samedi 1 décembre 2007

Naturalisation révocable pendant 8 ans ?

Lire la dépêche de l'ATS
Un Suisse fraîchement naturalisé pourrait se voir retirer son passeport à croix-blanche jusqu'à huit ans après qu'il lui ait été accordé. La commission compétentes du National maintient son projet visant à allonger le délai pour annuler une naturalisation.

Main tendue , main exclue : la mendicité interdite à Genève


Lire la dépêche de l'ATS
Ecoutez la séquence de Forum sur la première
Lire l'éditorial de Didier Estoppey dans Le Courrier
Il n'y a plus qu'une droite à Genève: celle qui a décrété hier soir au Grand Conseil qu'il fallait désormais bannir la mendicité de la cité des banques. Une droite souvent pétrie d'états d'âme ou de petits calculs lorsqu'il s'agit de se démarquer de l'UDC à l'occasion d'élections. Mais qui a pourtant voté comme un seul homme le projet de loi qui lui a été soufflé par le parti blochérien, avec l'aide de quelques libéraux en quête de survie politique. Tout comme elle a rejeté, dans le même geste de souverain mépris, une motion socialiste demandant un soutien du canton à des projets en faveur des Roms en Roumanie.
Le débat, quoique attendu, fut pitoyable. A l'heure où les derniers Roms roumains, aidés par l'opprobre public et la Croix-Rouge, quittent Genève, bourgeois et populistes gravent leur exclusion dans le marbre légal. Et feignent ainsi de répondre aux peurs de la population, qu'ils ont eux-mêmes largement construites en s'emparant de la mendicité pour gagner des voix. Sans offrir évidemment aucune solution au problème qu'ils prétendent résoudre: la pauvreté est elle aussi fille de la mondialisation. Et on doute fort que Genève, carrefour du monde comme de l'Europe, fasse fuir sur simple décret la misère s'invitant dans ses rues.
Mais la droite genevoise se fiche des réalités. Le nombre d'âneries que ses élus ont proférées hier soir en a donné une preuve accablante. Prétendre, comme l'on fait plusieurs députés, que la mendicité a brutalement explosé depuis la suspension des amendes par le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, en juin dernier, relève de contrevérités crasses: les travailleurs sociaux sont unanimes à constater une stabilité du phénomène depuis trois ans. Et que les amendes infligées en 2005 et 2006 n'ont visiblement eu, a contrario, aucun effet dissuasif.
Il est un mensonge plus grave: celui consistant à prétendre que la droite ne fait que rétablir la situation juridique d'il y a quelques mois. Alors que la nouvelle loi introduit une nouveauté de poids: celle qui permettra à la police de saisir une avance sur amendes aux mendiants. Soit, pour reprendre une formule de Laurent Moutinot, de vider leurs gobelets. On imagine, s'agissant d'une police genevoise souvent décriée, les abus et la part d'arbitraire qui auront désormais statut légal.
L'hygiénisme sécuritaire croit avoir triomphé. En stigmatisant des Roms qui ne sont de loin pas seuls, à Genève, à n'avoir parfois d'autre choix que celui de tendre la main. De recourir à une solidarité privée face aux carences d'un Etat social dépouillé par cette même droite à chaque occasion. Le libéralisme a prétendu hier soir bannir les marges de plus en plus larges du système qu'il produit. Mais les marges réclameront toujours leurs droits.

Sur le même sujet lire l'article de Cynthia Gany dans le Temps
Accusé de s'être «mis en grève», d'avoir «commis une bourde» et de faire preuve de «candeur». Laurent Moutinot, ministre socialiste de la Police genevoise, a été la cible de dures attaques issues des rangs libéraux et UDC, vendredi soir au Grand Conseil. Au terme de joutes émotionnelles, le magistrat a été désavoué dans sa politique de lutte contre la mendicité. Par 53 oui, 30 non et 5 abstentions, les députés ont décidé de revenir sur la décision prise en juin par Laurent Moutinot: le fait de tendre la main est à nouveau illégal à Genève.

Interview de Micheline Calmy-Rey dans Le Temps

LIre le texte complet de cette interview, ou ci-dessous la partie qui concerne nos sujets de prédilections (migration, asile
- Revenons aux élections. Les médias étrangers s'y sont beaucoup intéressés. Ils ont souvent dépeint notre pays comme «isolationniste» et «xénophobe». Craignez-vous que la «blochérisation» de la Suisse nuise à nos relations avec l'UE?

- Disons surtout que, même dans nos pays voisins, nos institutions sont souvent mal comprises. Il y a donc un besoin d'informer. Avec le parlement nouvellement élu, nous avons trois blocs de taille quasi identique et aucun ne peut imposer des décisions seul, sans faire d'alliances. Nous restons très clairement dans un système de concordance. Ce qui m'a le plus inquiété durant la campagne est qu'un certain parti ait choisi de faire de la politique en appliquant à tout le pays des messages décidés à Zurich, sans tenir compte des intérêts locaux. C'est difficilement compatible avec notre système fédéraliste.

- L'initiative anti-minarets ne contribuera pas non plus à redorer l'image de la Suisse. Et le peuple votera le 1er juin sur l'initiative de l'UDC sur les naturalisations, à quelques jours du lancement de l'Euro 2008...


- Nous avons reçu mandat du Conseil fédéral de préparer une stratégie de communication par rapport à l'image que nous véhiculons à l'étranger. Cela nous permettra de définir si nous devons prendre des mesures pour agir sur l'image de la Suisse en général ou s'il faut intervenir uniquement dans des cas particuliers. La capacité de la Suisse de débattre publiquement sur des sujets délicats, comme ces initiatives, fait partie de nos forces. Et montre la maturité politique des Suisses. Mais il est clair que nous devons à chaque fois expliquer notre système politique à l'étranger.

- La Suisse, Genève surtout, est depuis peu confrontée à la venue de Roms qui mendient. Comment faire face aux problèmes que posent ces nouveaux membres de l'UE?
Lien vers la problématique roms du blog

- Tout d'abord, il n'y a pas d'afflux massif de Roms en Suisse. La migration en provenance des pays de l'Est reste très modeste. Nous ne nous sommes pas encore mis d'accord avec Bruxelles sur les modalités de l'extension de la libre circulation à la Roumanie. Mais déjà maintenant ces personnes peuvent venir trois mois en Suisse. Après, elles tombent dans l'illégalité et c'est aux cantons de prendre les mesures nécessaires. Le problème principal avec les Roms est qu'ils connaissent de grandes difficultés dans leur propre pays. L'UE a déjà haussé le ton envers la Roumanie à ce propos.

- La problématique des Roms confirme que la Roumanie est un cas particulier: ne devrait-il pas y avoir une réflexion au sein même de l'UE pour appliquer des règles différentes selon les pays?

- Ça n'est pas à moi de le dire. La politique européenne s'appuie sur une politique de non-discrimination qui oblige le respect de certains standards. C'est bien comme cela. Nous n'avons pas non plus de règles particulières pour nos minorités.

- Christoph Blocher est en train de plancher sur un «plan Roms». Avec le Département des affaires étrangères?

- Non. Je trouve d'ailleurs problématique de stigmatiser une communauté entière uniquement parce que certains d'entre eux agissent mal.

- La pression migratoire pourrait être plus forte depuis que l'Italie a durci sa politique envers les Roms. Faudrait-il, comme le fait l'Office fédéral des migrations (ODM) au Cameroun et au Nigeria, financer une campagne de sensibilisation dans leur pays pour les dissuader de venir en Suisse?

- Le plus important est de venir en aide aux gens sur place. Nous n'avons pas encore trouvé d'accord avec Bruxelles sur l'extension de la libre circulation des personnes à la Roumanie (et à la Bulgarie, ndlr) car il existe des divergences sur les modalités d'application de la clause de sauvegarde en cas de forte immigration. Mais une fois cela réglé, nous discuterons d'une éventuelle contribution de la Suisse à la réduction des disparités économiques et sociales sur place.

- Que vous inspirent d'ailleurs les spots diffusés au Nigeria et au Cameroun pour rendre les Africains attentifs au fait que la vie en Suisse n'est pas facile?

- Il est important de faire comprendre que l'Europe n'est pas un paradis et que le risque de se retrouver démuni, de se faire instrumentaliser existe. Mais l'objectif principal est bien de faire en sorte que les gens qui rêvent d'immigration puissent avoir un meilleur avenir dans leur pays.

- Un requérant congolais plusieurs fois débouté en Suisse a récemment obtenu gain de cause devant le Comité de l'ONU contre la torture. Cela ne donne pas une très belle image de la Suisse...

- Mais cet avis permet aussi de renforcer l'attention sur ce genre de cas. Il faut cependant avouer que les décisions sont souvent difficiles à prendre.

Avec les laissés pour compte de l'Asile


Lire cet article de Bonne NOuvelle
Plus de 800 personnes contraintes d'évacuer leur appartement, de liquider leurs biens et de rejoindre des centres d'aide d'urgence avec le strict minimum. Tel est le résultat, dans le canton, de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2008 des nouvelles lois sur l'asile. Les déboutés n'ont désormais plus droit ni à l'aide sociale ni à gagner leur vie. L'aide restrictive d'urgence leur est accordée jusqu'à leur départ.

Le premier déménagement a eu lieu le 16 novembre au Centre du Simplon à Lausanne. Un bras de fer s'est engagé, car une mère «tenait à prendre deux petits meubles avec les affaires de son enfant, des jouets, une télé», raconte Pierrette Iselin, une bénévole. La consigne l'interdisait. Les affaires ont finalement passé, mais pas les meubles qui ont fini déchiquetés dans une benne.

La bénévole s'offusque: «J'ai surpris des mots échangés par les gardiens du foyer et le personnel: ‹Pour les suivants, il s'agira d'être strict: des habits et un matelas, c'est tout.›»

Brigitte Zilocchi, aumônier protestant des réfugiés, est déjà débordée d'appels à l'aide. «Cette réalité attendue était tellement impensable que les concernés l'ont occultée jusqu'au bout, confie-t-elle. Maintenant, ils ont reçu leur lettre de transfert, cela devient concret. Je peux vous dire qu'ils ne vont pas bien.»

Devant l'ampleur du choc, protestants et catholiques offrent leur aide. Peu de chose: une liste d'une dizaine de pasteurs et diacres prêts à écouter. «Nous ne pouvons plus changer la loi, mais faire un accompagnement de deuil», explique Brigitte Zilocchi. Peur des sanctions, comme certains le craignaient lors des votations? «Je n'ai pas le droit d'inciter au séjour illégal en Suisse ou de loger un débouté, mais je peux donner à manger et un habit à une personne en détresse», assure l'aumônier.
Quitter le pays

Qu'est-ce que l'aide d'urgence? Il s'agit de ce qui reste à un débouté jusqu'à son départ. Concrètement, les familles sont logées, à quatre par pièce, dans des foyers à Lausanne, à Bex et à Leysin. Elles reçoivent 9 fr. 50 par jour et par personne. Les célibataires sont transférés dans d'autres centres, à Vennes et à Vevey. Ils reçoivent repas et bons «pour des articles d'hygiène», pas d'argent. La liberté dans les centres, qui sont gardés, est restreinte.

Seules les familles sont encore affiliées à une assurance maladie. Pour les autres, les ennuis de santé se règlent aux urgences. «Pour un problème de dent, ils se rendent à la clinique dentaire qui l'arrache, faute de moyens pour d'autres soins», observe l'aumônier. L'ultime papier du débouté est une lettre précisant son illégalité en Suisse et l'ordre de partir. Dès qu'il se balade en ville, il peut être arrêté et amendé - n'ayant d'argent, il risque la prison.

Les mesures visent bien sûr à accélérer les départs. Pas si simple pourtant, sait déjà Brigitte Zilocchi: «Par peur, les ressortissants de certains pays, comme le Togo, ne vont pas rentrer. Ils craignent d'y être emprisonnés pour avoir fui et donc trahi leur pays. D'autres Etats, comme l'Ethiopie, l'Erythrée ou la Somalie, réexpédient aussitôt en Suisse les déboutés renvoyés de force.»

Autre problème: les apatrides. «Des millions de personnes dans le monde n'ont jamais été inscrits dans un registre de naissance, rappelle l'aumônier. Si elles ne peuvent fournir les preuves de leur origine, la Suisse inscrit sur un formulaire ‹provenance inconnue›. A partir de là, aucun pays ne les veut, ils n'ont pas le droit de rester et nulle part où aller!»

Brigitte Zilocchi craint une augmentation des candidats à la clandestinité. Sauf qu'au 1er janvier entre aussi en vigueur la loi sur le travail au noir, avec son lot de sanctions plus sévères pour les employeurs. «Les conditions de ceux qui disparaîtront dans la nature seront misérables, prévoit Brigitte Zilocchi. Comment vont faire les familles? Je suis inquiète de la détresse psychique de ces gens. Dans la pyramide des besoins élémentaires, ils sont tout en bas, sans perspective de remonter. J'accepte qu'il y ait des lois, mais pas qu'on joue avec des êtres humains.»
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