mercredi 11 février 2009

L’errance du jeune Irakien filmé dans La forteresse continue


KAFKAÏEN | L’an dernier, Fahad Khammas «jouait» son propre rôle devant la caméra de Fernand Melgar. Aujourd’hui, le requérant d’asile est de retour à Vallorbe pour déposer une nouvelle demande après avoir été renvoyé d’un pays à l’autre. Plongée dans la logique labyrinthique des accords de Dublin.



© | Fahad Khammas (à dr.) a couru l’Europe d’un bout à l’autre avant de rebondir au Centre de Vallorbe, où Fernand Melgar l’avait rencontré pour son film.

MARTINE CLERC | 11.02.2009 | 00:03

Son destin ressemble aux pérégrinations d’une balle de flipper. D’un bout à l’autre de l’Europe, Fahad Khammas, demandeur d’asile irakien de 24 ans, rebondit contre les frontières au gré de la législation européenne. Traducteur-interprète pour l’armée américaine à Bagdad, le jeune homme fuit l’Irak en été 2007, se disant pourchassé pour trahison par des milices islamistes. Syrie, Turquie, Grèce, Suède, France, avec des passages en prison pour séjour illégal, son périple tortueux l’amène en Suisse, au centre d’enregistrement de Vallorbe, au début de l’année dernière. C’est là que le réalisateur lausannois Fernand Melgar le rencontre. Fahad sera l’un des héros involontaires de son film événement «La forteresse». Depuis, ils sont devenus amis.

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Le drame de l'immigration clandestine en gros plan à la 59e Berlinale


BERLIN (AFP) — Les drames liés à l'immigration clandestine sont un thème fort de la 59e Berlinale, au coeur du poignant film français "Welcome", mais aussi d'"Eden à l'Ouest" du franco-grec Costa-Gavras, qui clôt le festival.
Très remarqué au sein de la section Panorama qui fête ses 30 ans cette année, "Welcome" de Philippe Lioret met en scène Vincent Lindon dans le rôle de Simon, un ex-champion de natation devenu maître nageur.
Dépressif depuis son divorce, Simon s'attache à Bilal (Firat Ayverdi) un adolescent irakien qui a traversé le continent pour rejoindre sa petite amie Mina (Derya Ayverdi), émigrée à Londres.
Arrivé à Calais, Bilal a échoué dans sa tentative de passer la Manche caché dans un camion de marchandises. Car une phobie l'empêche de se couvrir la tête du sac en plastique grâce auquel les immigrants déjouent les contrôles de la police - laquelle mesure le gaz carbonique rejeté dans l'air.
Il décide alors de traverser la Manche à la nage, un dangereux périple que Simon, qui lui donne des leçons de natation, veut le dissuader d'entreprendre.
Connu pour son polar "Je vais bien, ne t'en fais pas" et ses comédies "Tombés du ciel" ou "Tenue correcte exigée", Lioret signe un film social fort, émouvant et maîtrisé, où les acteurs non professionnels jouent remarquablement.
"Welcome" fait la lumière sur les risques pris par les clandestins déterminés à tout pour gagner la Grande-Bretagne et sur leurs conditions de vie précaires depuis la fermeture du camp de Sangatte, fin 2002.
Lioret montre aussi l'attitude ambigüe des autorités françaises qui tolèrent l'aide apportée par les ONG aux migrants, mais appliquent la législation qui sanctionne tout citoyen ayant hébergé une personne en situation irrégulière.
Sur le même thème "Eden à l'Ouest", projeté en sélection officielle hors compétition samedi soir, veille de la clôture du festival, rate sa cible.
Signé par Costa-Gavras - l'auteur de films politiques tels que "Z", "L'aveu" ou "Missing", président du jury de la Berlinale 2008 -, ce long métrage se présente comme "l'odyssée filmée" du jeune Elias (Riccardo Scamarcio) à travers l'Europe, avec Paris en point de mire.
Mais là où Lioret signait une fiction subtile, incarnée par des personnages de chair, uniques et émouvants, Costa-Gavras distille une vision manichéenne du monde, sur le ton d'une impérieuse dénonciation idéologique.
Sur sa route, Elias rencontre des archétypes de personnages, désincarnés, à l'instar de la bourgeoise qui lui donne une veste puis l'abandonne sur le pallier de son appartement car "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", le patron profiteur, la touriste allemande au fort appétit sexuel, etc.
Enfin le documentaire "Coyote" tourné par l'Espagnol Chema Rodríguez et présenté dans la section Panorama, suit les passeurs qui aident les émigrants à traverser la frontière mexicaine pour entrer illégalement aux Etats-Unis.
Déjà invité à la Berlinale 2006, Rodríguez a choisi trois émigrants guatémaltèques et leur "coyote" - le surnom des passeurs en Amérique centrale -, puis les a filmés pendant leur traversée du Mexique, vers la frontière.
Parmi eux, un seul a réussi à obtenir l'autorisation de résider aux Etats-Unis car il était mineur, et vit aujourd'hui à New York. Les deux autres ont été arrêtés puis expulsés vers le Guatemala.

Plus de demandes d'asile en janvier


Au mois de janvier, la Suisse a enregistré 2267 demandes d'asile, soit 184 de plus qu'au cours du mois précédent, selon les chiffres publiés mercredi par l'Office fédéral des migrations (ODM).

Même en octobre 2008, le mois record de l'année, il n'y avait eu «que» 2116 demandes, soit 151 de moins que durant ce mois de janvier 2009. Pour l'ensemble de l'année 2008, 16'606 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, soit 53,1% de plus qu'en 2007.

Et en ce début 2009, l'Erythrée est resté le principal pays de provenance, avec 523 demandes. Suivent la Somalie (277) et l'Irak (179).

A fin janvier, près de 42'000 personnes étaient en cours de procédure d'asile. Près d'un requérant sur quatre (23%) a effectivement obtenu l'asile en 2008, ce qui représente une hausse de près de 20% par rapport à 2007.

Le ministère de Justice et Police a mis en consultation le mois dernier un projet de révision de la loi qui rendrait plus difficile l'obtention de l'asile. Ainsi, la désertion ne serait plus un motif suffisant pour se voir accorder l'asile

Il n’aurait jamais pu être refoulé dans son pays

Le Somalien n’avait même pas déposé une demande d’asile. Savait-il qu’il ne courrait aucun risque d’être renvoyé de force dans son pays?

L’Office du juge d’instruction de l’Oberland bernois n’a pas encore clos son enquête. Il ne cherche pas à mettre à jour de nouvelles traces du séjour en Suisse de l’Africain décédé. Son seul objectif: clarifier si l’homme mort dans la neige est bien l’auteur des effractions annoncées dans des cabanes de la région. Un faisceau d’indices probants ramènerait la quiétude.

Que cache ce drame de la migration? L’homme a-t-il erré sans but ni point d’attache à travers la Suisse, reproduisant le mode vie nomade répandu dans son pays, la Somalie? Ou a-t-il disparu pour se cacher, craignant d’être refoulé? Savait-il seulement que son refoulement était impossible? Car comme le confirme l’Office fédéral des migrations (ODM), «depuis des années, aucun renvoi forcé n’est organisé vers la Somalie. Les seuls retours possibles sont volontaires».

Un simple contrôle d’identité révélant l’illégalité du séjour d’un Africain en Suisse est en général sans conséquence. Si la personne n’a pas commis de délits pénaux, elle est vite relâchée même si elle n’a pas de domicile. Dans le cas précis, assure la police bernoise, les agents genevois «ont recommandé» à l’Africain des lieux hébergeant les sans-abri et les sans-papiers. Nul ne peut dire à Genève si l’homme en a fait usage. «Sans doute pas», penche la police bernoise, sinon il aurait été aiguillé vers le centre d’enregistrement de Vallorbe pour y déposer une demande d’asile. Or une telle requête n’a pas été formulée, a confirmé l’ODM.

La seule année 2008, 2014 Somaliens ont déposé une demande d’asile en Suisse. 411 cas ont été réglés. Le taux d’acceptation est certes faible (18 cas, ou 5,2%). Mais lors d’une décision négative (refus ou non-entrée en matière), une admission provisoire est généralement accordée (68% des cas), les conditions du renvoi n’étant pas réunies. Pour les refus et les non-entrées en matière sans octroi d’une autorisation provisoire (60 cas), le résultat, en fin de compte, est identique: le séjour illégal en Suisse se poursuit.

Le mort de Diemtigtal


Simone Schmid Diemtigen *

Un ressortissant africain est mort de froid dans la neige face à une cabane d’alpage. Entré illégalement en Suisse, il avait été enregistré par la police genevoise en novembre 2007, puis avait disparu


Dimanche 1er février, dans une vallée reculée des Alpes bernoises. Quatre randonneurs à skis font une pause devant une cabane d’alpage, à 1600 mètres d’altitude. La cahute est baptisée «Ramseli». En été, l’étable accueille le veau d’une paysanne, Mme Schmied. Mais maintenant, la porte et les fenêtres sont solidement barricadées, les escaliers couverts de neige. Seule la recherche d’indices montrera plus tard que quelqu’un a essayé de forcer les volets. Que quelqu’un a voulu se mettre au chaud. L’homme n’a pas réussi à entrer par effraction. Et maintenant il gît, mort, devant la cabane. Son corps recouvert d’une mince couche de neige. Les skieurs de passage avertissent la police.

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Ou l'article original de la NZZ

Des communes font du bénéfice sur le dos des requérants d'asile

   OLIVIER CHAVAZ    

SuisseSOLEURE - IGA-SOS Racisme dénonce des contrats de travail très spéciaux passés entre les autorités communales et des employeurs privés. 
Faire travailler des requérants d'asile dans le secteur privé, leur verser 40 francs par jour au maximum et empocher la différence. Choquant mais légal. A Soleure, les communes – compétentes en matière d'asile – sont encouragées à agir ainsi par une directive cantonale. «C'est de l'exploitation aux relents colonialistes», s'étrangle Françoise Kopf, permanente de l'association IGA-SOS Racisme. Cette infatigable défenseuse des requérants et des recalés de l'asile dénonce notamment cette pratique depuis plusieurs années. Elle a récemment relaté dans les colonnes de Vivre Ensemble1 les déboires de trois personnes. Edictée dans les années 1990, époque où les requérants étaient frappés d'une interdiction générale de travail à Soleure, la directive baptisée «landwirtschaftliche Kurzeinsätze» visait à autoriser l'embauche pour des travaux de courte durée (4 mois) dans l'agriculture. Elle a été ressortie des tiroirs au début de la décennie «pour légitimer des formes de travail qui n'ont plus rien à voir avec des occupations champêtres», explique Françoise Kopf, preuves à l'appui. Tout en permettant aux communes de réaliser de juteux bénéfices. 


Vingt francs la demi-journée

Sur demande d'une entreprise, les autorités fournissent un «candidat» et signent elles-mêmes le contrat de travail. Rémunération: 20 francs la demi-journée. Astuce: l'employeur verse en réalité le salaire usuel de la branche directement à la commune, qui établit une fiche de salaire «corrigée» et empoche au passage la différence. La somme peut dépasser les 3000 francs pour un plein-temps... Sur le papier, ces emplois ne sont attribués qu'à des volontaires. La réalité est toutefois différente. 
L'histoire de ces deux pères de familles, soutenus dans leurs démarches par IGA-SOS Racisme, en atteste. En octobre 2007, le service social de la grande commune soleuroise dont ils dépendent leur enjoint d'accepter un poste dans une entreprise de recyclage. A l'évocation de leur salaire horaire – 5 francs –, ils refusent, révoltés par ce qu'ils considèrent comme de «l'esclavage». «Ils ont alors été mis à la porte par des policiers et privés d'aide sociale sans même une décision écrite», raconte Françoise Kopf. La commune a finalement dû faire machine arrière: si ce type de contrat est légal, couper les vivres du jour au lendemain à une famille ne l'est pas encore. 


Procédés pour dissuader

En août 2008, un requérant célibataire pousse la porte de l'association. Sa commune l'avait envoyé trimer dans une boucherie industrielle. Payé 500 francs (y compris pour des heures supplémentaires), il a réussi à mettre la main sur la véritable fiche de salaire, celle qui est établie par l'entreprise. Verdict: la rétribution de son travail s'élevait à 3750 francs. L'homme n'a malheureusement pas eu le temps de faire valoir ses droits: débouté, il reçoit aujourd'hui l'aide d'urgence, soit, à Soleure, neuf francs par jours et un lit en foyer. 
«Certains travaillent sous ce régime pendant des années, sans aucun espoir d'amélioration», se désole Françoise Kopf. A ses yeux, le canton de Soleure fait figure de «laboratoire» dans le domaine de l'asile, tant en matière d'économies réalisées sur le dos des requérants et autres recalés qu'à l'aune des restrictions et tracasseries administratives. Des procédés appelés à se généraliser au nom de la fameuse dissuasion. 
Auteure en 2004 d'un mémoire de licence en science politique précisément intitulé «Le marché de l'asile helvétique: une politique de dissuasion rentable?», la permanente d'IGA-SOS a par exemple calculé que Soleure avait réalisé, entre 1995 et 2000, un gain de quelque 18 millions de francs sur les sommes allouées par la Confédération. I 
Note : 1 Décembre 2008, no 120. Il s'agit du bulletin de liaison des associations romandes actives dans la défense du droit d'asile.