mercredi 7 avril 2010

Un père de famille menacé d’expulsion à Lyon: les dérives d’une politique du chiffre

Guilherme HAUKA-AZANGA, a fui l’Angola après avoir perdu sa famille dans la guerre civile. Il a refait sa vie en France depuis 8 ans et y vit avec sa femme, en situation régulière, les deux premiers enfants de cette dernière, ainsi que les deux enfants nés de leur union.

Ce père de famille de 37 ans, après avoir purgé deux mois de prison ferme pour "refus d’embarquer", a été reconduit directement à l’aéroport à sa sortie de prison le 18 mars.

Là encore, les policiers l’embarquent de force dans l’avion, malgré sa détermination qui le pousse à s’enduire de matière fécale plutôt que d’être expulsé dans un pays qu’il fuit. La non coopération du pilote aboutit à la remise en liberté de Guilherme à son retour en France.

Pourtant, il y a deux semaines, les policiers défoncent la porte de son appartement et arrêtent Guilherme devant sa femme et ses enfants impuissants. Depuis, Guilherme est toujours enfermé en rétention et risque d’être expulsé à tout moment.

SOS Racisme condamne une nouvelle fois la politique du chiffre du gouvernement dont nous avons ici un exemple des dérives. Nous dénonçons cette politique arbitraire et inhumaine.

Il est inadmissible de renvoyer un père de famille dans un pays qu’il a fui et dans lequel il risque sa vie, alors même qu’il a refait sa vie en France, pays dans lequel il vit avec sa famille et élève ses enfants.

SOS Racisme demande au gouvernement de libérer et de régulariser Guilherme HAUKA-AZANGA afin qu’il puisse vivre dignement et appelle à mettre fin à l’inhumanité grandissante de la machine à expulser.

Un communiqué de SOS Racisme paru sur Afrik.com

Les jeunes Roms font lentement changer l’image de leur communauté

Douze millions de Roms comptent parmi les exclus des sociétés européennes. Alors que le vieux continent fête jeudi 8 avril la journée internationale des Roms, une nouvelle génération parvient à étudier, à s’insérer et à s’organiser pour mettre fin aux politiques discriminatoires à leur égard. Un article d’Alain Guillemoles dans La Croix.


Ils sont Roms. Ils ont moins de trente ans. Ils sont bardés de diplômes. Ils parlent parfaitement l’anglais, manient l’informatique, ont déjà une riche expérience professionnelle. Et ils se dévouent sans compter à la défense de leur minorité.
Tel est le profil type des salariés de l’European Roma Rights Center (ERRC), une organisation non-gouvernementale (ONG), basée à Budapest et qui se consacre au soutien juridique des Roms dans toute l’Europe, les Balkans ou même en Russie.
Ces jeunes, dont beaucoup ont bénéficié du soutien de la fondation Soros, forment une nouvelle génération de jeunes militants qui ne cachent plus leur origine. Au contraire, ils la revendiquent haut et fort. Alors que le vieux continent fête jeudi 8 avril la journée internationale des Roms et que se tient jusqu’au vendredi 9 avril le deuxième sommet ministériel européen sur cette population, ils sont en passe de donner un nouveau souffle aux revendications des 12 millions de Roms vivant sur le continent européen.

Pied de nez aux clichés

Dans l’ensemble de l’Europe centrale, en particulier, ces populations ont payé le prix fort après la fin du communisme. Moins éduqués, premiers touchés par le chômage, ayant une plus faible espérance de vie, ils font également face au racisme et aux discriminations. Mais en voyant venir cette nouvelle génération, on se dit qu’il y a malgré tout matière à être optimiste, et que les choses sont peut-être en train de changer.
Ostalinda, 27 ans, par exemple, est demi-espagnole et demi-mexicaine. « Je suis Rom par mon père », précise-t-elle. Elle travaille depuis 4 ans à l’European Roma Rights Center à mettre en place des programmes de recherches sur les femmes Roms.
Elle a étudié au Mexique et en Grande-Bretagne. Juriste diplômée, elle aurait pu être avocate à Londres. Elle a finalement opté pour la défense des droits des Roms ici, à Budapest.
« J’ai un engagement en faveur de la justice sociale et des droits de l’homme, dit-elle. C’est une vocation particulière que je dois à mon père ». Danseur de flamenco, en Espagne, son père fut après la fin du franquisme un des porte-parole de sa communauté. Ostalinda revendique le fait d’avoir fait des études et d’être en même temps restée proche de sa famille et de son peuple.

L'ERRC vient en aide aux Roms

Angel Ivanov, 26 ans, Rom de Bulgarie qui travaille deux bureaux plus loin, a le même discours. Originaire de Veliko Ternovo, une petite ville bulgare, il avait intégré l’université pédagogique locale. Grâce au soutien d’un de ses professeurs, il a pu obtenir une bourse pour continuer ses études à Budapest.
Et il fait maintenant un stage de six mois au département légal de l’ERRC. Il explique : « Je voulais progresser en anglais et poursuivre mes études. J’aimerais revenir un jour vers ma communauté, en Bulgarie, et utiliser ce que j’ai appris pour améliorer les choses sur place ».
Fondé en 1996, l’ERRC accompagne juridiquement les familles Roms victimes de violence policière et de racisme dans toute l’Europe. Elle amène leurs plaintes jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme, de façon à faire condamner les États qui ont manqué à leurs obligations.
Si Angel a pu ainsi venir à Budapest, c’est grâce au Roma Education Fund, un organisme permanent basé à Budapest, qui finance chaque année les études de 800 étudiants et 30 000 enfants Roms. Grâce à une bourse, il a pu suivre un programme spécial visant à le préparer à entrer à l’université dans une filière classique.
Il n’a pas réussi. Mais en soutenant ainsi des dizaines de jeunes Roms dans leur projet professionnel, le Roma Education Fund tente de créer une nouvelle élite capable de tirer leur communauté et de faire changer le regard sur eux.

Génération cosmopolite

« Cette nouvelle génération est née après la chute du Mur, constate Valery Novosselsky, animateur du Roma virtual network, une liste de diffusion sur Internet. Elle est plus ouverte, plus consciente de ses intérêts, très éduquée, très cosmopolite, sans rejeter ses racines ethniques. Elle sait faire entendre la voix des Roms », observe-t-il.
Derrière ce phénomène, on trouve l’action de la fondation Soros. Soutenue par Georges Soros, milliardaire américain d’origine hongroise, celle-ci consacre de gros moyens à la promotion des Roms et a joué un rôle de lobbying important pour faire inscrire cette question sur l’agenda des gouvernements européens.
En 2003, la fondation Soros a réuni à Budapest une douzaine de gouvernements d’Europe centrale ainsi que la Commission européenne, la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour le développement ou la Banque de développement du Conseil de l’Europe. Elle a lancé la « Décennie de l’inclusion des Roms » qui s’est fixée pour but, d’ici à 2015, de réduire le fossé entre cette communauté et le reste de la population.

Roms et fiers de l'être

L’homme qui coordonne ce travail à la fondation, s’appelle Bernard Rorke. Il gère un budget de 4 millions d’euros destiné à soutenir des associations Roms. « Nous voulons contredire l’idée que les Roms sont une masse passive de victimes ; nous créons des opportunités pour eux. Nous voulons les aider à s’aider eux-mêmes et avoir une atmosphère dans laquelle ils n’ont pas peur d’affirmer leur identité », dit-il.
Il refuse qu’on lui attribue la paternité de cette nouvelle génération, qu’il estime composée de « plusieurs centaines » d’individus. Mais s’il n’en est pas le père, il en est plutôt une sorte d’oncle bienveillant qui a su aider et encourager un mouvement. George Soros lui-même doit d’ailleurs assister au sommet européen des Roms qui débutera jeudi 8 avril en Espagne.