lundi 22 août 2005

Quand on NEM...tome 6

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« Je ne souhaiterais pas
à mon pire ennemi
de vivre ce que je vis ici. »


Témoignages autour des personnes
ayant reçu une décision NEM
(Non-Entrée en Matière sur leur demande d’asile),
mises à la rue par les mesures fédérales d’allègement

Tome 6, 15 juillet 2005

A l’heure où ces témoignages paraissent, un arrêt du Tribunal administratif vaudois du 15 juin 2005 a changé provisoirement la situation des personnes ayant reçu une décision de « Non-Entrée en Matière ». Selon cet arrêt, la discrimination en matière d’aide sociale concernant ces personnes n’a aucune base légale. Cela signifie que le Canton de Vaud a l’obligation de les réintégrer dans les structures d’aide prévues pour les requérant-e-s d’asile.
Un projet de loi sera prochainement soumis au Grand Conseil Vaudois. Ce sera l’occasion, nous l’espérons, de questionner le bien-fondé d’une politique faisant pression sur des personnes en portant atteinte à leurs conditions de vie. Les témoignages autour de personnes ayant reçu une décision « NEM » vous invitent à cet indispensable débat.

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Près de l’abri PC à Lausanne, où logent les personnes avec « NEM » qui se sont annoncées pour l’aide d’urgence, il y a une école. Une enseignante est intriguée de voir chaque matin des personnes sortir du souterrain, et attendre… Elle croit se souvenir qu’un tel lieu n’est prévu que pour un hébergement exceptionnel et ponctuel urgent. Un matin, elle va à la rencontre des personnes émergeant du souterrain. La conversation s’engage, elle apprend que plusieurs de ses interlocuteurs vivent là depuis des mois, pour éviter d’être carrément à la rue. Leur programme de la journée ? S’annoncer au bureau cantonal pour obtenir le bon pour la nuit suivante. En attendant, passer au lieu d’accueil des Eglises… Pas de projet, pas d’occupation, pas de perspective, pas de travail ni de formation bien sûr…
Elle les accompagne, pour demander des explications sur cette solution minimale : elle peine à croire que les autorités puissent trouver normal d’héberger des personnes durablement dans un abri souterrain… L’attitude des responsables du lieu d’accueil de l’Eglise l’étonne : ceux-ci se réjouissent que pour le moment l’abri PC soit aussi ouvert en journée ! N’avoir nulle part où aller en journée, même si on a un toit pour la nuit, ce n’est pas enviable… L’enseignante ne sait plus si elle doit s’indigner ou se réjouir du système minimal mis en place : « dans d’autres cantons, il n’y a même pas d’hébergement en abri PC… » !
(Lausanne, printemps 2005)

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« Je parle au nom de tous mes frères qui vivent la même situation que moi.
Notre vie est une vie de peur. Nous ne savons pas ce que demain sera et quelle direction aura notre vie. Il est impossible d’avoir une vie organisée. On ne peut pas dire : demain nous ferons ceci, la semaine prochaine nous ferons cela.
Nous avons entre 16 et 40 ans. Actuellement aucun de nous ne sait comment envisager sa vie. Quelques-uns dorment au Sleep-in, quelques-uns chez des amis, d’autres dehors. Notre situation est très grave. Personne n’aime souffrir. Nous souffrons une torture psychologique. La plus grande difficulté est de trouver le sommeil pendant la nuit.

Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de vivre ce que je vis ici.

Si Dieu n’était pas là, je n’arriverais pas à supporter. C’est Dieu qui m’aide et me donne des gens sur mon chemin pour m’aider. Il y a à Yverdon quelque bonnes personnes envers lesquelles je suis très reconnaissant. Je sais que le peuple d’Israël a aussi souffert en Egypte. J’ai confiance en Dieu qu’Il va m’ouvrir une porte. »

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« Une fois je marchais dans la rue. Je ne cherchais pas de problème. La police m’a arrêté. Ils m’ont fouillé. J’avais seulement 5 Fr dans ma poche. Ils m’ont demandé d’où venait cet argent. Ils m’ont conduit au poste de police. Je leur ai demandé pourquoi, ce que j’avais fait de mal. Ils m’ont mis en prison pour trois semaines. Après, ils se sont excusés. »
« Je dormais dans le sous-voie à côté du Centre Fareas des Casernes. Un policier m’a dit : « Tu dois partir ». J’ai marché dans la ville jusqu’à 7 h. Je me suis faufilé dans le Centre Fareas sans qu’on me voie. J’ai été vers mes compatriotes dans la cuisine. Ils m’ont donné à manger. J’ai pu prendre une douche. Le soir, à 5 h, quand le Sécuritas est venu pour contrôler les papiers, j’ai dû partir. J’ai marché toute la nuit jusqu’au matin.

Un autre jour, j’ai vu une dame, avec un petit chien. Elle a acheté un morceau de poulet à la boucherie. Elle a mis le morceau dans la bouche de son chien. Moi, je n’avais pas mangé depuis trois jours. »

(témoignages partagés lors de la messe à Yverdon, le 25 juin 2005)

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Merci d’avoir lu ces témoignages.
Les tomes 1, « Un seul programme, enlever la couleur » ; 2, « C’est arrivé près de chez vous ! » et 3, « Dans le froid – Hors du temps » sont encore disponibles. Vous désirez les recevoir ? Vous souhaitez être tenu-e au courant de la suite ?
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Editeur responsable :
Carrefour d’Associations NEM
c/o SOS-Asile Vaud
Adresse de contact :
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A Aigle, la fête des couleurs sous la pluie


Parmi la vingtaine de productions qui se sont succédé sur la scène du petit chapiteau, le groupe Las Parrandas — du Venezuela — a apporté une note très colorée.

Dans 24heures Edition Chablais, Corinne Feuz rends compte de la 5eme fête dess couleurs organisée par le centre culturle de la Planchette.
La pluie persistante a eu raison du cortège en ville, qui devait avoir lieu samedi. Mais pas de la manifestation, ni de l’enthousiasme qu’elle génère auprès des communautés étrangères qui y participent. Quant au public, il est toujours plus étoffé de Suisses.
Samedi, 18 h 30, quartier de la Planchette. Les yeux clos, le petit bonhomme africain dort dans une étoffe bigarrée, confortablement pelotonné sur le dos de sa maman. Sous le chapiteau étoilé, la température monte d’un cran. Alors qu’à l’extérieur une fine pluie tombe toujours. Sur scène, la communauté albanaise danse à l’invitation du chanteur Isufu Hajvulla et de Behqieti Heqiat, au piano. Les notes de ce dernier sont quelque peu discordantes, mais le public, métissé, n’en a cure.
Un pont entre les cultures
«C’est la fête», glisse Ulada, un jeune Serbe, assis parmi les premiers rangs. Que lui apporte-t-elle? «C’est juste une fête… et c’est bien», confie encore le jeune homme. Quelques rangées derrière, Heidi est venue avec une amie. La Suissesse, déjà présente la veille, habite sous-gare, mais pas du côté de la Planchette. Pourquoi s’est-elle déplacée? «J’ai beaucoup d’amis étrangers. Je suis venue pour eux, pour leur montrer que j’étais là.» Au fil des ans, le nombre d’Helvètes qui prennent part à la manifestation instaurée pour créer des liens entre les Aiglons, les Chablaisiens et les communautés étrangères semble s’étoffer.
Responsable du Service communautaire de la Planchette et organisateur de la fête aux côtés de nombreux bénévoles, Serge Paccaud semble pourtant déçu de la participation des Aiglons: «J’ai envie de dire qu’on les aura à la longue.» A ses côtés, Alice Paschoud positive: «Les gens du coin reviennent année après année. Ça s’élargit. Ils sont contents que cela existe. Que cela reste simple, accessible.» Un sentiment fortement relayé au sein des communautés. Entre deux ventes de beignets de bacalhau, Sofia — une jeune Portugaise autrefois établie à la Planchette et désormais installée à Villeneuve —, glisse: «C’est une fête sympathique, une façon de rencontrer les gens.»
Parmi les représentants des communautés étrangères qui proposaient les spécialités de leurs pays, comme ceux qui sont montés sur scène, les visages sont ceux de la Planchette. Et de bien au-delà. Le réseau des communautés a à nouveau fonctionné afin de trouver groupes et coups de main nécessaires à la fête.
La communauté helvétique s’est mariée aux couleurs le temps de la fête. Et durant la semaine précédente, lors des ateliers de jeux et de création proposés à l’enseigne de «Quartier Animés». Samedi, en fin de matinée, alors que le cortège en ville venait d’être annulé, André Bader — membre du Service communautaire — confiait: «Jamais nous n’aurions eu un cortège aussi étoffé. Avec aussi une couleur suisse — la Fanfare municipale d’Aigle et les Fifres et Tambours de Montreux —, c’était parfaitement bigarré!»

Panser la plaie et passer à autre chose


Une dizaine d'organisation appellent à une manifestation de soutien aux sans-papiers, aux interdits de travails et aux déboutés en cette fin de semaine, alors que 24heures publie un éditorial très clair de Jacques Poget en première page de toutes ses éditions, il demande la régularisation de ces cas.
Le voici dans son intégralité:
Jour de rentrée pour les écoliers! Y compris pour les enfants de ces requérants d’asile qu’on appelle les «523» (aujourd’hui moins de 170). Entameront-ils l’année scolaire? Resteront-ils terrés dans des refuges? Seront-ils, avec leurs mères, délogés par la police malgré le barrage des manifestants et emmenés comme les colons de Gaza?
C’est tout ce que voulait éviter la majorité du Conseil d’Etat, décidée à agir pendant l’été. Pour de multiples raisons, il n’en fut rien, voici donc la situation pourrie, les refuges en effervescence, les Eglises inquiètes, beaucoup de citoyens révoltés et d’autres, très nombreux, indignés qu’on n’applique pas la loi.
Laquelle? La donnée légale elle-même est bouleversée: par la motion Melly, le Grand Conseil interdit expressément au Conseil d’Etat de procéder aux renvois. Est-ce bafouer le droit fédéral? Pas dans la mesure où les expulsions découlent moins de la loi que d’une directive administrative qui l’interprète. Cette dernière oblige-t-elle les cantons «souverains» à exécuter des décisions qu’ils réprouvent?
Le bon sens demande que M. Blocher voie que dans cette affaire il apparaît comme le bailli, ou «juge étranger», qu’il déteste tant. Mais d’abord que les quatre conseillers d’Etat de centre droite décident que doit cesser cette situation délétère, qui divise la société et mine le gouvernement; les trois minoritaires ne pourront pas s’en tenir à une pseudo-rupture de collégialité. Ils ont laissé l’été à leurs collègues, il est temps de panser cette plaie. Régulariser.
Pour mieux s’occuper des vrais problèmes du canton, plus graves que 170 habitants de plus ou de moins. Et, afin d’éviter de nouveaux drames (in)humains, s’assurer qu’on saura dorénavant donner aux nouveaux requérants des réponses rapides, justes et dignes sur le sort qu’on leur réserve.