

Surenchère

Paru le Mercredi 02 Décembre 2009
RACHAD ARMANIOS

SuissePrès de sept mille personnes sont descendues hier dans la rue, principalement à Lausanne et à Genève, pour dire «non» à l'exclusion, deux jours après le plébiscite de l'interdiction des minarets. Tandis que le succès de la droite populiste helvétique donne des idées à ses cousines un peu partout en Europe, ces manifestations sont un important signal que la Suisse n'a pas sombré comme un seul homme dans l'islamophobie.
Une islamophobie délicate à saisir: car au rejet pur et simple de l'altérité se sont ajoutées des craintes, exprimées à travers la discrimination. Or les partis ont échoué à apaiser ces peurs. Pis, ils semblent y avoir renoncé si l'on en juge la campagne molle et en ordre dispersé qu'ils ont menée. Au lendemain du vote, seuls les Verts se montrent conséquents en soutenant le projet de porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. Quant aux autres partis, ils s'alignent face à la droite dure. L'UDC prévient: il faudra renoncer aux engagements internationaux de la Suisse plutôt que de revenir sur le vote populaire. «Il n'y aura plus de nouveaux minarets en Suisse», se couche le président du PDC Christophe Darbellay.
La première formation à avoir cédé, déjà avant le vote, a été le petit Parti évangélique. Soutenir le non lui a valu de fracassants départs. Il a voulu freiner l'érosion en proposant une «barrière de sécurité pour l'islam» sous forme d'une référence constitutionnelle au christianisme.
Puis, au lendemain du vote, Christophe Darbellay, encore lui, a immédiatement ressorti de ses tiroirs l'interdiction de la burqa. Alors que seules des touristes arabes s'accoutrent ainsi, le Valaisan veut prévenir plutôt que guérir, empruntant à l'UDC sa rhétorique préférée. Enfin, se désolant de n'avoir pas su répondre aux craintes des femmes durant la campagne, le président des socialistes Christian Levrat durcit le ton au nom de l'émancipation féminine. Il s'engouffre dans un piège. Ce sont bien l'UDC ou l'UDF, les pires détracteurs de l'islam, qui entravent en premier lieu l'émancipation féminine. Cela n'empêche pas de critiquer certaines pratiques comme le voile, mais sans en exagérer la portée, sans inventer des problèmes (burqas) ou faire croire que nous sommes démunis (mariages forcés).
Car les musulmans, de qui on exige un dialogue, demandent d'avoir des interlocuteurs qui les entendent. Mieux, des partenaires prêts à les aider à relever l'immense défi qui consiste à organiser la mosaïque de l'islam suisse, en respectant la pluralité des voix.
Mais, au lendemain du vote, la tournure des débats inquiète, sans étonner. En Suisse, c'est une habitude: les populistes donnent le la, les autres formations reprennent le refrain. Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard ne viennent-elles pas de plaider une restriction à la libre circulation pour protéger le marché local de l'emploi? L'UDC et le MCG se tordent de rire.



article

Les musulmans veulent apaiser les craintes qu'ils suscitent

RACHAD ARMANIOS

Analysé comme un vote de la peur et de rejet, le plébiscite pour interdire les minarets a blessé les musulmans de Suisse ou les a mis en colère. Mais au-delà de ces sentiments, comment comptent-ils répondre au signal donné dimanche? A Genève, Lucia Dahlab, vice-présidente de l'Union des organisations musulmanes du canton (UOMG), en appelle à «la résistance contre l'exclusion, la discrimination, le racisme et la désinformation». Pourtant, Jean-François Mayer, fondateur du site spécialisé Religioscope, prévient: «Ceux qui ont voté pour interdire les minarets l'ont fait parce qu'ils ressentent l'islam et/ou les musulmans comme une menace, à laquelle ils ont voulu signifier un arrêt. Un discours de victimisation ou des plaintes face à 'l'islamophobie' n'ont guère de chance de contribuer à une transformation de la situation.»
Stéphane Lathion, président du Groupe de recherche sur l'islam en Suisse, ajoute: «Les partis, plutôt que de répondre aux craintes, ont nié les peurs des gens.» Hafid Ouardiri, de la Fondation de l'entre-connaissance, met plutôt en avant la machine à faire peur de l'UDC, mais en convient: «Ce vote désavoue les partis politiques et les musulmans qui n'ont pas su répondre au besoin d'un débat sur l'islam, avec des questions sur le droit des femmes, l'excision ou des demandes de dispense de cours pour raisons religieuses.» Ces demandes «éparses et isolées» sont attribuées aux musulmans dans leur ensemble, regrette-t-il. Reste qu'«il faut tirer des conséquences de ce vote de la honte. Nous devons redoubler d'efforts pour dialoguer et pour mieux organiser l'islam en Suisse.» Lucia Dahlab abonde: «Il s'agit pour les musulmanes et les musulmans de développer un discours sur leurs problématiques, de se réapproprier les sujets qui les concernent, mais aussi d'intervenir dans les autres débats de société.»
Ce qui est plus facile à dire qu'à faire tant il est vrai que l'islam n'est ni homogène ni univoque: «Je souhaite que les diverses faîtières musulmanes puissent s'unir au niveau suisse», commente Lucia Dahlab. A Genève, l'UOMG y travaille au niveau local.
«La campagne a obligé certains musulmans qui y rechignaient, comme les Bosniaques ou les Turcs qui sont pourtant les plus nombreux en Suisse, à s'exprimer dans le débat public. Il faut poursuivre cet élan», ajoute Stéphane Lathion.
Car, selon lui, les musulmans peinent à accepter le débat intra-communautaire et ses disputes consécutives. «C'est pourtant le seul moyen de montrer la pluralité de l'islam.» Une façon de tordre le cou aux amalgames entre musulmans et intégristes.
A ce propos, Lucia Dahlab reconnaît certaines lacunes: lorsque, comme dernièrement, une Soudanaise est condamnée à quarante coups de fouet parce qu'elle a porté des jeans, l'UOMG devrait pouvoir prendre distance: «C'est un projet que d'être plus réactifs et prendre plus souvent position. Mais nous devons avoir des discussions de fond.» Avec des gens comme Hani Ramadan, qui s'est distingué en soutenant la lapidation des femmes adultères? «Les musulmans doivent mieux s'organiser, probablement en laissant la place aux jeunes», reconnaît Hafid Ouardiri, qui se met volontiers dans le lot des «vieux routards» qui devraient un peu s'effacer. Mais l'introspection a ses limites: «Il faut arrêter de nous mettre au mur avec de faux arguments comme le terrorisme, la burqa ou la réciprocité (allusion aux discriminations des chrétiens dans des pays musulmans, ndlr). Nous ne sommes pas responsables de ça!», poursuit-il. Stéphane Lathion, lui, condamne la surenchère de certains partis, en particulier le PDC dont le président, Christoph Darbellay, «qui veut interdire des burqas portées seulement par des touristes».
Lucia Dahlab, elle, insiste: «Pour dialoguer, il faut être deux. Or quand je me présente voilée à un débat, je suscite immédiatement du rejet. Il est très difficile d'expliquer que ce n'est pas par soumission que je me voile.»
RACHAD ARMANIOS

Les musulmans français craignent le «vent suisse»


Dans la mosquée de Bordeaux, lors de la prière du vendredi.
Dans la mosquée de Bordeaux, lors de la prière du vendredi. (AFP)

De Lyon à Bordeaux, des personnalités de l'islam de France redoutent l'impact indirect du vote helvétique sur la pratique religieuse et le dialogue avec les autorités. Dimanche, le peuple suisse a décidé d'interdire la construction de minarets par 58% des voix.

«Plus on ignore, plus on a peur. La preuve: c'est dans les endroits de Suisse où les musulmans sont les moins nombreux que la population a voté en masse contre les minarets», note Tareq Oubrou, l'imam de Bordeaux. Considéré par le philosophe Jean-Claude Guillebaud comme un «homme des Lumières, intégré à la vie française», et même comme un défenseur de l'«islam européen» (La Tribune de Genève) - Oubrou voit dans le vote suisse un «symptôme». Un nuage noir dans «une météo déjà chargée en Europe». «Le continent, qui se sent menacé par l'Asie et le Moyen-Orient, se droitise. Il a besoin de marqueurs identitaires.»

La place du communisme

Tareq Oubrou considère le «repli» helvétique avec philosophie. «L'islam a pris dans beaucoup d'esprits la place du communisme. Il faut bien un fléau. Le péril vert remplace le rouge. Mais c'est un islam inconscient, irrationnel, loin de la réalité.»

Ce contexte européen «troublé», les musulmans doivent le prendre en compte, estime le théologien enraciné dans la réalité française, auteur de «Profession imam» (éditions Albin Michel). «Il faut rassurer les citoyens européens.» Le minaret? «Ce n'est pas une obligation canonique. Même dans les pays musulmans, l'appel à la prière ne se fait plus du haut du minaret, mais avec des hauts parleurs.»

Le projet de grande mosquée à Bordeaux, que Tareq Oubrou a contribué à façonner, ne prévoit d'ailleurs pas de minaret. Abandon? Recul? «Non. Un minaret, dressé dans le ciel, peut prendre un air de défi, de conquête. Pourquoi attiser les craintes?»

Tareq Oubrou.
Tareq Oubrou. (AFP)

Une perche tendue aux populistes français

Une attitude pragmatique que l'on retrouve chez de nombreux responsables musulmans, habitués à composer avec les peurs locales, à négocier avec les autorités la taille et la physionomie des mosquées. Chez ces hommes de terrain, le vote suisse constitue un «mauvais signe». Un geste de fermeture. Une perche tendue aux «démagogues» et autres populistes français.

Lundi, le parti du président Sarkozy UMP a rebondi sur la décision helvétique. «Faut-il des minarets au sommet des salles de prière? Je n'en suis pas sûr», a ainsi affirmé le porte-parole de l'UMP, Dominique Paillé. Lequel estime que les clochers chrétiens, parce qu'ils existaient avant la République laïque, auraient aujourd'hui davantage de légitimité que les minarets.

«La vérité, note Tareq Oubrou, c'est que l'islam contribue à la désécularisation de l'Europe, au retour du spirituel. Et certains responsables politiques ne l'acceptent pas.»

Président du Conseil régional du culte musulman pour la région Rhône-Alpes, Azzedine Gaci est «déçu et scandalisé» par le vote helvétique. «Ce qui est aberrant dans cette affaire, ce n'est pas tant la réponse de la population - les Français, s'ils étaient consultés, ne voteraient malheureusement pas autrement – que le fait même de poser la question», déplore ce responsable régional du culte musulman.

Azzedine Gaci.
Azzedine Gaci. (AFP)

Musulmans modérés affaiblis

«Je sors d'une semaine de dialogue entre catholiques et musulmans. Ce genre de vote ne fera qu'affaiblir la position des musulmans modérés. C'est navrant!»

«Laissez-nous vivre notre religion en paix!», supplie M. Gaci. «A chaque fois que les musulmans demandent de pratiquer leur religion, les politiques brandissent l'arme de la laïcité, déplore-t-il.

Azzedine Gaci fait le compte des minarets dans sa région Rhône-Alpes: «Moins d'une dizaine, pour un total de quelque 170 mosquées et lieux de culte.» Le rhodanien est familier de ces négociations délicates avec les autorités locales: sur la taille de la mosquée, sur la hauteur du minaret. Chez lui, à Villeurbanne, la mosquée, construite sur un ancien terrain de l'église catholique, dispose d'un petit minaret de huit mètres de haut. «Il faut le chercher pour le trouver!»

«Le minaret, c'est la touche finale, la petite référence musulmane dans un paysage occidental.» C'est aussi, estime M. Gaci, le signe d'un islam visible. Donc pas caché. Et moins propice à un islam clandestin et radical. «Il y a un vrai manque de mosquées en France. L'Allemagne compte 3000 lieux de culte pour 3 millions de musulmans, la France moins de 2000 pour 6 millions de musulmans. A chaque fois pourtant, il faut se battre.»

Minarets: réfléchir à la place de la religion en Suisse



Les imams ont un rôle important à jouer en matière d'intégration. (Keystone)

Après le vote de la crainte à propos des minarets, place enfin au vrai débat sur l'intégration pour, justement, déconstruire cette peur, affirme Stéphane Lathion. Pour cet expert de l'islam, alors que le souffle de l'émotion s'estompe, il est temps que la raison prenne le dessus. Interview.

Stéphane Lathion préside le Groupe de Recherche sur l'Islam en Suisse (GRIS. Il a été surpris du résultat de la votation, mais pas choqué.

Certes les initiants ont joué jusqu'au bout la carte de l'émotion, mais les opposants n'ont pas su donner aux citoyens les moyens de se prononcer rationnellement. Plutôt que de dire aux gens qu'ils sont bêtes d'avoir peur, il faut désormais leur démontrer que cette peur n'est pas fondée.

swissinfo.ch: Mais cette peur est bien réelle, surtout depuis les attentats extrémistes de 2001?

S.L.: Le problème, c'est que la peur de l'islam en Europe est légitime. Il faut essayer maintenant de montrer que l'islam, tel qu'il peut être vécu ou ce pourquoi il peut être utilisé dans certaines parties du monde n'est pas l'islam de Suisse. Si vous ne l'expliquez pas, les gens ne vont pas comprendre.

Côté musulmans, il fallait peut-être une secousse telle que celle de dimanche pour qu'ils comprennent que leur manière personnelle, individuelle, de vivre l'islam est tout aussi valable que celle d'un cheikh de je ne sais où, ou d'un responsable religieux ou associatif de Genève ou de Zurich. Et pour qu'ils le disent.

Stéphane Lathion.
Stéphane Lathion. (zVg)

swissinfo.ch: Les musulmans n'auraient-ils pas pu sortir un peu plus tôt du bois et se montrer plus présents pendant la campagne électorale?

S.L.: Ils l'ont fait, d'une certaine manière. Mais cela a été fait sous la pression des médias qui les ont souvent forcés à en dire plus que ce qu'ils avaient envie de dire.

Quant aux individus, ce n'est pas facile de parler. Si quelqu'un, sans un cursus théologique de plusieurs années, se permet de donner son avis sur sa vision de sa foi, il risque bien de se faire rabrouer... Le Suisse, lui, dira: encore un qui vient me casser les pieds.

L'individu musulman bien intégré n'a aucun intérêt à s'exprimer dans les médias, car cela signifie aller au casse-pipe. Maintenant, à cause ou grâce à dimanche, il faudra qu'ils y aillent malgré tout, et aussi à titre individuel, pour montrer toute la diversité des pratiques et du vécu de cette communauté. Car faire parler des responsables d'associations musulmanes au nom de 'la' communauté musulmane ne sert à rien.

Donc l'un des enjeux du vote sera de voir comment réagissent les musulmans. Seront-ils déçus, vont-ils se replier et se taire? Ou vont-ils essayer au contraire de poursuivre le travail d'information qui a commencé, même s'il n'a pas encore porté ses fruits. Il est crucial qu'ils ne renoncent pas.

swissinfo.ch: Peut-on craindre une réaction violente, par exemple des jeunes?

S.L.: Ce serait la réaction la plus facile, et elle n'est pas impossible. Mais c'est précisément le rôle des responsables d'associations d'atténuer ces dangers-là. Ils doivent expliquer que bien sûr, le vote est une forme de rejet, mais en nuançant, en leur expliquant qu'ils vivent bien et qu'ils peuvent pratiquer leur religion en Suisse.

Après tout, une grande majorité n'en demandaient pas, des minarets, et la votation ne changera rien dans ce domaine. Les imams et les cadres associatifs ont donc plus que jamais un rôle à jouer pour dessiner le contours d'une cohabitation. Plus les seconds que les premiers, qui, souvent, ne sont pas formés ici et ne connaissent pas bien le terreau de la vie helvétique. Il faut que les musulmans continuent à expliquer qui ils sont pour montrer qu'ils ne sont pas si dangereux que ça.

swissinfo.ch: Le Parti évangélique sort du bois et demande l'inscription des «valeurs chrétiennes» dans la constitution, les démocrates chrétiens, eux, proposent d'interdire le port de la burqa. Quelles sont les limites de l'intégration?

S.L.: La burqa est un mauvais exemple car en Suisse il n'y en a pas. Mais si on veut une vraie laïcité de la société et si on veut interdire, il faut être conséquent et tout interdire.

Plutôt qu'un débat sur les limites de l'intégration, ou sur l'intégration tout court, je préfère un débat sur la place qu'on est prêt à accorder à l'expression religieuse dans l'espace public. Il ne faut pas se tromper de cible: il n'y a pas que les musulmans qui font débat, mais aussi les évangéliques, les juifs et toutes les religions.

Et là, c'est un problème cantonal et il revient aux administrations cantonales de fixer les limites. Genève, qui pratique une laïcité à la française, n'a pas la même attitude que le Valais ou Fribourg, qui ont une histoire différente. Il faut être très pragmatique car il n'y a pas de formule miracle applicable partout.

Ils n'y connaissent rien en burqa!


Après les minarets, le nouveau grand débat des élus suisses semble déjà être les burqas et leur éventuelle interdiction. Mais les parlementaires suisses savent-ils de quoi ils parlent? Visiblement pas...

le 01 décembre 2009, 21h14
Le Matin

66 commentaires

Puisque les touristes du Golfe qu'ils citent toujours en exemple ne portent pas la burqa mais le niqab. «Le Matin» a donc voulu tester les connaissances de nos chers élus. Voici le résultat. Et sans tricherie, malgré la tentative de Christophe Darbellay, la figure de proue de ce nouveau combat!

La Burqa
«Un voile intégral, spécifique
de l’Afghanistan, qui date de la période préislamique», explique Nadia Karmous, présidente des femmes musulmanes de Suisse.
Et si l’islam le tolère, le Coran est clair: pour que le pèlerinage à La Mecque soit valable, les femmes doivent avoir le visage et les mains visibles.
Le niqab
Toujours selon Nadia Karmous, c’est le petit bout de tissu que les femmes des pays du Golfe ajoutent, en plus du voile, devant leur visage. Le niqab peut laisser les yeux découverts (comme sur la photo) ou recouvrir entièrement le visage.
Le hijab
C’est le voile islamique ou le foulard. Nadia Karmous précise que le Coran explique qu’il faut le porter comme la chrétienne Marie en le ramenant vers le cou et la poitrine. Il ne doit être ni transparent ni serré. Tout le reste est permis en la matière, surtout les couleurs.
Le tchador
Voile traditionnel que les nobles iraniennes portaient déjà avant l’islam. Pour Nadia Karmous, c’est une grande pièce de tissu, sans couture, que les Iraniennes ajustent autour de tout leur corps.

1. qu’est-ce qu’une Burqa?
2. qu’est-ce qu’un niqab?
3. qu’est-ce qu’un hijab?
4. qu’est-ce qu’un tchador?
Éric Voruz (PS/VD)
1. La murqa? Je ne sais pas! Ah, la burqa? C’est un voile qui recouvre la femme des pieds à la tête.
2. Ça doit toucher à l’alimentation des musulmans, non?
3. Euh, c’est l’habit des Afghanes?
4. C’est le voile simple que les musulmanes portent.

Luc Barthassat (PDC/GE)
1.
La burqa, c’est la pire des choses qui existent, c’est un cache misère.
2. Aucune idée. Je dirais la burqa avec plus de vision...
3. Un peu plus qu’un simple voile. Il doit y avoir encore un bout de tissu qui vient sur le dessus. Un peu comme pour les bonnes sœurs.
4. Un voile simple.

Isabelle Moret (PLR/VD)
1. Ce sont les vêtements qui cachent tout le corps, le visage et les cheveux.
2. Aucune idée. Pourtant, j’ai essayé de comprendre l’islam et les différences entre Médine et La Mecque.
3. Je ne sais pas.
4. Ça doit couvrir le visage et le corps.
Yves Nidegger (UDC/GE)
1. C’est le vêtement d’origine afghane qui consiste en un treillis sur le visage et une bâche pour le reste.
2. Je ne sais pas: un voile qui ne couvre pas l’ovale du visage? Il ne dissimule que les cheveux et le cou?
3. C’est le foulard qui ne recouvre que les cheveux.
4. C’est afghan: il n’y a que les yeux qui sont dégagés.
Maria Roth-Bernasconi (PS/GE)
1. La burqa, c’est le voile intégral.
2. Aucune idée.
3. Le foulard.
4. Voile tout noir que les Iraniennes portent.
Antonio Hodgers (Verts/GE)
1. Le voile intégral avec une grille devant les yeux.
2. Voile qui ne laisse entrevoir que les yeux.
3. Le voile simple.
4. Voile qui recouvre l’entier du corps dans les pays maghrébins.
Yvan Perrin (UDC/NE)
1. Ça , je connais. C’est la prison ambulante avec des barreaux devant les yeux.
2. Je ne suis pas expert. Je dirais peut-être la tunique qui sert à éviter que les for mes du corps soient visibles.
3. Un accessoire vestimentaire qui sert à ne pas détourner la pensée de l’homme... Non, je ne sais pas.
4. Le voile.
Christophe Darbellay (PDC/VS)
1. Un voile qui enveloppe entièrement le corps avec un grillage devant les yeux.
2. La même chose qu’une burka, mais ça laisse plus de place au visage.
3. Je ne parle pas l’arabe.
4. Simple voile.
Adèle Thorens Goumaz (Verts/VD)
1. Le voile total qui vient d’Afghanistan, mais je ne suis pas sûre.
2. Je ne me souviens plus.
3. Le voile qui cache juste la chevelure.
4. Le voile qui cache tout le visage sauf les yeux.
Jean-Charles Rielle (PS/GE)
1. Habit complet avec le masque sur le visage.
2. Je ne sais pas.
3. Le foulard simple.
4. Le voile qui ne cache que le visage.
Jean-René Germanier (PLR/VS)
1. La tenue des femmes musulmanes qui sert à couvrir entièrement le corps et le visage.
2. Je ne sais pas.
3. Je ne sais pas. Aide-moi Christophe (à l’adresse du président du PDC Christophe Darbellay) .
4. Le voile presque intégral en Iran.
Ricardo Lumengo (PS/BE)
1. Voile complet où on ne voit même pas la bouche.
2. Je ne connais pas.
3. Aucune idée aussi.
4. Le petit voile devant le visage?

Cohn-Bendit: «Les Suisses doivent revoter»

Propos recueillis par Richard Werly Bruxelles
Daniel Cohn-Bendit: «Une tache noire sur la réputation suisse.»

Daniel Cohn-Bendit: «Une tache noire sur la réputation suisse.»

Pour l’eurodéputé vert, la riposte doit résolument êtr

Pour l’eurodéputé vert, la riposte doit résolument être politique

Le Temps: Partie de Suisse, la question de l’interdiction des minarets déferle maintenant sur le reste de l’Europe. Est-il normal de se la poser après le vote helvétique?

Daniel Cohn-Bendit: Cette question des minarets est un piège. Un piège parfait. Quoi qu’ils disent, les promoteurs de l’initiative visant à interdire la construction de nouveaux minarets s’en prennent à un symbole de l’islam et des musulmans. Or cet amalgame est non seulement insupportable, mais inacceptable: la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser. La limite démocratique est à mes yeux franchie. Je suis pour une démocratie directe «encadrée» par une Constitution qui ne permette pas de voter sur n’importe quoi. Une votation comme celle des minarets, qui cible une communauté en particulier, restera une tache noire sur la réputation de la Confédération. Pour l’effacer, les Suisses n’ont qu’une solution: se mobiliser et revoter.

– Mais le peuple Suisse s’est exprimé…

– Et alors? Les Suisses ont voté comme le feraient sans doute une bonne partie des Européens: avec l’angoisse vis-à-vis de l’islam rivée au corps, avec en tête les images des attentats-suicides au Pakistan et en Afghanistan. Il y a en plus eu, en Suisse, l’affaire du fils Kadhafi. C’est toute la difficulté de l’islam, dont la réalité est aujourd’hui défigurée par des petits groupes extrémistes ultra-violents. Mais cela n’excuse rien car, pardonnez-moi, la Suisse nous a dans l’histoire habitués à ce genre d’attitude. Je pense évidemment à la Seconde Guerre mondiale. La Suisse n’a alors eu aucun problème à sacrifier ceux qui butaient contre ses frontières et demandaient l’asile. Le problème helvétique, c’est cet égoïsme des riches que l’on retrouve aussi en Italie du Nord. On a vu combien de temps il a fallu à vos concitoyens pour que leur pays devienne membre de l’ONU! Cet égoïsme s’est traduit dans la votation de dimanche: on veut bien que des musulmans vivent et travaillent en Suisse. Mais à condition qu’ils se taisent et repartent un jour.